Affaire Guérini : Jean-Noël à la maison, Alexandre en prison
Après douze ans d'enquête et vingt ans après une partie des faits, le tribunal correctionnel de Marseille a choisi de condamner Jean-Noël et Alexandre Guérini. Sans attendre un probable procès en appel, le premier perd ses mandats et le second est attendu aux Baumettes le 10 juin.
Jean-Noël Guérini en mars 2021 lors de son procès en première instance. (Photo : Emilio Guzman)
Et à la fin, la justice accélère. Comme si elle voulait rattraper les douze années d’enquête durant lesquelles elle s’est parfois perdue. Face à des faits datant pour certains du début des années 2000, les juges du tribunal correctionnel de Marseille ont voulu que leur décision de condamnation ait des effets immédiats pour les deux frères Guérini, sans attendre un très probable appel. Deux mesures d’exécution provisoire en disent long sur cette affaire porteuse “d’actes qui pourraient marquer durablement des institutions et les mémoires” selon les mots de la présidente du tribunal Céline Ballerini.
Pour Jean-Noël, ex-président (PS puis DVG) du département des Bouches-du-Rhône, c’est la privation des droits civiques et civils. Autant dire, un arrêt de mort politique. “Il importe que la réponse pénale soit efficace”, affirme le tribunal dans ses motivations. S’il n’avait déjà pas prévu de se présenter à sa succession comme conseiller départemental en juin, il devrait perdre dans les jours qui viennent son mandat de sénateur, sauf à obtenir un sursis à exécution auprès du premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Pour Alexandre Guérini, le frère entrepreneur, la justice souhaite un retour rapide en prison. Elle lui épargne l’infamie médiatisée d’un départ du tribunal encadré par les policiers, mais l’invite à se présenter de lui-même à la prison des Baumettes le 10 juin.
“L’intérêt commun aurait dû être le seul objectif
Là-bas, il commencera à purger les six ans de prison auxquels il vient d’être condamné. La hauteur de la peine renferme l’accumulation de plusieurs délits ayant chaque fois trait à des marchés publics proposés par des collectivités ou des établissements publics gérées par la gauche. Dans une phrase à rallonge, le tribunal a relevé “des comportements délictueux visant à confondre totalement le jeu démocratique et à dissiper l’intérêt commun qui aurait dû être le seul objectif des institutions que représentaient les mis en examen qui travaillaient au sein des administrations locales, au seul profit d’Alexandre Guérini et de ses seuls avantages, et ce en échange de gratifications sous quelque forme que ce soit, pour avoir ainsi agi pendant de si longues années et ce pour permettre d’emporter la main sur des marchés valant des millions d’euros conclus au nom de l’intérêt public, la sanction appliquée à Alexandre Guérini ne peut qu’être d’une grande sévérité”.
Déchu de ses mandats, Jean-Noël Guérini devrait effectuer sa peine sous bracelet électronique, sauf procés en appel.
Pendant ce temps-là, son frère Jean-Noël restera libre de ses mouvements. Mais il aura soudain plus de temps pour lui. En le privant de ses mandats, le tribunal met fin à une carrière de parlementaire que 538 grands électeurs des Bouches-du-Rhône avaient jugé bon de prolonger en septembre dernier. Le renvoyant ainsi à la maison, les juges aimeraient l’y voir rester. Les 18 mois de prison ferme (et autant avec sursis) décidés contre l’élu devraient y être purgés avec le port d’un bracelet électronique à domicile. Cette partie de la condamnation ne sera exécutée que si aucune des parties ne fait appel. Dans le cas contraire, ce n’est qu’à l’issue d’un nouveau procès et après un éventuel pourvoi en cassation que Jean-Noël Guérini pourrait purger sa peine.
“Le sentiment familial a pris le pas”
“La responsabilité d’un homme qui assure des fonctions électives est de s’en montrer digne et de ne jamais permettre à des intérêts personnels de prendre le dessus sur l’intérêt général”, a rappelé Céline Ballerini. Pour le tribunal, les interventions successives de Jean-Noël autour de la décharge du Mentaure gérée par Alexandre, seule charge présentée devant lui parmi les multiples mises en examen de l’instruction, portaient bien le sceau de son frère. Il pointe “un sentiment familial qui a pris le pas sur les considérations qui devaient primer et devaient le contraindre sinon à ne pas agir, du moins à n’intervenir en rien dans cette série d’opérations”.
Jean-Noël Guérini avait plaidé l’ignorance des intérêts de son frère, il n’a pas convaincu. Le duo était aux yeux des juges parfaitement constitué :
Alexandre Guérini et Jean-Noël Guérini n’agissaient pas l’un sans l’autre, commente le tribunal. Le fait de se présenter comme étant le frère du président du conseil général – dont il ne faudrait pas sous estimer le poids local majeur – assurait à Alexandre Guérini un statut auquel il n’avait pas droit naturellement, des accès et des avantages seraient-ils relationnels auxquels il n’avait pas droit naturellement, et le mettait en situation dominante pour ses activités professionnelles.
Le jugement rendu vient solder la fin d’un système qui, avant d’être progressivement balayé par la justice puis par les urnes, aura marqué le département par son emprise. “Ces pratiques qui se déroulent sur plus de dix années, avaient également cette particularité d’être parfois connues, de s’être peu à peu dissoutes dans un mélange de fatalisme et d’arrangements mêlés”, témoigne le tribunal dans une adresse à peine voilée au milieu politique local. Jean-Noël Guérini est le troisième parlementaire ou ex-parlementaire du département à être condamné cette année pour des affaires de probité, le septième sur les huit dernières années. Au-dessus de sa tête plane encore un second dossier, toujours à l’instruction, impliquant là aussi son frère et des figures du grand banditisme local.
Le détail du jugement– Alexandre Guérini : six ans de prison ferme, interdiction de gérer pendant cinq ans, privation des droits civiques pendant cinq ans ;
– Jean-Noël Guérini : trois ans de prison dont 18 mois ferme aménagés en détention à domicile, 30 000 euros d’amende, privation des droits civiques pendant cinq ans avec exécution provisoire ;– La société SMAE : 200 000 euros d’amende, exclusion des marchés publics pendant deux ans ;
– Bruno Vincent, ancien cadre de Veolia : deux ans de prison avec sursis, 50 000 euros d’amende ;
– Alain Belviso, ancien président (PCF) du pays d’Aubagne : six mois de prison avec sursis, 5000 euros d’amende ;
– David Zerbib, banquier : 18 mois de prison dont six ferme, 80 000 euros d’amende;
– Jean-Louis Jaubert, employé d’un cabinet d’expertise, 10 mois de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende ;
– Jeannie Peretti, ex-dirigeante de SMAE et compagne d’Alexandre Guérini : un an de prison avec sursis, 20 000 euros d’amende, interdiction de gérer une société pendant cinq ans ;
– Michel Karabadjakian, cadre à la métropole : deux ans de prison avec sursis, 15 000 euros d’amende ;
– Rémy Bargès, ex-directeur de cabinet au département, six mois de prison avec sursis.– Philippe Rapezzi, ex-PDG de SMAE : relaxe.
Commentaires
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« …de s’être peu à peu dissoutes dans un mélange de fatalisme et d’arrangements mêlés, témoigne le tribunal dans une adresse à peine voilée au milieu politique local » .Si les juges se rendent compte que la mafia est toujours bien ancrée en PACA : dont acte, c’est plutôt bon signe…même si au train où vont les choses, pas mal d’entre nous ne verront pas les bracelets se multiplier. Croisons les doigts pour les générations futures…
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Amen…
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ils sont beaux les premiers de cordées.
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L’hydre : une pensée pour les 538 “Grands Electeurs” députés, sénateurs, conseillers régionaux, conseillers départementaux et délégués de conseils municipaux qui en 2020 ont réélu sénateur JNG en connaissance de cause !
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Ce qui en dit très long sur la qualité de nos politicards locaux.
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Ite missa est
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jugé coupable, par contre l’amende est faible puisque cela correspond à 3-6 mois d’indemnité de sénateur. La loi devrait permettre le remboursement des indemnités perçues entre la date des faits reprochés et le jugement puisqu’il n’aurait pas été éligible. je pense que cette mesure en ferait réfléchir plus d’un politique.
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