À Port-de-Bouc, le projet industriel de trop
L'entreprise Premys veut implanter un centre de démantèlement de bateaux le long du chenal de Caronte, à proximité de Port-de-Bouc. La mairie s'oppose au projet en raison de potentielles nuisances. Les studios de cinéma voisins ont aussi fait savoir leur inquiétude.
Le site où Premys veut installer son centre de déconstruction de navires. Image : RB
Plusieurs feuilles A4 jaunes sont collées sur la porte de la mairie de Port-de-Bouc : une enquête publique est en cours. Elle concerne une demande d’autorisation environnementale pour la création d’un site de “démantèlement de moyens de transports” par l’entreprise Premys, filiale du groupe de BTP Colas. Celui-ci doit s’étendre sur 22 500 m². Prévu sur le chenal de Caronte, ce centre se situe dans les emprises du Grand port maritime de Marseille-Fos (GPMM).
Il concerne deux communes : Martigues, car il se trouve dans ses limites administratives, mais surtout Port-de-Bouc qui sera concernée par ses nuisances. Le genre de projet à inquiéter des riverains pour des questions de pollution, poussières ou bruit. Pourtant, depuis l’ouverture de l’enquête publique, le 8 novembre, le registre papier reste vierge. “J’ai demandé à ce que le délai soit prolongé, car il y avait eu un manque d’information“, nous signale Paul Stacho, le commissaire-enquêteur.
Deux semaines de rab jusqu’au 23 décembre, mais surtout une campagne d’affichage dans Port-de-Bouc, un post Facebook et des flyers dans les boîtes aux lettres qui semblent porter leurs fruits. Ce mercredi 8 décembre, censé être le dernier jour de l’enquête publique avant le prolongement, deux personnes sont venues échanger avec le commissaire-enquêteur et partager par écrit leurs inquiétudes sur les conséquences de ce potentiel centre de démantèlement. Ce sont deux de plus que lors des trois semaines précédentes. Un sursaut qui est peut-être aussi lié au fait que le conseil municipal a donné un avis défavorable à ce projet. La commune de Martigues a fait de même vendredi 10 décembre, mais se montre moins hostile. “Nous sommes attachés à la filière industrielle, mais les réponses de l’entreprise à nos questions sont insuffisantes“, justifie Jean-François Mauffrey, conseiller délégué à l’environnement et l’industrie de cette mairie. La décision finale revient au préfet. Les municipalités ont donc tout intérêt à mobiliser sur le sujet.
Un flux routier supplémentaire inconnu
L’entourage de Laurent Belsola, le maire PCF de Port-de-Bouc, confie son ras-le-bol des activités industrielles sur son territoire. “Nous en subissons déjà assez les conséquences”, nous glisse-t-on. Pourtant, les services de l’État, la mission régionale d’autorité environnementale Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Agence régionale de santé, notent dans leurs rapports le faible impact de l’activité de démantèlement sur les bords d’un chenal déjà très industriel. “Même si les nuisances sont faibles, c’est déjà trop“, répond-on à la mairie.
La position étonne Premys. “Nous avons eu une expérience similaire il y a trois ans
Nous n’avons peut-être pas suffisamment présenté le flux routier que cela peut générer. Mais il est difficile à anticiper puisque c’est une nouvelle activité.
Eric Pourroy, responsable du projet
pour l’Armée sur le même site. Que ce soit le bruit, l’odeur ou la poussière, cela était négligeable, nous savons le gérer”, défend Eric Pourroy, responsable du projet au sein de la société vitrollaise. Selon lui, c’est d’ailleurs ce galop d’essai qui a donné envie à l’entreprise de pérenniser cette activité à cet endroit. “Cela répond à notre envie de nous diversifier sur un marché qui n’existe pas dans la région, celui du démantèlement de navires jusqu’à 1000 tonnes“, indique-t-il. Dans son dossier technique, Premys écrit viser également les marchés des wagons et aéronefs.
Finalement, la seule nuisance qui semble être reconnue aussi bien par les deux communes que par l’entreprise est celle des camions. L’autoroute a beau être proche du site, pour la rejoindre il faut traverser soit Port-de-Bouc soit Martigues. L’acheminement des engins à déconstruire, puis des matériaux à évacuer entraînera forcément des trajets supplémentaires de poids lourds. Lors de son projet similaire il y a trois ans, Premys explique avoir déconstruit 52 bateaux. Parmi eux, une quinzaine seulement est arrivée par la mer. Dans le nouveau site, la présence d’une déchetterie pour les industriels s’ajoute aux va-et-vient à prévoir. “Nous n’avons peut-être pas suffisamment présenté le flux routier que cela peut générer, reconnaît Eric Pourroy. Mais il est difficile à anticiper puisque c’est une nouvelle activité“.
L’industrie du cinéma comme adversaire principal
Ce que Port-de-Bouc veut anticiper, c’est la métamorphose des bords du chenal de Caronte. Le long du boulevard maritime, une large deux fois deux voies, se côtoient aujourd’hui quelques entreprises de traitement de déchets et de transports. Des “espaces verts” montrent une nature qui reprend ses droits. Lors du conseil municipal, Laurent Belsola a d’ailleurs justifié son refus. “Il y a d’autres choses à faire de ces terrains. Nous avons d’autres projets”, a-t-il déclaré, selon La Provence. La commune mise notamment sur le cinéma. Or, le site de démantèlement doit se trouver juste en face de Provence studios.
Sur le registre numérique de l’enquête publique, quatre des sept observations proviennent d’acteurs du 7e art. Ils dénoncent l’incompatibilité de ces deux activités. “Cela nuirait à notre attractivité, nous avons beaucoup de tournages en extérieur et la demande augmente”, expose Olivier Marchetti, le président du studio. “Nous avons déjà des nuisances avec la casse GDE qui s’est installée en face, nous arrivons à nous arranger en les prévenant lorsque nous tournons pour qu’ils lèvent le pied“, détaille-t-il.
Du côté de Premys, on argue qu’il y a trois ans, lors la première expérience de déconstruction, Provence studios n’avait pas connu de désagréments. “C’était totalement provisoire à l’époque donc nous nous en étions accommodés“, nuance Olivier Marchetti. Surtout, la donne n’est plus la même aujourd’hui : “Nous avons plus de monde qui vient ici et nous réalisons plus de tournages. Le cinéma est une vraie industrie“.
Sur le terrain de l’emploi, Premys annonce une fourchette de 2 à 20 postes pour son futur site. “Quand nous avons eu The Serpent Queen et La Stagiaire [Deux séries TV, ndlr], nous étions 1200 personnes“, compare fièrement Olivier Marchetti. La Ville de Port-de-Bouc semble en tout cas avoir fait son choix. Pour le GPMM, l’implantation d’un lieu de déconstruction de navire serait un plus dans le panel de services qu’il peut proposer. “Quand nous avons lancé la prospection il y a quatre ou cinq ans, le Port nous a dit que c’était le seul endroit pour nous installer”, assure Eric Pourroy. Sollicité par Marsactu, le Port n’a pas donné suite. À ce jour, l’entité maritime n’a pas laissé d’observation dans le registre. Elle peut bénéficier de quelques jours supplémentaires pour éventuellement se manifester.
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