Bientôt le retour des voitures sur le Cours Julien

Billet de blog
par Lagachon
le 24 Mar 2015
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A une époque où les lignes politiques apparaissent brouillées (où la gauche est accusée de faire de la droite, et la droite accusée de renvoyer gauche et extrême droite dos à dos), il est une controverse marseillaise qui permet de clarifier les choses et remettre une certaine polarité gauche-droite dans le débat politique : la bagnole et sa place dans la ville !

Une ligne de fracture est en train de réapparaître entre gauche et droite sur la place qu’il convient d’accorder aux voitures dans le centre-ville, et en relief, celles accordées aux transports en commun (avec une pétition contre). Le lieu de l’intrigue : le vieux-port. Réaménagé à grands frais en 2013, le nouveau vieux-port compte moins de voie de circulation pour les voitures et plus pour les bus qui sont passés en sites propres. La décision n’a jamais fait l’unanimité et les restaurateurs se plaignent depuis le début que l’impossibilité de circuler et de se garer leur enlève des clients. Ce n’est pas là qu’est la nouveauté, ce qui change, c’est la réponse de la Mairie et de la Métropole qui dit qu’éventuellement, on pourrait redonner de la place aux voitures.

Une rapide analyse de la situation montre que les revendications sont absurdes mais qu’il n’y a rien de choquant à ce qu’une mairie de droite les entende.

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1. Quand on se trompe de terrasses

Évacuons tout de suite les arguments invoqués par les restaurateurs. Comment penser une seconde qu’il y aura plus de clients parce que l’on permettra aux voitures arrivant par le Mucem de venir rouler au pas devant les terrasses ? Sauf à permettre à quelques uns de se mettre en double-file (parce que c’est de ça qu’il s’agit à mon avis), je ne vois pas ce qu’un bouchon permanent face aux terrasses avec gaz d’échappement et bruit va améliorer. Quand bien même il y aurait une file de stationnement, avec une moyenne de 2 voitures par terrasses (soit 8 personnes à tout prendre), pense-t-on que c’est ça qui va changer la destinée de ces restaurants ? Allez, soyez sérieux deux minutes !

Les raisons de la baisse de la fréquentation (si elle existe) sont ailleurs : à mon avis les restaurateurs du vieux port sont les premières victimes (d’une longue liste à venir) de la sur-abondance de surfaces commerciales organisée par la ville et la métropole depuis des années.

Et que je te mets des Terrasses du Port, et un peu de Voûtes de la Major… la demande n’ayant pas augmenté, il n’y a qu’à voir le nombre de marseillais aux Halles ou à Vapiano le dimanche midi pour savoir où sont ceux qui ne sont pas sur le Port. Mais ce n’est pas de remettre une voie, deux voies ou même 10 voies de circulation qui ramènera une clientèle autrefois captive. Plusieurs personnes ont parlé de la qualité des plats servis, du service… ça joue sûrement pour certains, mais ils gagneraient plus à demander à la mairie la fermeture des Terrasses du Port le dimanche que la réouverture d’une seconde voie de bagnoles devant leurs terrasses.

2. Priorité à droite

Le deuxième point d’analyse est de replacer cette controverse dans un clivage gauche-droite. Que les restaurateurs aient une idée farfelue de plus, pourquoi pas, mais que la Mairie les écoute et se saisisse du dossier, c’est autre chose.

A mon avis, la droite marseillaise ne croit pas dans les transports en commun. D’abord parce que la droite ne croit pas dans les transports en commun, et pour cause, ils sont “en commun”, pour et par les “communs”, à l’inverse de la voiture souvent individuelle, garante de liberté, de sécurité et éventuellement symbole de réussite (désolé pour la science politique de bac à sable mais c’est quand même bien des valeurs de droite).

Des valeurs que je ne rejette pas d’ailleurs : j’ai moi-même une tolérance limitée au “commun” et je comprends qu’on cherche aussi à s’en soustraire. C’est une histoire de tension entre intérêt collectif et confort individuel et dans le cas marseillais c’est l’urgence écologique qui me fait pencher du côté collectif. Je le précise pour qu’il soit clair que je n’attaque pas ces valeurs. Par contre, je pense que l’on se pose la question dans les mauvais termes et que l’on devrait se demander comment garantir sécurité et liberté avec des transports moins polluants (individuels ou collectifs par ailleurs).

Bref, j’analyse ce retour de bagnole comme une contre-révolution, une réaction à une révolution “tram” qui n’a pas vraiment eu lieu (pas à Marseille) mais qui a largement dominé le débat en France depuis que Nantes et Strasbourg ont relancé le tramway (entre 1985 et 1994). Les idées s’affrontent de manière dynamique et on est jamais à l’abris d’un retour de tendance. On observe dans plusieurs Mairies passées à droite aux dernières élections un processus de retour de la voiture. On commence par dire qu’on est allé trop loin, qu’il faut cohabiter, que les commerçants de centre-ville se coupent de “toute une catégorie de population” qui ne se déplace qu’en voiture en sous-entendant (et c’est là la grande différence avec la période précédente) que cette catégorie n’a pas vocation à changer, mais que la ville doit adapter son schéma de fonctionnement à la dite catégorie.

3 – Rien à signaler, la droite Escartefigue est dans son rôle

Finalement, peut-on vraiment s’étonner que le retour des voitures sur le vieux-port soit proposé ? Nous avons une municipalité qui ne s’intéresse aux transports en commun que pour leur capacité à réaménager l’espace (et pas à transporter des gens) comme sur la Rue de Rome, voire même à handicaper les déplacements de certaines catégorie de population (attention : il ne s’agit pas de la “certaine catégorie” citée plus haut) : par exemple en multipliant les ruptures de charge et le nombre d’arrêts dans les quartiers nord.

Voilà 20 ans que cette municipalité se bat pour défendre les intérêts des automobilistes individuels, ce n’est pas maintenant, alors que la tendance initiée dans les années 90 a l’air de faiblir, qu’elle va commencer à mollir ! D’autant plus que la priorité est d’orienter un maximum de consommateurs vers le centre-ville, y compris ceux dont on a dit qu’ils ne se déplaçaient qu’en voiture.

Avec la clairvoyance et l’obsession du long terme qui la caractérise, on ne saurait s’étonner que la municipalité trouve tout à fait logique les revendications des restaurateurs du vieux-port. Et si ceux de l’escale Borely également en difficulté demandent une voie entre la mer et les terrasses ? Pourquoi pas… Et idem au Cours Julien dont j’imagine que la petite ambiance en semaine est aussi dû à la difficulté d’y circuler !

Commentaires

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  1. Vronsky Vronsky

    autre raison possible : les gens ne vont pas au restau sur le vieux-port parce que c’est trop cher, pas bon et moche (sauf la vue).

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  2. <a href=gometmediaGoMet'" src="https://secure.gravatar.com/avatar/?s=96&d=mm&r=g" class="avatar avatar-50 photo" width="50" height="50"> gometmediaGoMet'

    Excellent !

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  3. delair delair

    Je pense qu’avant toute chose, comme cela est évoqué en fin de texte, le problème vient de l’absence totale de vision d’avenir globale pou la ville, doublée d’une volonté inexistante de se coltiner certains dossiers. Cette municipalité gère cette ville comme un épicier sa boutique, du court terme, tant que je gagne, je joue. Rappelons que certaines villes “de droite” gèrent très bien leurs TC et l’urbanisme de leur cité. C’est pour moi un problème de compétence et de délabrement politique ici.

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  4. <a href=merci" src="https://secure.gravatar.com/avatar/?s=96&d=mm&r=g" class="avatar avatar-50 photo" width="50" height="50"> merci

    Mon dieu, Marseille aura toujours 30 ans de retard…La place de la comédie à Montpellier est piétonne depuis 1986. Quand un politique marseillais aura t il une vision pour sa ville ?
    La question est : pourquoi le vieux Port est il désert à partir de 19h30 ? S’est t on posé la question de l’attractivité de la rue Paradis embouteillée, polluée, inaccessible, sale….? Pourquoi le centre ville d’Aix en Provence est il pris d’assaut dès le samedi matin ? Un (vrai) marché sur le Vieux Port n’attirerait il pas des consommateurs pour le déjeuner ? Marseille n’est elle pas la capitale d’une région où les fruits et légumes, le poisson, les vins sont parmi les meilleurs au monde….Pitié posez vous les bonnes questions…moi je suis parti de Marseille après six ans et je meurs de vous voir raisonner à l’envers…et Dieu sait que j’aime cette ville…. bien à vous

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  5. <a href=jeanmarie13000" src="https://secure.gravatar.com/avatar/?s=96&d=mm&r=g" class="avatar avatar-50 photo" width="50" height="50"> jeanmarie13000

    L’incompétence de cette mairie est notoire et son incapacité et sa non volonté de prendre à bras le corps les problèmes n’empêche pas, et c’est paradoxal, la ré-élection de leurs élus.
    C’est plus profond que les couleurs politiques car des villes gérées par la droite ont réussi à prendre le tournant de l’avenir en matière de déplacements, avec des politiques tournées vers tous les habitants (quotient familial pour les abonnements par exemple). L’absence de politique cyclable à Marseille est un autre révélateur de cette incapacité alors que son coût est très faible (entre 5 et 10 € par an et par habitant en France) et que c’est un atout pour la complémentarité des modes de transport (rabattement en vélo vers les transports collectifs). La RTM fait toujours blocage à l’ouverture de la plupart de ses voies de bus, ce qui ne pose aucun souci dans les autres villes de France ! Le résultat de cette mollesse politique est, en centre ville, l’envahissement par les scooters et motos des rares espaces rendus aux piétons et hors centre ville le règne de la bagnole, de la vitesse et de l’accidentologie.
    L’absence de traitement des espaces pour les personnes à mobilité réduite est un autre exemple.
    Et derrière ces politiques il y a des enjeux énormes : gaz à effet de serre (ce devrait être la lutte n°1), pollution, sédentarité, bruit (la première nuisance en ville), freins à l’emploi, coût social, humain et financier.
    Tant que nos élus vivent bien planqués dans leurs villa avec parking et piscine, rien ne changera radicalement.

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