À Noailles, l’association Destination familles garde portes closes faute de locaux salubres

Actualité
le 25 Avr 2023
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Depuis le 13 avril, les salariés de l'association Destination familles exercent leur droit de retrait. Frappés d'un arrêté de mise en sécurité, les locaux de la rue d'Aubagne ne peuvent, à leurs yeux, plus accueillir le public. Le lieu joue pourtant le rôle essentiel de centre social dans un quartier qui en est dépourvu.

Les bénévoles et salariés de Destination familles, devant le local fermé. Photo Jean2P.
Les bénévoles et salariés de Destination familles, devant le local fermé. Photo Jean2P.

Les bénévoles et salariés de Destination familles, devant le local fermé. Photo Jean2P.

Dans un quartier, le cœur battant n’est pas toujours visible. À Noailles, il bat au 43 de la rue d’Aubagne depuis 2011. C’est là que l’association Destination Familles est installée, derrière un rideau gris, aujourd’hui baissé. “DF”, comme les salariés surnomment la structure, a gardé porte fermée. Depuis le 13 avril, les salariés de cette association exercent leur droit de retrait. Ils n’estiment plus possible d’accueillir un public souvent précaire dans un local qui prend l’eau de toute part, et menace pour partie de s’effondrer.

Nous avons eu un nouvel arrêté de mise en sécurité en février dernier, explique Florian Grosset, le directeur de la structure. Mais la dégradation des conditions de sécurité est telle que nous ne pouvons plus accueillir comme il se doit, à la fois la centaine de personnes qui nous fréquentent chaque semaine, dont beaucoup d’enfants, et nos partenaires”.

Une ligne précaire traverse l’espace accueil de l’association, faute d’une installation électrique adéquate. (Photo : B.G.)

L’arrêté de péril placardé dans le hall et à l’extérieur reprend les maux sempiternels de l’habitat indigne : la façade présente des risques de chute de matériau sur les personnes. Aux 3ᵉ et 4ᵉ étages, les fuites d’eau dégradent la structure des planchers avec, là encore, un danger de “chutes sur les personnes“. Les propriétaires ont sept mois pour agir et mener les travaux. Le paradoxe est que le bailleur de l’association est la Ville de Marseille elle-même, coincée dans une copropriété où elle n’est pas majoritaire.

Dans les étages, le principal propriétaire traîne les pieds pour réaliser les travaux. “Disons que ses locataires sont du genre à mettre un seau d’eau plutôt que de prévenir le propriétaire qu’il y a un trou dans le toit”, formule une salariée. Contacté par Marsactu, le syndic professionnel n’était pas disposé à nous répondre dans le temps imparti à la rédaction de cet article. Quant au propriétaire indélicat, il n’a pas donné suite à nos appels.

La mairie de Marseille a entrepris un bras de fer avec ce dernier, lui enjoignant de faire des travaux d’ici à septembre prochain. “À partir de cette date, si les travaux n’ont pas été exécutés, la Ville pourra engager des travaux d’office afin de résoudre la situation et se retourner ensuite vers le propriétaire défaillant“, indique le service presse de la collectivité en réponse à nos questions.

Plus de chauffage depuis trois ans

L’association se retrouve donc prise en étau, entre une municipalité qui se pose en partenaire des associations du quartier et, de l’autre, un bailleur qui peine à maintenir un accueil digne. Depuis trois ans, il n’y a pas de chauffage en hiver et pas de fraîcheur en été. “Et soudain, le 11 avril on a vu débarquer des techniciens qui ont lancé le chantier au milieu du public“, raconte une salariée.

Éventré pour réaliser des travaux, le faux-plafond n’a jamais été réparé. Photo : B.G.

De l’eau, l’agente d’entretien Halima Salami en éponge tous les jours et parfois plusieurs centimètres avant l’arrivée des équipes. Selon les aléas, elle tombe en pluie ou en goutte-à-goutte le long des luminaires. Sans doute à cause de ce problème d’eau, le volet électrique de la vitrine a cessé de fonctionner un mois durant, obligeant les équipes à travailler sans lumière du jour et à faire passer le public par un étroit couloir.

Le dialogue avec la Ville n’a pas été rompu pour autant. “Nous sommes des partenaires, explique Florian Grosset, le directeur de la structure. Depuis trois ans, les liens se sont renforcés avec la mairie de secteur, puisque nous étions chef de file de la concertation autour du devenir du haut de la rue d’Aubagne avec les autres associations du quartier. On travaille activement avec la Ville pour trouver des solutions“.

Un propriétaire traîne les pieds

L’attribution du label “espace de vie sociale”, avec les financements de la caisse d’allocations familiales et de la municipalité, a permis à la structure de sortir de la logique du budget bouclé avec des bouts de ficelles que connaissent toutes les associations de proximité. Mais, comme souvent à Noailles, le bâti ne suit pas. Et Destination Familles subit les mêmes maux, mis crûment en lumière par les effondrements du 5 novembre 2018.

J’ai proposé que Destination familles organise une partie des permanences à la cité des associations, tout en ayant bien conscience que cela ne peut pas être une solution durable.

Ahmed Heddadi, adjoint chargé des centres sociaux

“Quand j’ai été saisi du problème, j’ai tout de suite cherché des solutions, explique Ahmed Heddadi, adjoint au maire chargé des centres sociaux. J’ai proposé que Destination familles organise une partie des permanences à la cité des associations, tout en ayant bien conscience que cela ne peut pas être une solution durable”.

La piste du théâtre Mazenod écartée

“Ce qui fait la cohérence du travail de Destination familles, c’est la complémentarité des actions, répond Nadine Ughetto, la présidente de l’association. On ne peut pas se projeter dans une activité sur quatre lieux différents“. En plus de ses propres équipes, Destination Famillles accueille également de nombreux partenaires, comme Médiance 13 pour l’accès aux droits ou les compagnons bâtisseurs pour l’initiation aux travaux.

Pour tenter de trouver une solution à court terme, Ahmed Heddadi a contacté l’association de médiation Dunes qui occupe des locaux rue de la Palud. “Sur le principe, nous sommes tout à fait ouverts à l’idée, pose Nourredine Bougrine, le président de la structure. Maintenant, il faut qu’on fasse une réunion de travail pour savoir quels sont leurs besoins immédiats et, nous, nos disponibilités”. La piste du théâtre Mazenod que la Ville vient de préempter, lui aussi situé rue d’Aubagne, a été un temps explorée, sans offrir de solution plus durable. “J’ai demandé aux services qui m’ont précisé qu’il n’était pas en état pour recevoir du public“, complète Ahmed Heddadi. Des travaux sont nécessaires et investir le lieu ne pourrait se faire que dans plusieurs mois.

Aggravation de péril au Bouillon de Noailles

“Disons que le droit de retrait nous a un peu pris de court, explique Isabelle Bordet, adjointe d’arrondissement qui suit le quartier pour la mairie de secteur. Nous sommes tout à fait conscients qu’ils sont déstabilisés par le fait de travailler dans ces conditions. Surtout qu’ils accueillent un public qui est lui-même en difficulté. Nous allons trouver une solution, mais pour l’heure, ça tarde un peu“. La Ville se dit prête à compléter le surcoût de loyer en cas de solution dans le patrimoine privé et à trouver une solution dans le bâti public, si elle existe.

Destination Familles n’est pas la seule structure à vivre au gré des aléas de l’habitat indigne. Il y a quelques jours à peine, l’association d’insertion autour de la cuisine Le bouillon de Noailles a dû évacuer le 7, rue de l’Arc, en raison d’une aggravation du péril qui faisait déjà l’objet d’un arrêté avec prescription de lourds travaux.

Projets au point mort

Cette série noire illustre aussi les difficultés profondes que connaît toujours le quartier, tant sur le plan du bâti que dans l’implantation de services publics. Juste en face du local fermé de Destination Familles, dans la même rue que Le bouillon de Noailles, une antenne d’un centre social doit voir le jour. Depuis le dépôt d’un permis, le projet n’a pas bougé d’un pouce. Même chose pour l’autre partie du local, en bordure du domaine Ventre, rue Moustier. Bloqué par un recours, le projet est toujours au point mort.

Le permis est en cours sur la rue de l’Arc, défend Isabelle Bordet. Il n’y a plus d’obstacles administratifs. Cela avance, pas aussi vite que l’on voudrait, mais ça bouge”. Trop lentement pour espérer que ce soit visible.

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