ENCORE UNE HISTOIRE DE CALCULS

Billet de blog
le 15 Sep 2019
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Les élections municipales ont lieu demain

ENCORE UNE HISTOIRE DE CALCULS

Au cours de la confrontation qui a lieu au sein de L.R.E.M. pour la désignation de la tête de liste de ce parti pour les élections municipales de Marseille, les mots, une fois de plus, ont manifesté une signification sous-jacente, en quelque sorte dissimulée, refoulée, par leur signification explicite, celle de l’évidence. Aujourd’hui, il s’agit d’une question de calculs.

 

Significations de la candidature d’Yvon Berland

Quand Yvon Berland, le président de l’université de Marseille, a annoncé son souhait de diriger la liste de La République en Marche pour l’élection de la municipalité de Marseille en 2020, il s’est avéré intéressant de se demander quelle est la spécialité de ce professeur de médecine. On peut alors constater que le président de l’Université est professeur de néphrologie, autrement dit qu’il travaille sur le rein. Mais, si l’on s’intéresse encore plus attentivement au système rénal, on se rappelle qu’une des pathologies du système rénal porte le nom de calculs. Voilà comment les mots viennent nous rattraper : celui qui souhaite conduire la liste du parti présidentiel aux élections municipales de Marseille s’intéresse aux calculs. C’est de cette manière que les calculs, en quelque sorte, ne laissent pas la politique libre, que la politique est soumise aux calculs et à ceux qui en sont les spécialistes. Mais, bien sûr, même si les mots ont, ainsi, toujours une signification inconsciente à laquelle on ne pense pas quand on s’exprime ou quand on s’engage, il faut aller plus loin pour s’interroger sur les significations de cette candidature. Deux significations apparaissent au premier regard et donnent un éclairage particulier à la candidature d’Y. Berland. La première de ces significations est, sans doute, que cette candidature est une manifestation de plus de l’opposition, devenue, en quelque sorte, permanente, entre les élites et les classes populaires. En conduisant la liste de L.R.E.M., Y. Berland montre qu’il ne s’agit pas d’une liste dirigée par des militants issus des classes populaires, mais d’une expression de plus du fait que le mouvement macroniste est un mouvement des classes dominantes à la fois sur le plan économique et sur le plan culturel. L’autre signification de cette candidature est celle d’une forme de remise en cause d’un principe fondamental de l’enseignement et de la recherche, la laïcité. La laïcité est l’affirmation de la nécessité que soient strictement séparés l’enseignement (y compris, bien sûr, l’enseignement universitaire) et les engagements, qu’il s’agisse des engagements religieux ou des engagements politiques. Il ne faut pas réduire la laïcité à la séparation des autorités religieuses et de l’enseignement, mais il est essentiel de donner à ce principe toute sa force et toute sa signification.

 

Une forme de confusion des pouvoirs

C’est que, s’il était élu – or une candidature est bien l’expression d’un projet mis en œuvre quand on est élu, deux pouvoirs seraient confondus, celui qui porte sur la municipalité et celui porte sur l’université. Si le président de l’université de Marseille devient maire de Marseille, la même personne détient le pouvoir sur la municipalité et le pouvoir sur l’université, qui, fondamentalement, doit demeurer indépendante du politique. Cette confusion des pouvoirs entraîne, par ailleurs, deux difficultés majeures. La première porte sur l’autorité même de celui qui détient ces pouvoirs. De deux choses l’une, à l’issue de la désignation des candidats ou, plus encore, à l’issue de l’élection elle-même. Ou il est désigné comme tête de liste, ou encore la liste qu’il dirige est élue, et le président de l’université devient candidat ou maire de Marseille, ce qui met fortement en cause l’indépendance de l’institution universitaire à l’égard des institutions et des pouvoirs politiques. Ou il n’est pas désigné ou cette liste n’est pas élue, et le président de l’université, qui la dirigeait ou souhaitait la diriger voit son autorité fragilisée, remise en cause, sur l’institution universitaire, sur les enseignants, sur les étudiants, sur les chercheurs et sur les autres personnes qui en font partie. C’est toute l’université qui se trouverait affaiblie si celui qui la dirige échouait à être désigné, ou perdait cette élection, ou serait soumise au pouvoir de la municipalité s’il la remportait. C’est en ce sens que la candidature d’Y. Berland manifeste une forme d’indifférence à la confusion des pouvoirs – voire une revendication de cette confusion.

 

La laïcité : une indépendance à l’égard des pouvoirs et des engagements politiques

C’est cela, la laïcité : l’expression d’une rigoureuse séparation des pouvoirs – notamment, en l’occurrence des pouvoirs de l’institution universitaire vis-à-vis des pouvoirs politiques. Les enseignants, les chercheurs se sont battus pendant des siècles pour que la laïcité soit reconnue comme un principe majeur de la vie intellectuelle, de ceux qui y initient leurs élèves et des institutions qui la structurent, et, par conséquent, ce principe ne doit en aucun cas être mis en cause. Sans doute Y. Berland aurait-il dû démissionner de ses fonctions de président de l’université au moment où il devenait candidat à l’élection municipale, aux fonctions de maire de Marseille. Sans doute celui qui signe ces lignes est-il particulièrement sensible à ces questions parce qu’il a enseigné pendant quarante ans, dont une vingtaine dans des établissements universitaires, mais il n’en reste pas moins que, comme l’actualité dans le monde entier vient nous le rappeler tous les jours, la laïcité doit rester un règle fondamentale de l’enseignement et de la recherche.

Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Question tout de même, pour bien comprendre le fond de votre pensée : il me semblait qu’Yvon Berland n’était plus président de l’université AMU depuis le 1er septembre dernier ; je ne vois donc pas bien comment il pourrait cumuler “le pouvoir sur la municipalité et le pouvoir sur l’université”. Voudriez-vous clarifier ?

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    • M M

      Il me semble qu’en regardant la date de mise à jour (4 sept 2019) de la liste des membres du conseil d’administration d’AMU, ça pourrait aider à répondre:
      https://daji.univ-amu.fr/public_content/conseil-administration/membres

      Réponse: il y figure encore
      Il me semble qu’il cumule également la présidence de la fondation A*MIDEX en charge d’allouer un fond de 1.5 milliards d’euros (https://daji.univ-amu.fr/sites/daji.univ-amu.fr/files/ca_pv/annexe_02_-_annexe_de_la_convention_amidex.pdf ) à l’élévation d’Aix-Marseille parmis les meilleurs pôles universitaires, R&D/startup de l’innovation au monde
      https://amidex.univ-amu.fr/fr/gouvernance-administration

      Re-il me semble qu’il y a d’autres fonds nationaux/EU qui entrent dans les projets liés à AMU.

      Donc on parlerait de beaucoup…beaucoup d’argent public géré pour le développement de la “Métrople Aix-Marseille-Provence”
      D’ailleurs les locaux de la fondation A*MIDEX (c’est normal, une partie des locaux de l’université d’Aix-Marseille y sont) et de la Métropole sont tous les deux au Pharo.

      Nous savons tous qu’à Marseille, plus qu’ailleurs, la manipulation de l’argent public peut nous faire faire rapidement un voyage dans la 4ème Dimension.
      Si en plus on cumule le pouvoir politique avec la gestion de l’argent public, là…c’est carrément la 5ème Dimension en mode Black Mirror

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  2. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Avec tout le respect que je te dois Bernard : c’est n’importe quoi !
    1°) Yvon Berland est à la retraite depuis le 31 août au soir, il ne peut donc pas être à la fois Maire dans 7 mois et en même temps Président de l’Université. Il y a actuellement une administratrice provisoire qui prépare les élections qui renouvelleront le CA, et donc le président et toutes les instances et délégations qui en dépendent.
    2°) Dire qu’Yvon Berland est candidat à la tête de liste de LREM, dont il n’est pas membre, est un peu raccourci. Il postule à la tête de la liste qui sera soutenu par LREM et les autres composantes de la majorité parlementaire.
    3°) Il existe effectivement des situations professionnelles dont l’exercice est incompatible avec l’élection dans une collectivité , en particulier on ne peut pas être à la fois élu et fonctionnaire de la même collectivité territoriale.
    Où a-t-on vu que le fait d’exercer telle ou telle profession (universitaire et/ou médecin en l’occurrence) , et a fortiori d’en être retraité, créait une incompatibilité ?
    4°) Enfin qu’est ce que cela à voir avec la souhaitable ouverture des candidatures et des mandats électifs à des personnes issues des classes populaires ? L’origine de ce problème est plutôt à rechercher dans le fonctionnement des partis (qui ne jouent pas leur rôle de formation et de promotion) et dans le statut de l’élu.

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