Cabaret : “it’s only politics” et bien justement

Billet de blog
par Lagachon
le 16 Jan 2015
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Cette seconde réflexion de la trilogie new-yorkaise inspirée de la comédie Musicale Cabaret et relativise l’effervescence politique à Marseille et les dangers de ne pas s’intéresser à la politique marseillaise (revenir au menu pour consulter les deux autres billets). Je l’ai écrite en décembre, donc bien avant l’attentat contre Charlie Hebdo, ne sachant pas comment la reprendre pour la contextualiser, je la publie telle quelle avec ce petit message et une conclusion en fin de billet. 

Avec une comédie musicale de Broadway on est a priori bien loin de la Canebière, mais là aussi, il y a une lecture marseillologique, celle d’un groupe d’artistes mi-bohème qui défient toutes les normes et font l’autruche pendant que la démocratie souffre.

Ce spectacle est créé à Broadway en 1966 (inspiré du livre Berlin Stories sorti en 1945) : il met en scène la trépidante vie nocturne berlinoise, la liberté sans borne qui émane du cabaret et voile à peine la montée du nazisme, la prise de conscience de certains et le déni de la majorité. La lecture marseillologique que j’en fais est délicate, je préfère donc prendre quelques précautions avant d’aller plus loin.

Je sais bien que les contextes n’ont rien à voir et qu’on aura vite fait de crier au point Godwin. En voyant le spectacle je n’ai pas pensé une seule seconde que Marseille allait tomber aux mains d’un nazisme tel qu’il soit, j’ai beau avoir une piètre opinion des élus marseillais et de ceux qui prétendraient l’être pour l’instant, j’ai à la fois trop de respect pour les victimes de cette horreur et de sens de la mesure pour m’aventurer sur ce terrain absurde. Je n’ai donc pas pensé à comparer les contextes mais un processus qui consiste à faire l’autruche, se voiler la face, refuser de voir ce qui est grave, faire comme s’il ne se passait rien… Appelez-le comme vous voulez… et camoufler ça derrière du divertissement, voire une espèce de transgression.

J’ai pensé à l’esprit du off de 2013, à l’art haché, aux demoiselles du 5, à Marsactu, à ces initiatives et ces structures qui poussent à croire qu’un vent de renouveau souffle sur Marseille depuis quelques années, qu’on peut être impertinent, créer, s’amuser, inventer une vie urbaine qui ne serait pas Paris ou Barcelone, où la marginalité aurait une place, où on pourrait vivre pour pas cher et profiter du soleil, mais aussi accueillir l’autre, ne pas avoir peur, entreprendre …

Ce vent attire notre attention parce qu’il séduit et inspire mais à trop le regarder, il me semble que l’on rate le plus important. On ne voit pas que tout est réuni pour que la ville sombre dans la réaction la plus destructrice. Pendant que des fadas du centre-ville dansent aux Demoiselles et décorent leurs rues avec des plantes vertes, le FN gagne une première mairie de secteur et Gaudin nomme une intégriste à la famille. Et quels indicateurs économiques et sociaux peuvent nous rassurer ? Comment penser que le FN ne fera pas mieux la prochaine fois, que le PS ou les Verts marseillais se reconstruiront sur des bases saines et que l’UMP ne choisira pas la voie la plus radicale ? Si quelqu’un à des éléments pour être optimiste, ça m’intéresse.

Cette pièce m’a rappelé une conversation avec Nicolas Maisetti après les municipales, je lui disais « tout ça pour ça » et finalement rien ne change, il avait grincé car d’après lui on ne peut pas dire qu’il ne se soit rien passé. L’arrivée du FN, la droitisation de l’UMP local et l’échec du réformisme au PS est tout sauf « rien qui se passe ».

Je me rends bien compte que la comparaison n’a aucun sens si ce n’est celui d’attirer l’attention sur une espèce de réaction d’autruche de ceux qui ne soutenaient pas forcément le candidat PS aux élections, qui étaient déjà bien embêtés avec Papy et ne voient pas de solution parmi ses successeurs. Des gens qui soutiennent le progrès et qui pensent que Marseille dépérit lorsqu’elle s’enferme sur elle-même. On retrouve des gens comme ça à droite et à gauche, mon petit doigt me dit qu’ils sont nombreux à s’être abstenus en mars dernier, ne votant ni pour la gauche-estrasse, ni pour la droite-escartefigue.

Il flotte un air d’opiacée sur Marseille, on nous ouvre un Hard-Rock Café, on nous fait des soirées en roof-top, La Friche ouvre un cinéma, Télérama applaudit, « ça bouge » comme on dit un peu partout. Peut-être mais dans quel sens ? Le scandale des rythmes scolaires où on a masqué l’incurie municipale sous un affrontement politique, l’augmentation des impôts locaux pour faire face à des dépenses somptuaires, et les marqueurs idéologiques cités plus haut invitent selon moi à la plus grande vigilance. L’héroïne de Cabaret lâche à propos du contexte de plus en plus pesant “it’s only politics!” pour justifier son désintérêt. Oui mais lorsqu’on se désintéresse trop longtemps de la politique, elle a vite fait de revenir violemment s’intéresser à nous, et pas souvent pour les meilleures raisons.

Plus que jamais nous avons besoin de médias exigeants et « fouille merde », de débattre, de se remettre en question, de s’interroger sur ce qu’il se passe, de se faire violence et de ne pas choisir la paresse qui est de se contenter du minimum et d’aller faire la fête.

En relisant ça une semaine après l’attentat contre Charlie, je vois que Marseille s’est recueillie “à la carte” en mémoire des victimes, montrant la violence des antagonismes existants. Je pense aussi aux enseignants qui expliquent leurs difficultés à aborder l’attentat en classe, à ce qu’il doit se dire dans les bar tabacs de la Capelette, et je fouille en vain dans ma poche pour trouver un bout d’optimisme…

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