À Marseille, Mohamed Bensaada submergé par la vague RN

Reportage
le 20 Juin 2022
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Dans la 3e circonscription, celle du Nord-Est de Marseille, le candidat LFI-Nupes n’a pas pu résister à Gisèle Lelouis (RN), qui s’impose avec 55 % des voix, tandis que l’abstention a atteint 62,8 %. Récit d’une soirée de défaite.

Mohamed Bensaada annonçant sa défaite aux côtés de sa suppléante, Bénédicte Gomis. (Photo : Clair Rivière)
Mohamed Bensaada annonçant sa défaite aux côtés de sa suppléante, Bénédicte Gomis. (Photo : Clair Rivière)

Mohamed Bensaada annonçant sa défaite aux côtés de sa suppléante, Bénédicte Gomis. (Photo : Clair Rivière)

Au QG de Mohamed Bensaada, avenue de la Rose, la soirée a fini comme elle avait débuté : mal. D’abord sonnés par le résultat décevant de l’union de la gauche au niveau national, les soutiens du candidat de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) ont ensuite assisté à la défaite locale de leur camarade. Dans la 3e circonscription (composée du 13e arrondissement de Marseille et de morceaux du 14e et du 12e), c’est la candidate Rassemblement national Gisèle Louis, 70 ans, qui l’a emporté, avec 55 % des suffrages.

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Arrivé en tête du premier tour avec 27,7 % des suffrages, l’Insoumis Mohamed Bensaada n’a pas bénéficié de suffisamment de reports de voix pour remporter le second, dans un contexte où la députée macroniste sortante Alexandra Louis, arrivée troisième au premier tour avec un score de 21,9 %, n’avait donné aucune consigne de vote officielle. Pour sa part, la nouvelle députée RN a sans doute profité d’un bon report de la part des électeurs de la candidate soutenue par Reconquête Sandrine D’Angio (quatrième du premier tour avec 15,2 % des suffrages). Surtout, le regain de participation espéré par le candidat de gauche n’a pas eu lieu : très élevée (63 %), l’abstention est restée au même niveau que le dimanche précédent.

“C’est serré”

En début de soirée, les soutiens de Mohamed Bensaada attendaient le verdict des urnes avec une confiance mesurée, mais un espoir réel : après une semaine passée à écumer les quartiers populaires de la circonscription, ils voulaient croire à un sursaut de mobilisation dans ces bureaux de vote acquis à la gauche, mais où la participation est généralement famélique.

À 20 h, première douche froide : au niveau national, les résultats de la Nupes sont très en deçà des espérances. Dans le QG quasiment vide, Soraya Guendouz, qui milite au Syndicat des quartiers populaires de Marseille (SQPM) avec Mohamed Bensaada, se dit “sous le choc : je ne comprends pas comment on peut à nouveau faire confiance à une majorité qui a fait augmenter les inégalités”. Autre militante du SQPM, Karima Berriche n’en revient pas : “La percée du RN, c’est incroyable.” Elle déplore un résultat “dramatique pour nos quartiers” avec la victoire, explique-t-elle, des valeurs de “la xénophobie et l’argent”. Les sanglots ne sont pas loin.

La suppléante de Mohamed Bensaada, Bénédicte Gomis, reste très prudente : les premières remontées des bureaux de vote sont “peu lisibles”. Quoi qu’il en soit, “la partie n’est pas perdue, l’espoir est là”. Pour l’instant, sur le site de la Ville, Mohamed Bensaada fait la course en tête avec 55,6 % des voix, mais seuls 10 des 67 bureaux de la circonscription ont été dépouillés.

La candidate RN, Gisèle Lelouis, dispose de résultats plus actualisés : “Pour l’instant je suis devant, à 52 %, mais c’est serré”, nous indique-t-elle au téléphone depuis son domicile. Très vite, la tendance se renforce : sur le site de la Ville, la septuagénaire prend les devants et nos projections confirment que cette avance n’est pas le fruit du hasard de l’ordre de dépouillement des bureaux.

J’en veux beaucoup à Macron de nous avoir mis en équivalence avec l’extrême droite.

Une militante

Au QG de la Nupes, Jean-Jacques, syndicaliste qui préfère ne pas donner son nom de famille, n’y croit déjà plus : “C’est très dur de lutter contre le RN. Ce n’est même plus qu’ils sont banalisés, c’est qu’ils sont admis.” Devant le QG, les militants affluent en provenance des bureaux de vote. La sono crache du Rachid Taha mais le cœur n’y est pas. Chacun a les yeux rivés sur son téléphone, la mine inquiète. Mohamed Bensaada vient d’arriver à la permanence. Il s’est tout de suite enfermé avec son équipe rapprochée. “Ça sent pas bon ?”, demande-t-on à un militant qui sort du bureau du candidat. Pour toute réponse, une grimace. “J’en veux beaucoup à Macron de nous avoir mis en équivalence avec l’extrême droite”, s’indigne une militante.

17,9 % de participation à Clair soleil

À 22 h 25, le candidat Nupes réunit ses soutiens dans la cour de son QG. Plus aucun doute : ce qu’il s’apprête à prononcer sera un discours de défaite. “C’est quoi ce pays ?”, désespère une militante. “C’est la France, madame”, répond un camarade. Mohamed Bensaada commence : “J’aurais aimé ne pas faire ce discours et vous dire qu’on fasse la fête…” Mais il faut bien. “On a tout fait”, dit-il à ses soutiens pour les remercier de leur implication dans la campagne.

Puis il s’en prend aux “génies du mal qui ont redécoupé cette circonscription en 2012″, ce qui l’aurait rendue difficilement gagnable pour la gauche. Avant sa condamnation pour détournement de fonds public, la socialiste Sylvie Andrieux avait tout de même réussi à l’emporter de justesse en 2012 face au frontiste Stéphane Ravier. “Nos quartiers, nos voisins vont souffrir” de ces résultats, lance-t-il, avant de tancer Emmanuel Macron “qui a une grande responsabilité dans la montée du RN”.

Dans la circonscription, la participation varie de 20 à 25 points selon les quartiers.

Vilipendant “l’utilisation asymétrique du front républicain”, le candidat Nupes remarque que 2 217 électeurs ont choisi le ni-ni : au second tour, le taux de bulletins blancs et nuls a été bien plus élevé qu’au premier : 7,85 % contre 1,88 %. Dernière grande cause de la défaite, selon Mohamed Bensaada, l’abstention, “qui est devenue quelque chose d’insultant pour nous”. À l’école élémentaire Clair soleil par exemple, où la Nupes obtient 73,21 % des suffrages, la participation atteint seulement 17,91 %. “Il y a toujours un gap de 20 à 25 points de participation entre les quartiers populaires et les noyaux villageois”, regrette le candidat, “très triste” de laisser la circonscription entre les mains d’une députée “qui va soutenir un groupe parlementaire dangereux, mortifère”“raciste”, traduisent des militants dans l’assistance.

Autre ambiance à la permanence du RN, place Castellane, où Gisèle Lelouis est descendue fêter son élection. “Je suis fière de cette victoire et reconnaissante à Marine Le Pen de m’avoir investie. Et je remercie les électeurs qui m’ont élue”, commence-t-elle. “Mon élection, assure-t-elle, je la dois à la peur de la Nupes”, à son programme et à ses critiques de la police. Et maintenant ? “Avec notre groupe parlementaire, nous allons pouvoir travailler sur les lois”, “travailler pour que la France puisse se relever, parce qu’elle est tombée bien bas”. Ce dimanche soir dans la 3e circonscription, c’est surtout la vieille tradition du front républicain qui est tombée au plus bas.

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Commentaires

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  1. Tarama Tarama

    Welcome to the real world.

    Quand ton camp fait 30%, tu es plus proche de la défaite que de la victoire.
    Fin de l’illusion, retour au brun qui est la réalité de PACA depuis plusieurs décennies maintenant (et de la France entière malheureusement désormais).

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  2. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    comme cela me rend malade de voir du FN et bien que ces quartiers de misère reste dans leur m—e c’est pas beau mais ras le bol de ces gens qui ne réfléchissent pas se plaignent d’être dans des quartiers pourris et s’abstiennent de voter et pire votent
    nazis

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  3. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    C’est un crève coeur et j’ai de la peine pour les militants et le/la candidat-e. Ce n’est pas le moment de céder au découragement, la principale raison (mais pas la seule, bien sûr) de ce résultat c’est le suffrage censitaire de fait qui fait que les classes populaires ne votent pas ou très peu, voire votent contre leurs intérêts. Essentiellement c’est parce que les partis de gauche d’hier ont abandonné leur travail d’éducation populaire politique dans ces quartiers en le remplaçant par du clientélisme, et quand le clientélisme s’est effondré, toute raison d’aller voter a disparu.
    Courage aux militants de gauche d’aujourd’hui et de demain ! Tenez bon ! Tenez bon ! Vous avez commencé à remonter la pente !

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    • julijo julijo

      oui, d’autant plus que tous les coups sont permis.
      honte à macron qui a permis au fn de remporter autant de circo. par la gouvernance qu’il a mis en place et par ce jeu malsain des reports de voix qu’il a promu.

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