BAYA-T-ELLE ?

Billet de blog
le 18 Nov 2023
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BAYA-T-ELLE ?
BAYA-T-ELLE ?

BAYA-T-ELLE ?

Il faut absolument aller voir , si ce n’est pas déjà fait, l’exposition d’œuvres de Baya, des peintures et des sculptures, à la Vieille Charité. 

Qui est Baya ?

Fatma Haddad est une artiste algérienne, née à Bordj el Kiffan en 1931et morte à Blida en 1998, qui est connue sous son nom d’artiste, Baya. Elle a, ainsi, vécu tous les bouleversements de l’histoire contemporaine de son pays, de la lutte contre l’indépendance à sa conquête, en 1962, et ses œuvres portent la dynamique de ces luttes. Elle a contribué, ainsi, à l’éveil d’une nouvelle culture en Algérie, à l’invention de nouveaux langages, de nouvelles formes, différents de ceux de la culture algérienne classique. Ses images conjuguent l’esthétique arabe classique, faite de formes et de couleurs non figuratives et l’esthétique contemporaine fondée sur une critique de la représentation dans l’invention d’une forme de liberté artistique.

Que représentent les œuvres d’art de Baya ?

Les peintures, petites ou immenses, de Baya ou ses petites sculptures, figurent le plus souvent des personnages associés à des animaux. Il s’agit de personnages inventés, comme les acteurs ou les actrices d’une pièce de théâtre. Mais les créations de Baya sont-elles vraiment des « œuvres d’art » ? Ce sont des images qui semblent pouvoir avoir été réalisées par des enfants. Finalement, Baya se met à une place d’enfant, ou, en tout cas, elle se met à la place qu’elle imagine pour des enfants. Les œuvres de Baya sont destinées à nous faire comprendre que l’art n’en est vraiment que s’il nous fait retrouver des modèles d’enfants. Peut-être même s’agit-il de faire disparaître la différence entre des enfants et des adultes. Baya cherche, ainsi, à nous faire comprendre que nous ne sommes vraiment des femmes ou des hommes que si nous nous plaisons dans l’imaginaire de nos personnages. Cette « esthétique de l’enfance » est, en réalité, ne nous y trompons pas, un véritable choix esthétique, qui nous renvoie à certains surréalistes. Il s’agit, en réalité, d’une critique de l’esthétique considérée comme légitime.

La couleur 

Sans doute est-ce ce que l’on remarque d’abord dans les œuvres de Baya : la couleur. Ce sont ces couleurs brillantes, qui donnent aux peintures de Baya leur caractère particulier. Peu importe de quelles couleurs sont les personnages représentés sur les images : l’important est qu’il y ait des couleurs. Ces couleurs vives se rencontrent les unes les autres dans une image qui représente n’importe quoi : des personnages, des animaux, des plantes. Nous comprenons qu’il s’agit de personnages ou d’animaux par leurs gestes, leurs regards ou les décors dans lesquels ils se promènent, mais, surtout, ils sont construits par leur couleur. La couleur vive est une sorte de langage pour les images. Baya nous parle le langage des couleurs. Le rouge, le vert, le jaune, le bleu sont les mots de Baya.

Les visages

Les visages se confondent souvent avec le décor. Les visages se mêlent aux formes des objets et du décor, de la même couleur que lui, souvent plutôt couleur sable : le sable serait, ainsi, comme le fond du monde de Baya. Dans ses images, c’est comme si les personnages de la scène représentée se confondaient avec des décors. C’est pour cela que, dans les images de Baya, l’on ne voit pas de visages ou de corps qui sont des identités, mais que les visages de ses personnages sont comme des masques. Ce ne sont pas de véritables visages, mais ils représentent des personnages imaginaires joués sur des scènes : les images de Baya sont des scènes remplies de flux de couleurs qui se parlent et se répondent. C’est ce que l’on peut comprendre avec les couleurs. Mais, dans les œuvres de Baya, les visages sont ceux d’êtres vivant sur les scènes, c’est comme si, au fond, la vérité des personnages est celle qui est portée par les regards imaginaires : elle est dite par les yeux que sa peinture ou sa sculpture imagine.

Les regards

C’est pourquoi il faut aller plus loin : les regards sont encore plus importants que les yeux, dans les œuvres de Baya. C’est parce que ses images sont des peuples de regards que l’on voit des yeux, qui sont les regards des personnages. Les regards de Baya sont issus d’yeux très longs, très minces, qui semblent regarder avec une pupille très active. Ce sont les mêmes regards que l’on reconnaît dans les yeux des animaux et dans ceux des humains. Les regards des personnages expriment quelque chose qui nous parle. Regards d’animaux ou regards de personnes, les images de Baya font même porter des yeux aux objets et aux fragments d’espaces que l’on trouve dans les flux de leurs formes. Les regards des personnages que l’on voit dans les images de Baya portent toute l’émotion qu’elles suscitent chez celles et ceux qui les lisent grâce à notre regard recomposé, inventé par le travail de Baya. Mais nos regards que nous retrouvons dans les visages des personnages de Baya nous parlent grâce à des costumes d’êtres humains, à des plumes des oiseaux, à des mouvements que nous supposons dans les espaces des images.

Le petit monde de Baya

C’est tout un monde qui est imaginé par Baya dans les images qu’elle nous propose. En allant voir ce petit monde, il ne faut pas s’attendre à reconnaître des objets ou des personnes que l’on a vus pour de bon, mais il faut comprendre que Baya nous emmène dans un univers nouveau de lieux inventés, de couleurs que nous croyons n’avoir jamais vues et de personnages qui nous racontent des histoires par leur disposition sur les tableaux. Dans ce petit monde, on peut remarquer que l’on rencontre surtout des femmes. Cela a-t-il une signification ? Ces femmes sont-elles des représentations de Baya elle-même, ou représentent-elles des personnages qui ont compté dans sa vie, comme sa mère ? Les couleurs nous permettent de comprendre le monde de Baya, sans doute parce que les mots ne lui permettraient pas de dire tout ce qu’elle a à nous dire. Les couleurs des images sont son langage à elle dans le monde qu’elles recomposent par des parcours et des échanges qui tourbillonnent devant nos yeux.

Un petit monde sans lieux précis

Peu importe où se situe le petit monde de Baya : c’est un monde sans lieu particulier, dans lequel seuls comptent ce que disent les couleurs des personnages. La géographie de ce petit monde n’est pas celle que nous connaissons, celle que nous cherchons à y retrouver. Nous croyons voir les personnages de Baya se sourire, se regarder, se prendre par la main mais où sont-ils, dans quels lieux se situent les histoires que racontent les images ? On ne le sait pas, et peu importe, au fond. Ce qui compte dans l’œuvre de Baya, c’est que les personnages et les formes dont elle peuple ses images ne parlent qu’avec des couleurs. Dans ce monde dont on ne peut pas situer les lieux, s’il n’y a que des images pour parler, c’est aussi que l’on ne peut y mentir.

Baya, une héroïne algérienne de l’Art moderne, 

du 13 mai 2023 au 26 novembre 2023

Du mardi au dimanche de 9h à 18h.

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