Confinement, jour 1
Confinement, jour 1
J’habite juste en dessous de la gare. En ce jour 1 du confinement, le boulevard que je domine a une gueule de dimanche : deux voitures qui se courent après, quelques personnes qui circulent, la tête baissée, le nez dans l’écharpe, qui s’évitent soigneusement en essayant vainement de respecter les distances de sécurité sur des trottoirs minuscules. Personne aux fenêtres ni aux balcons ; j’imagine que tout le monde fait son petit ménage de printemps pour se faire un beau bunker bien rangé, tout propre et tout cosy.
Pour ma part, mes conditions de conf’ sont plutôt sympa : je vis avec mon copain, un type plutôt agréable, dans un appartement de 45m2 avec terrasse. J’ai pas de mômes pour me hurler dans les oreilles, et je travaille comme rédactrice indépendante donc tout le monde se fout que j’écrive mes articles depuis mon bureau, d’un café ou dans mes toilettes perso (même si en vrai j’écris pas aux toilettes). Alors pour l’instant, c’est plus étrange que pénible…
… Même si comme tout le monde, j’ai pas hyper envie de contracter le corona. Pour lutter contre l’angoisse, j’ai développé une stratégie, qui consiste à prendre compulsivement sa température toutes les deux heures. Je m’auto-surveille aussi pour voir si je n’ai pas de symptômes, chose peu aisée puisque je pense que je ne suis pas la seule à développer une légère hypocondrie : à peine ma température a-t-elle augmenté de 0,1°C que, c’est sûr, J’AI LE CORONA. Mon compagnon de conf, R., est dans la même dynamique : « Tu sais, je crois que j’ai mal à la gorge, je sens un petit gratouillis sur mon cou, juste là, tu crois que c’est le corona ? ».
Espace-temps d’un bunker
Comme (probablement) nos voisins, cette première journée a été l’occasion de prendre nos marques.
On s’est d’abord fait nos espaces de travail : j’ai poussé ma machine a coudre pour caler mon ordinateur, tandis que R. s’est installé un étrange mini-bureau sur la platine vinyle (« pile poil à côté de la play, pour les pauses », explique-t-il). Un aménagement qui nous convient, un peu moins à nos deux chats qui se demandent D’OÙ on se permet de squatter la journée entière chez elles (j’ai vraiment l’impression qu’elles m’en veulent à mort).
Niveau boulot, c’est le chaos. Je erre entre newsletters, mails drôles des collègues avec qui on télé-rit beaucoup (le jeu de mot est de l’une d’elles), des conseils lectures pour les jours à venir. Petit check des coronablagues sur Facebook et sur Twitter, avec ma préférée : « Pour l’instant 2020 jmets 4/10 pour l’ambiance. ». Je finis par fabriquer des crèmes et des masques en tissus (pour se confiner AVEC STYLE)… C’est un étrange phénomène quand on travaille de chez soi, qu’il va falloir dompter : on a beau essayer de se concentrer, on se retrouve toujours à faire la vaisselle alors que le seul truc dont on se rappelle avant, c’est qu’on était allé chercher un stylo.
Entraide
Les messages défilent : on s’aime tous très fort. Chacun partage ses petits bricolages, idées et blagues, envoie des photos, prend des nouvelles. Des amis agriculteurs à Marseille créent un groupe de solidarité : ils ont besoin de gel hydroalcoolique, de masques, de savon pour pouvoir continuer à vendre leurs légumes tout en protégeant les autres. Certains proposent le gel, d’autres de coudre des masques. C’est toute une organisation : qui dépose quoi chez qui histoire de limiter les déplacements, on s’échange les attestations, est-ce que les masques en tissu c’est VRAIMENT efficace, oui ou non, (réponse : pas trop, mais c’est toujours mieux que rien). Ça se finit sur cette histoire du Tampographe Sardon qui achète du gel.
Psychologie positive
Pendant ce temps, la radio tourne en boucle. Au fil de la journée, France Inter (oui, je suis une islamo-gauchiste) passe de Castaner qui nous engueule à des sujets plus pratiques, signe qu’on accepte et qu’on s’adapte : Que lire ? Que va nous apprendre cette période ? Comment ne pas buter ses proches ? Peut-on faire l’amour, ou vaut-il mieux éviter les contacts ? (réponse : oui, on peut si on n’est pas malades !) Doit-on faire une attestation pour sortir les poubelles ?
On créé un petit univers psychologiquement sain. Par exemple, on dit « je vais boire un café en terrasse » quand on sort avec notre tasse de café, pour que ça fasse comme dans la vie normale. R. a rebaptisé le Coronavirus « le bubble gum » pour le rendre plus sympa, et j’ai décidé que le confinement serait « le conf’ », vu qu’on est désormais intimes. Je songe même à nettoyer mes chaussures pour les mettre la journée, quand je suis « au bureau » (c’est-à-dire, à trois mètres de mon canapé). Bon, c’est peut-être un peu trop.
Le monde des autres
C’est étrange, ce monde où on se croise plus. Je pense à tous les autres, ceux qui doivent travailler dehors dans ce contexte anxiogène, ceux qui côtoient l’extérieur pour nous nourrir, nous distribuer nos lettres, nous fabriquer notre pain, alors que le gouvernement martèle que dehors, c’est dangereux. Peut-être que j’écoute trop la radio, parce que l’épicier d’en face n’a pas l’air plus angoissé que ça, juste pensif. À 20 h, des applaudissements retentissent, pour rendre hommage au personnel soignant, et c’est étrange de penser qu’alors que nous sommes dans le silence pesant de cette ville morte, eux sont en train de courir partout pour essayer de nous sauver.
Pour résumer, bilan de notre première journée de conf’ : on n’a pas encore bien réalisé ce qu’il se passait, comment allaient être les prochains jours. Mais entre inquiétude pour les autres, soulagement pour nous, on commence à se demander aussi ce qu’on peut faire pour aider. Même si en restant chez nous, on fait déjà beaucoup… Et comme disent les Italiens : c’est quand même la classe de pouvoir sauver son pays en restant en pyj’ dans son salon.
Commentaires
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Je suis fan et j’attends la suite. Bien vu(e) l’histoire de la vaisselle et du stylo. J’ai vécu exactement la même chose. On se fait une conf’ call quand vous voulez (cadeau : un jeu de mots pour vos copines). A demain !
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Haha, merci pour elles ! Ce sera télé-transmis… Merci de votre commentaire et… Bon conf’ à vous 🙂
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Top cet article!!
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Ma première fan, comme toujours <3
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Merci pour votre billet 🙂
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Merci de votre commentaire ! 🙂
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