BON ANNVERSAIRE

Billet de blog
le 3 Sep 2022
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Il y a donc un an que le président de la République annonçait le lancement de son plan pour Marseille, Marseille en grand. Que penser, aujourd’hui, de ce projet ?

 

Au terme de deux jours de visite, le président a donné son grand discours au Pharo, introduit par le maire Benoît Payan. (Photo BG)
Au terme de deux jours de visite, le président a donné son grand discours au Pharo, introduit par le maire Benoît Payan. (Photo BG)

Au terme de deux jours de visite, le président a donné son grand discours au Pharo, introduit par le maire Benoît Payan. (Photo BG)

Il y a donc un an que le président de la République annonçait le lancement de son plan pour Marseille, Marseille en grand. Que penser, aujourd’hui, de ce projet ?

Une intervention du président

On peut considérer de deux manières le lancement du plan « Marseille en grand » par celui qui en a pris l’initiative. Ou on le considère comme une marque d’intérêt du chef de l’État pour Marseille, ou on le considère comme une nouvelle façon de mieux exercer ses pouvoirs sur la ville. Le projet présenté par M. Macron était, certes, une manifestation du souci qu’il se fait pour la ville, mais, en même temps, il s’agit bien de chercher à imposer son approche de la politique urbaine mise en œuvre à Marseille. Sans doute l’intervention du président aurait-elle pu se faire dans le champ de la politique urbaine, mais on peut remarquer qu’alors qu’en d’autres temps, ce que l’on a appelé la politique de la ville occupait une grande place dans les actions de l’État, elle a perdu la place qu’elle avait, alors que l’urgence d’une telle politique est toujours aussi présente aujourd’hui. Tout s’est donc passé, on peut s’en rendre compte un an après, comme si le « Marseille en grand » n’était que le plan du président sans réellement faire l’objet d’une mise en œuvre effective dans l’espace de la ville, dans son aménagement, dans les investissements aussi. Le discours prononcé par E. Macron il y a un an est resté une œuvre de rhétorique, en quelque sorte coupée de la réalité de l’espace sur lequel elle porte. Peut-être, finalement, E. Macron s’est-il mis à imaginer ce que l’on pourrait appeler la rhétorique urbaine.

 

Un projet ou une absence de projet ?

Le plan « Marseille en grand » ne peut pas être un véritable projet, car il st présenté par son auteur comme une réponse à une urgence. E. Macron avait énuméré les différentes urgences auxquelles un tel plan était censé apporter une sorte de remède, alors que, justement, la logique de l’urgence n’est pas la logique du projet. Ce n’est pas d’urgence que Marseille a besoin, et cela depuis de longues années, mais d’un véritable projet urbain fondé sur une analyse de la ville, sur une forme de culture urbaine, et, surtout, sur un engagement réel. Un an après, on peut se rendre compte, dans la ville, qu’en-dehors du début de quelques chantiers, peu de choses ont bougé, peu de réformes ont été entreprises, peu de politiques ont été pleinement engagées. « Pas de grand plan », disait E. Macron à la fin de son discours, « une ambition et un contrat, une méthode nouvelle, des rêves fous, mais des détails qu’on vérifiera à chaque étape ». En réalité, on ne peut pas vraiment parler d’étapes, car ce discours n’était accompagné d’aucun échéancier. Sans doute l’absence de projet est-elle le plus sensible dans cette absence : le temps du projet n’est pas pleinement formulé. Quant à dire : « Ici, c’est Marseille et c’est aussi la France », comme le dit E. Macron, cela ne peut avoir qu’une signification : Marseille n’est pas en France, et il se trouve que ces deux pays – ou ces deux identités, comme on veut – se rencontrent dans le même lieu, dans le même « ici ».

 

Les écoles

C’était la grande ambition du plan « Marseille en grand ». Un grand plan de rénovation des écoles avait été annoncé et aussi annoncées l’ouverture de nouvelles écoles, mais ce plan a suscité une grande déception. Même si le maire a coupé beaucoup de rubans, ce que l’on peut remarquer, c’est que ce plan de rénovation des écoles aurait dû s’inscrire dans une réflexion politique plus générale sur les liens entre la municipalité et l’éducation. Pour que Marseille soit perçue « en grand », il faudrait donner à l’éducation toute sa place à une politique d’ensemble de développement et de planification de la ville. Les écoles ne sont pas des petits objets disséminés un peu partout pour répondre à un besoin, mais il s’agit des expressions de ce que l’on pourrait appeler un projet pédagogique municipal, définissant les modes d’intervention de l’État et de la municipalité dans les écoles, mais en les associant aux autres domaines des politiques culturelles. L’éducation est un domaine essentiel dans lequel les différences sociales et les inégalités entre les quartiers peuvent être combattues par une municipalité pleinement engagée dans un projet politique – celui même au nom duquel elle a été élue. On a l’impression, après un an, que les écoles, qui occupaient une grande place dans la rhétorique présidentielle sont en grande partie demeurées à l’état dans lequel elles se trouvaient alors.

 

Les transports

C’est un autre aspect majeur de « Marseille en grand », mais précisément parce que dans une ville comme Marseille il s’agit d’un domaine pour ainsi dire vital, d’un domaine qui conditionne l’existence même de la ville. Dans ce domaine, il y a eu c’est vrai, quelques progrès, mais, comme dans le domaine des écoles, la politique des transports urbains n’a pas fait l’objet d’une véritable planification. C’est tout le réseau qui est à repenser, alors que le plan « Marseille en grand » s’est inscrit dans les axes et dans les structures du réseau existant, alors qu’un tel plan aurait dû être l’occasion d’une évaluation des usages des transports et d’une sorte de projection de cette évaluation dans le futur de l’espace urbain. En particulier, on peut se poser trois questions : celle de la piétonisation d’une plus grande partie du centre et de la disparition des voitures particulières dans un tel espace, celle du développement du métro, qui demeure la forme la plus efficace du transport urbain, et, de nouveau, celle de l’égalité entre les quartiers autour des transports.

 

Les pouvoirs

La dernière question soulevée par « Marseille en grand » est celle des pouvoirs, des décideurs et des acteurs. D’abord, c’est toute la métropolisation qui est remise en cause. Au lieu, comme dans d’autres cas, l’inscription d’une grande ville dans une métropole, qui est, au fond, une manière élégante de parler de la banlieue, la métropole, à Marseille, a des contours flous, qui se confondent avec une grande partie du département. Cela entraîne une autre confusion, celle des pouvoirs, dommageable à une logique rationnelle de développement. Par ailleurs, le plan « Marseille en grand » semble, une fois de plus, après d’autres expériences dans l’histoire, une perte d’indépendance de la ville. Les pouvoirs urbains sont, en quelque sorte, eux aussi confondus avec d’autres pouvoirs, deux de la métropole et ceux de l’État : la décentralisation monte ainsi ses limites. Comme toujours, l’urgence est le paravent de l’excès de pouvoir. Or, dans le discours d’E. Macron, on compte quinze fois le mot « urgence ». C’est une manière d’exprimer le pouvoir, et, un an après, rien n’indique que la ville se soit libérée de ce pouvoir.

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