Au-delà de la rue d’Aubagne

DEUX CRISES URGENTES DU LOGEMENT À MARSEILLE : L’HABITAT ET L’ENVIRONNEMENT

Billet de blog
le 25 Nov 2018
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Tout se passe, aujourd’hui, comme si l’effondrement des maisons de la rue d’Aubagne avait servi d’alarme, à Marseille, sur l’état du logement et sur l’absence d’une politique de l’habitat et d’une politique de la ville

Il ne faut pas se contenter d’observer d’une façon critique les événements qui se sont déroulés rue d’Aubagne. Comme toute situation de crise, le drame est un symptôme, le symptôme d’une crise bien plus profonde et bien plus étendue, comme on peut s’en rendre compte, après coup, devant la quantité d’immeubles concernés (plus de 40 000 selon le rapport Nicol, cité dans Le Monde, du 23 novembre). Comme toute violence, la violence de cette crise du logement marque une limite, qui manifeste une fin du politique. Et, comme pour répondre à toutes les formes de violence, il faut que le politique retrouve sa place, que les pouvoirs s’exercent de nouveau, que le fait d’habiter une ville devienne ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : ce qui permet d’être reconnu comme un citoyen.

 

Habitat et citoyenneté

Faisons un peu d’histoire des mots. Le mot citoyenvient du mot cité : il désigne celui qui habite une cité, c’est-à-dire une ville constituant un espace politique. Mais le mot qui désignait la cité, en latin, était le mot civitas : il désignait l’ensemble des citoyens qui habitaient une ville, que l’on appelait les cives. Mais ce qui est intéressant, c’est que civis, le citoyen, désigne aussi, dans cette langue, le concitoyen. Autrement dit, ce qui fonde la citoyenneté, en latin, et notre langue est largement issue du latin, comme l’ensemble de notre culture politique, c’est le fait d’être reconnu comme un citoyen par l’autre, par celui à qui l’on parle, avec qui on vit, avec qui on habite la cité que nous constituons ensemble. Ce que montre la dégradation des quartiers du centre qui est allée jusqu’à la mort de ceux qui les habitent, c’est la fin de cette reconnaissance ; en ne leur donnant pas des logements et des quartiers leur permettant d’habiter la ville en toute sécurité, en n’aménageant pas l’environnement des quartiers du centre de façon à permettre qu’il soit réellement habité, les pouvoirs ont montré qu’ils ne reconnaissaient les habitants de ces quartiers comme des citoyens. Or, c’est la reconnaissance de tous comme citoyens qui fonde l’égalité. Si l’habitat et l’environnement ont une dimension pleinement politique, c’est qu’au lieu que ce soit l’argent, ce sont eux qui contribuent à fonder l’égalité et la citoyenneté.

 

Significations politiques de la crise de l’environnement

Ne nous trompons pas : si l’écologie est devenue une identité politique, au-delà de constituer une des multiples formes de rationalité de l’espace, c’est justement que les expériences de l’espace, l’aménagement de l’environnement et du paysage, le logement et l’habitat, l’aménagement des villes, ont fini par soulever des problèmes engageant le débat public, les discours et les pratiques des acteurs politiques et la responsabilité des pouvoirs. C’est bien pourquoi il importe de ne pas réduire la destruction des immeubles de la rue d’Aubagne à un accident, mais de comprendre que ce sont les pouvoirs et les acteurs politiques qui les exercent qui ont à répondre de ces morts. Trois dimensions particulières montrent le caractère politique de cette crise que nous sommes en train de vivre à Marseille. La première est la disparition des pouvoirs et des institutions qui ont, peu à peu, laissé l’espace au marché au lieu de mettre en œuvre une véritable politique qui aurait montré leur conscience de leurs devoirs. À cet égard, la situation, à Marseille, ne fait que montrer l’emprise du libéralisme sur l’espace comme dans tous les pays. La deuxième  dimension politique de la crise de l’habitat à Marseille est qu’elle manifeste, une fois de plus, la montée des inégalités. La crise de l’environnement urbain à Marseille ne frappe pas de la même façon tous les quartiers. C’est bien dans des quartiers pauvres, ceux du centre, que les immeubles se dégradent jusqu’à la mort de ceux qui les habitent. On ne pourra, ainsi, mettre fin à la crise du logement dans notre ville qu’en engageant des politiques de nature à rendre égaux tous les habitants de la ville et tous les quartiers dans lesquels ils vivent. Enfin, si l’écologie urbaine a une signification politique, c’est qu’elle impose de faire des choix, et que ce sont ces choix qui expriment les identités politiques de ceux qui les font en prenant les décisions concernant l’aménagement de l’espace de la ville. On ne peut pas à la fois aménager le Stade Vélodrome et entretenir le patrimoine immobilier et les logements des quartiers du centre.

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