À Saint-Mauront, une crèche à la merci des ruines de la Ville

Enquête
le 3 Nov 2020
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Depuis plus de deux ans, un immeuble municipal menace une crèche associative. Il aura fallu un incendie dans le quartier pour que la Ville de Marseille s'en soucie et intervienne en urgence. Un cas d'école pour la tâche qui attend l'équipe de Michèle Rubirola, volontariste sur l'habitat indigne mais propriétaire de dizaines de taudis.

La cour de la crèche et le pan de mur instable vu de la résidence qui les surplombe.
La cour de la crèche et le pan de mur instable vu de la résidence qui les surplombe.

La cour de la crèche et le pan de mur instable vu de la résidence qui les surplombe.

L’héritage et l’urgence. En récupérant les clés de l’hôtel de Ville, la nouvelle équipe municipale est aussi devenue propriétaire de dizaines d’immeubles en péril. Dans le premier épisode de la Grande vacance, nous avions évalué cet épais trousseau à un minimum de 51 bâtiments, rien que pour les 1er et 2e arrondissements. Mais c’est dans le 3e arrondissement, plus précisément dans le quartier de Saint-Mauront, que s’est allumée une nouvelle lumière rouge.

Le 14 septembre, l’adjoint à la maire de Marseille en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne, Patrick Amico, signe un arrêté qui interdit partiellement l’occupation de la cour de la crèche associative Plein soleil. Le “danger grave et imminent”  émane de l’immeuble voisin, situé rue Jouven, appartenant à la Ville : “Instabilité de la tête du mur de façade non démolie” et “effondrement partiel de la toiture”, rapporte l’arrêté.

“Jouven, c’est la première alerte que j’ai reçue”, commente Éric Méry, adjoint en charge du patrimoine municipal, missionné pour nous répondre. Faut-il y voir l’effet de nos questions, adressées pour le compte de nos trois médias (voir “les coulisses” en fin d’article) il y a une dizaine de jours ? La démolition a été menée ce lundi 2 novembre. “Dès qu’on a une alerte, on réagit. Un mois et demi pour lancer des travaux, ce sont des délais corrects”, considère l’élu.

Une fissure visible depuis deux ans

De la cour de la crèche, la menace qui plane sur les 42 bambins paraissait patente dès l’inauguration, le 12 septembre 2018, soit près de deux ans jour pour jour avant l’arrêté. Sur les photos prises depuis l’établissement, un pan de mur rescapé de l’effondrement du toit surplombe le coin sud de la cour, laissant apparaître une fissure profonde à sa base. “Ça fait quand même presque deux ans et demi que nous sommes ouverts”, s’étonne la directrice de la crèche Jennifer Morin, qui n’a pas souvenir que le sujet ait été évoqué auparavant.

Photo publiée par Crescendo Plein Soleil. La fissure a été soulignée par nos soins.

Pour se rassurer, on peut noter que l’espace était déjà plus ou moins délimité et protégé par des barrières, en attendant un potager qui doit y être aménagé. “Il n’y a eu aucune réaction des parents. Ils sont déjà très heureux qu’il y ait un jardin”, souffle la directrice. Dans les étages supérieurs, occupés par des locataires du bailleur social CDC Habitat, les avis sont partagés. Si un père de famille trouve l’environnement “inquiétant”, un sympathique couple de retraités assure de sa “confiance dans la Ville” et juge le mur sans danger. La démolition de ce lundi n’a pas plus remué les inquiétudes, en dépit de la poussière générée par l’opération.

Un incendie à l’origine des craintes

Nous savions que nous avions cet immeuble. Il était catégorisé, son état dégradé était fiché.

Éric Méry, adjoint délégué au patrimoine municipal

Du côté de la Ville, difficile de plaider l’ignorance de l’état de son patrimoine. Celui-ci a précisément été acquis en 2006, au sein d’un ensemble plus vaste. La démolition complète a été votée par le conseil municipal dès 2008. Mais elle n’a été suivie d’effet que partiellement, pour la partie qui a permis la réalisation d’un programme mixte comprenant la crèche et la résidence CDC Habitat. Le reste – le hangar localisé au 26, rue Jouven, le petit immeuble menaçant et son voisin au toit effondré, lui aussi mitoyen de la crèche – est resté debout, ou presque. À l’occasion, le terrain vague attenant accueillait quant à lui un parking sauvage. Le projet d’un bassin de rétention sur lequel devait prendre appui un immeuble de cinq étages, annoncé en 2015 puis abandonné en 2018, semble expliquer une partie du passage à vide. Une inertie que l’on observe tout autour, dans cet îlot criblé de périls.

De fait, il faut attendre un déclencheur pour que les services municipaux se soucient avec plus de finesse de la situation. Dans la nuit du 9 au 10 août dernier, un incendie ravage l’entrepôt du 20, rue Jouven, occasionnant des dégâts sur le 22. “En prenant de la hauteur avec les pompiers pour voir où ils pouvaient s’installer pour leur matériel d’intervention, on a découvert la situation du bâti sur le périmètre”, raconte-t-on en interne. Un ingénieur de la Ville revient le 7 septembre, avant l’arrêté signé le 14. “Le souci de ce dossier, c’est d’être amené à découvrir ce type de situation à l’occasion d’un incendie extérieur. Nous savions que nous avions cet immeuble. Il était catégorisé, son état dégradé était fiché, rembobine Éric Méry. Ça c’est l’ancienne municipalité et c’est symptomatique.”

D’autres cas d’écoles et crèches voisines d’un bâti dégradé
Jusqu’à présent, le cas le plus emblématique était l’école Sainte-Cécile (5e), dont une partie de la cour et la salle polyvalente ont été fermées, avec installation d’un tunnel pour permettre les déplacements des élèves. Face à l’inertie des propriétaires privés, plutôt que des travaux d’office, la Ville a entrepris de racheter l’immeuble mais encore deux appartements lui manquent.
Autre adresse, plus discrète, au 198, avenue de Mazargues (8e), propriété squattée et plus ou moins murée de la Ville. La ruine jouxte la cour de la crèche collective de Saint-Giniez. “Escaliers effondrés” ont noté le 12 décembre 2019, les services techniques, dont l’analyse n’a cependant pas conduit à fermer l’établissement.

Un “audit complet” pour “ne pas confondre vitesse et précipitation”

Un constat rétrospectif qui ne dit rien sur la politique du nouveau propriétaire. “Depuis que nous sommes en responsabilités, nous avons eu quatre réunions stratégiques pour mener un plan d’action sur leur devenir”, défend Éric Méry, qui assure par ailleurs que “ceux que j’ai vus sont sécurisés et confortés et attente de prise de décision quant à leur devenir”.

Gageons que de simples réunions n’ont pas consommé l’enveloppe de 10 millions d’euros allouée le 27 juillet à la sécurisation du patrimoine municipal. Elle constituait, avec les écoles, l’une des deux lignes rajoutées par le Printemps marseillais au budget 2020 préparé par l’équipe de Jean-Claude Gaudin. Interrogée sur son utilisation, la Ville n’a pas fourni d’éléments précis. “C’est compliqué de faire un état des lieux de ce patrimoine dégradé. Le but, c’est de faire un audit complet de tout ça, sans confondre vitesse et précipitation, pour avoir toutes les informations”, démine l’adjoint. Ce travail pourrait retarder de 2 ou 3 ans toute action publique d’ampleur, estime-t-il, loin du signal donné par le premier acte politique de la mandature. Jusqu’à la prochaine alerte ?

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Les coulisses de Marsactu
Cette enquête est un nouvel épisode de #LaGrandeVacance, un projet de coopération inédite lancé fin 2018 avec plusieurs médias autour de données concernant le patrimoine immobilier de la Ville de Marseille, fournies aux journalistes par le militant associatif Noureddine Abouakil. Pour ce volet concernant l'îlot Jouven, Marsactu a travaillé avec La Marseillaise et Le Ravi, qui publient simultanément leurs articles ce mardi. Retrouvez tous les articles publiés ici.
Julien Vinzent
Journaliste.

Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Pendant 25 années Gaudin a fait du “ripolinage ” et une politique de façade , comme toute sa communication ; du baratin et des annonces.
    Cette ville est une ruine.

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  2. jasmin jasmin

    L’ancienne municipalité était embourbée dans ses combines, et la nouvelle est débutante. Ne pas confondre vitesse et précipitation? Qu’est ce qui se passe dans les services d’urbanisme de la ville de Marseille et dans la métropole? Comment leur charge de travail est créée, répartie? Où sont les architectes, urbanistes, ingénieurs, conducteurs de travaux, ouvriers? Où est la commission de conseil composée de ces experts qui doit guider les choix de la ville et de la métropole? Pourquoi la ville ne s’équipe pas de moyens modernes et mobiles comme un drone pour faire l’état des lieux déjà depuis le ciel, avant de faire des réunions et des expertises avec des gens au sol? Pourquoi un bâtiment qui s’écroule n’est pas mis en vente s’il ne répond pas à d’autres besoins? On peut en profiter pour faire de l’habitat social avec végétalisation des toits. Il faut attendre 3 ans pour qu’ils fassent l’état des lieux??????????? pfff. Il faut les envoyer dans les villes dynamiques comme Toulouse et Bordeaux, Angers, Nantes, Lille pour voir comment ils s’organisent. Si la nouvelle municipalité veut arrêter le système d’avant, elle ne peut pas réinventer l’eau chaude avec des débutants et des corrompus de l’ancien régime.

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  3. Jacques89 Jacques89

    Manifestement le bâti a déjà fait l’objet d’un programme de démolition. Contrairement à d’autres sites, ici, il semble que la sécurisation est réalisée. Côté rue, les façades sont étayées (ce qui sous-entend qu’on est encore en travaux) et côté maternelle, les murs laissés en place sont à bonne distance. Fraudait pas que ça dure des lustres, évidemment, mais il ne faut pas non plus tomber dans la psychose.
    Ce quartier est de toute évidence en reconstruction et il est probable qu’on ait voulu éviter de le sectoriser. Les immeubles à usage d’habitation côtoient ceux à usage de bureaux et d’activités. Manque peut être quelques commerces (autres que pour l’automobile). La verrue (ou plutôt la cicatrice) comme partout dans les quartiers nord, c’est la passerelle. Apparemment, on n’y paie pas encore assez d’impôts pour envisager du sous-terrain.

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