À Rognac, la lanceuse d’alerte menacée de licenciement : “C’est une mesure de rétorsion”
La fonctionnaire qui a saisi le procureur d'Aix pour dénoncer des infractions dans la gestion de la commune et dans l'utilisation de la carte d'achats de la maire Sylvie Miceli-Houdais (UDI) a vu son poste supprimé, avec ceux d'autres agents.
La maire de Rognac, Sylvie Miceli-Houdais (UDI), préside le conseil municipal, le 16 mai 2024, sur fond de suspicion de détournements de fonds publics. (Photo : Emilio Guzman)
C’est au cœur de l’été, le 2 août, qu’elle apprend la nouvelle. Ce jour-là, par la délibération n°24084, le conseil municipal de Rognac décide de supprimer quatre postes permanents d’attachés territoriaux au sein des agents municipaux de la Ville, dont un à la direction des finances. Les emplois et les missions auxquels il est mis fin ne sont pas détaillés dans le rapport, qui se borne à modifier le tableau des effectifs communaux. Cette charrette entraîne le déclenchement de procédures de licenciement à l’encontre de deux agents à qui la collectivité ne propose pas de reclassement. Dont Sandra P.
“J’apprends la suppression de mon poste par des collègues qui me disent : « Regarde, aux finances, ça doit être toi. » Oui, cela ne peut être que moi, puisque dans ce service, je suis la seule catégorie A”, rembobine-t-elle. Pour la jeune femme, c’est simple, “il s’agit là d’une mesure de rétorsion à mon endroit”.
Infractions dans les comptes
Car la décision fait suite aux révélations, par Marsactu, des nombreux dysfonctionnements dans la gouvernance de la mairie de cette ville de 12 000 habitants, notamment les dépenses, importantes et nombreuses, réalisées avec la carte d’achats de la mairie par les deux derniers maires de Rognac, Stéphane Le Rudulier (LR) entre 2016 et 2020, puis Sylvie Miceli-Houdais (UDI) à compter d’octobre 2020.
Cette utilisation frauduleuse présumée, qui pourrait relever du détournement de fonds publics, a entraîné l’ouverture d’une enquête judiciaire après la saisine en mars dernier du procureur de la République d’Aix-en-Provence. Le signalement est effectué par Sandra P. qui, constatant “des infractions dans les comptes de la commune”, comme le rapporte son avocate Zoé Poncelet, “n’a d’autre choix” que de les porter à la connaissance de la justice, “pour signaler ces faits, mais aussi pour se protéger, elle, afin que sa responsabilité d’agent ne soit pas engagée”.
Motifs fallacieux
Aux yeux de l’avocate, la fonctionnaire, qui a demandé à être placée sous le statut de lanceuse d’alerte en mai dernier, paye aujourd’hui son initiative. Elle en veut pour preuve des recrutements en cours, dans les services au sein desquels ont eu lieu ces suppressions, d’agents de catégorie B pour remplacer des cadres de catégorie A. “Ce sont donc des licenciements avec des motifs fallacieux. On cherche à punir ceux qui ont la capacité à exprimer ce qui ne va pas, pour les remplacer par des gens qui ont plus peur de la hiérarchie ou sont moins expérimentés”, regrette l’avocate.
Sandra P. a été recrutée en janvier 2024 en tant que chargée de mission en CDI, avec une feuille de route claire : élaboration du budget et proposition des stratégies financières de la Ville de Rognac. Pour étayer son licenciement, la municipalité argue d’une réorganisation des services ; laquelle a conduit à la “disparition du besoin de l’emploi qui a justifié le recrutement de l’agent”. “En clair, comme le budget 2024 a été voté, on n’a plus besoin de moi. Il n’y aura donc pas de budget en 2025 à Rognac ?”, s’interroge Sandra P. Son conseil considère, à l’inverse, “que le besoin de ce poste est toujours présent” au sein de la collectivité.
Crise totale
“La mairie fait le ménage alors qu’elle traverse une période de grandes difficultés et que des enquêtes sont en cours”, analyse encore Zoé Poncelet. Ces suppressions de postes, lors du conseil municipal du 2 août, ont fait basculer la municipalité rognacaise de la tourmente à la crise totale. En entraînant, le 19 août, trois démissions supplémentaires d’adjoints désireux de quitter le navire emmené par Sylvie Miceli-Houdais et, avec la perte de quorum, la nécessité d’organiser des élections municipales anticipées. La préfecture attend la validation du futur ministre de l’Intérieur pour communiquer la date de ce scrutin.
Le jour de sa démission, Véronique Straudo, ancienne adjointe déléguée aux affaires sociales et familiales, regrettait ainsi sur Facebook le manque de concertation dans les arbitrages : “Je ne suis plus en accord avec Mme le maire sur sa gestion concernant notre ville ainsi que sur sa gestion tant au niveau des agents que de l’équipe municipale (…). Au cours des mois de juillet et août, il y a eu des décisions importantes qui ont été prises dans mes délégations sans que j’y sois associée ni même informée.”
Cet épisode est révélateur d’un “climat délétère” et d’une gestion des ressources humaines particulièrement éprouvante pour les agents. Ils sont nombreux à dénoncer en interne “des incohérences dans la gouvernance” et un “management despotique” qui a généré ces dernières années un turn-over anormalement élevé pour une collectivité de cette taille. Ces faits pouvant relever du “harcèlement moral et physique” ont, là aussi, fait l’objet d’un signalement au procureur d’Aix-en-Provence, le 15 mai dernier. Cette nouvelle charrette ne devrait pas, elle non plus, rester sans suite. Selon nos informations, des recours sont envisagés auprès du tribunal administratif.
Commentaires
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Merci à Marsactu de suivre ce qu’il se passe dans ma (pauvre) commune… et vivement les élections !
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Rognac, l’empire du mal
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Il s’agit d’une délibération du Conseil Municipal. Les conseillers opposants ayant donné leur démission, il n’y reste que les affidés bien rangés derrière la cheffe de meute.
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Magnifique. La Imelda Marcos de Rognac pense que ni le procureur, ni le préfet, ni la presse ne trouveront à redire sur ce qui n’est rien que moins qu’un licenciement abusif.
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Il faut l’arrêter et vite cette despote. Et surtout l’empêcher de retrouver un poste de maire ou d’élue où que ce soit. Honte à elle !
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