À Marseille, le port réchauffe ses vieux projets

Actualité
le 27 Jan 2021
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Le grand port maritime de Marseille-Fos s'apprête à valider son projet stratégique pour les quatre ans à venir. Parmi les grands chantiers envisagés à Marseille, beaucoup sont déjà dans les cartons depuis 2013, qu'il s'agisse de l'ouverture de certains espaces aux riverains, du terminal de containers de Mourepiane ou de la construction d'un nouveau siège social. Reste encore à concrétiser ces intentions.

Vue aérienne des Bassins Est et de Marseille. Photo : Grandemange Dominique-4 vents - Port de Marseille
Vue aérienne des Bassins Est et de Marseille. Photo : Grandemange Dominique-4 vents - Port de Marseille

Vue aérienne des Bassins Est et de Marseille. Photo : Grandemange Dominique-4 vents - Port de Marseille

L’Estaque en spot de loisirs et tourisme, les bassins en face du Mucem pour accueillir des bateaux de croisière ou une partie de la digue du Large ouverte aux badauds… Voici quelques-unes des volontés ou idées du projet stratégique 2020 – 2024 du Grand port maritime de Marseille-Fos (GPMM) qui doit être validé en mars. S’il y a un air de déjà vu, c’est parce qu’elles figurent dans la charte Ville-Port signé en… 2013. Le document réalisé pour apaiser les relations autour des bassins Est se fixait alors un horizon pour 2025.

Des patrons de collectivités à Euroméditerranée en passant par le GPMM, tous les signataires de l’époque ne sont aujourd’hui plus en poste. Et le récent changement de majorité municipale n’a pas encore débouché sur des discussions de fond entre la Ville et le port dont les relations sont historiquement compliquées. “Nous avons prévu de traiter ce sujet courant février”, reconnaît Hervé Menchon, adjoint au littoral. Les dossiers avec le port sont traités par le maire Benoît Payan qui en début d’année a prévenu que “certaines relations ne (lui) conviennent pas”.

La porosité du port

L’un des grands enjeux de la charte était l’accès pour les riverains aux espaces portuaires. “Nous avons beaucoup de projets qui traduisent une volonté d’ouverture”, soutient Hervé Martel, président du directoire du GPMM. “Il faut faire comprendre et aimer le port”, ajoute-t-il. Deux zones sont ciblées pour ce type d’aménagement.

La plus mentionnée est celle située de la Joliette au J4. La métamorphose a commencé avec les Terrasses du Port. Elle se poursuit avec le J1 dont les travaux doivent débuter en 2022. Le GPMM ambitionne de construire un nouveau siège social, à la place de l’actuel, qui pourrait s’aligner avec le centre commercial voisin. “Cela nécessite donc un aménagement de l’environnement immédiat, notamment de la halle J0 qui n’est pas parallèle au J1″, précise Hervé Martel.

La halle J0, située directement à gauche des Terrasses du Port. Image : Google Maps

En face, côté mer, la question de l’ouverture au public de la digue du Large est toujours sur la table. “C’est compliqué pour des raisons de sécurité donc il faut des aménagements. Mais aucun de ces problèmes ne peut rester sans solution”, défend le président du directoire soulignant “l’allant des collectivités sur ce sujet”. L’accès devrait n’être possible que sur la partie Sud.

Un groupe de travail a été constitué pour aborder les questions juridiques, organisationnelles et financières. C’est ce point qui risque de coincer car permettre l’accès à la digue tout en maintenant des activités portuaires nécessite la présence de gardiens et de protéger certaines zones des intrusions. Les blocages interviennent aussi au moment de flécher les investissements des parties prenantes. “Nous ne renonçons pas à nos projets, mais il faudra être inventif et solliciter des subventions qui ne le sont pas”, prévient Hervé Menchon.

Enfin, porté par le port le projet d’immeuble de bureaux de sept étages au niveau d’Arenc est lui suspendu. “Le conseil de surveillance a demandé au directoire de revoir le modèle économique du projet”, commente le GPMM. Une opportunité pour la municipalité d’ouvrir une discussion sur la partie du port qui jouxte le nouveau quartier d’affaires d’Arenc.

La partie de l’Estaque à Saumaty, devrait aussi connaître un lifting. L’agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam) a été mandatée “pour faire un état des lieux de tous les documents qui existent sur cet espace”, indique Hervé Martel. L’idée est de concentrer sur cette zone des activités liées au tourisme et aux loisirs. Parmi les axes retenus se trouve le développement des places pour les bateaux de plaisance.

Le quai de la Lave est au cœur des attentions. Orphelin de projet après le rétropédalage du port face aux contestations des habitants, il doit être aménagé à l’horizon 2024 et cette fois “en direction des riverains”. Pour plus de détails, il faudra patienter. “Ces questions ne peuvent être construites qu’avec les collectivités”, souligne Hervé Martel pour le port. “Les visions doivent être accordées mais nous défendons un accès à la mer au plus grand nombre”, appuie du côté de la mairie Hervé Menchon, qui n’a pas manqué de relever la présence “d’espaces inutilisés qui sont des friches maritimes”.

Le retour du pôle de transport combiné, mais à trois têtes

Avec un peu plus de 20% de son trafic passé par le rail ou le fluvial plutôt que par camions, le GPMM se félicite de sa stratégie sur le report modal, le choix des transports pour les marchandises arrivées au port. Très actif sur le sujet et notamment pour le ferroviaire, le port a relancé le projet “très stratégique” de pôle de transport combiné de Mourepiane. Très controversé et évoqué dans la charte Ville-Port, il doit permettre de compenser l’arrêt de la gare de fret du Canet prévue en 2023.

Cette fermeture implique la répartition des marchandises sur trois sites. À Miramas, pour celles qui repartaient en camions de Marseille, à Mourepiane pour celles à vocation portuaire et enfin les autres sur le faisceau d’Arenc où arriveront les trains trop longs pour les espaces du port. Les trois sites figurent dans les investissements prévus du Contrat de plan État-région (CPER).

Pour Mourepiane, son réaménagement dépend également d’un raccordement au chemin de fer existant. Ce sur quoi SNCF Réseau, gestionnaire des voies, ne semble pas très avancé. “Si l’ensemble des partenaires de SNCF Réseau décident de financer ce projet, une concertation devra être réalisée pour, le cas échéant, le retravailler”, nous indique-t-on.

Les voies ferrés du GPMM. Image : GPMM

Le port prévoit donc la construction de six voies électrifiées pour 2025 et éventuellement deux supplémentaires après le raccordement au chemin de fer existant. Pour autant, la réalisation du pôle de Mourepiane est loin d’être acquise. Une concertation va débuter en 2021 suivie d’une enquête publique. La précédente en 2016 avait débouché sur un avis négatif du commissaire enquêteur qui avait fait capoter le projet.

Sa réalisation dépend également de la capacité du faisceau d’Arenc à accueillir les trains longs. Ces 32 voies électrifiées font partie du projet national ferroviaire de la Ligne Nouvelle Provence côte d’Azur (LNPCA) dont la réalisation peut s’éterniser. Pour le port il faut donc devancer la LNPCA. “La bonne solution serait d’y réserver des voies pour les trains de marchandises, je pense que nous pourrons en avoir six”, explique Hervé Martel. “À terme, nous aurions le pôle chargement à Mourepiane, les trains longs à Arenc et les remorques à Pinède”, détaille-t-il.

L’industrie se maintient, mais jusqu’à quand ?

L’activité économique industrielle devra, selon les intentions du port, se concentrer entre le môle d’Arenc et la forme 10. Une mutation déjà entamée avec le déplacement de l’activité de transports de passagers du Maghreb plus au nord, vers le Cap Janet. L’Union maritime et fluviale de Marseille-Fos (UMF), qui réunit les entreprises portuaires, s’inquiétait début janvier de bassins trop petits pour accueillir des navires de plus en plus grands. “Nous avons lancé des appels d’offres pour une reconfiguration à court terme en optimisant les infrastructures existantes”, prévient Hervé Martel. Les bateaux de 200 mètres seraient accueillis au nord du bassin de la Pinède et ne passeraient plus par le Sud, où leur taille pose problème.

Pour une restructuration majeure, le président du directoire préfère attendre de voir l’évolution des trafics. Ce qui fait craindre à l’UMF une perte de clients et donc d’activité. Sur ce sujet, Benoît Payan expliquait, sans trop se mouiller, en début d’année vouloir “poursuivre la pérennisation et la variété de l’activité industrielle du port”.

La croisière s’amuse au Mucem

Le port voulait rentrer dans le top 3 méditerranéen des croisières dès 2020. L’ambition s’est heurtée à la crise sanitaire qui a brusquement stoppé l’activité, ce qui pousse le GPMM à ralentir les objectifs sur le branchement à quai de ces navires. Présenté en juillet 2019, le CENAQ (pour connexion électrique des navires à quai) devait étendre ces raccordements à la réparation navale, aux ferries du Cap Janet et donc à la croisière pour 2025. “La finalisation de cette partie dépendra du redémarrage de l’activité, il faut que cela reparte pour que le projet prenne du sens”, justifie Hervé Martel.

En revanche, un autre projet qui concerne les croisières n’est pas suspendu. Il se trouve bien loin des branchements à quai, au pied du Mucem et de la Villa Méditerranée. “Un quai de prestige” appelé à devenir un bassin d’accueil pour les croisières “haut de gamme”. Comprendre des plus petits bateaux, mais dont le prix du billet est bien plus élevé.

Une opération déjà réalisée par Ponant notamment. “C’est du luxe donc il faut une gare maritime au niveau”, précise Jean-François Suhas, président du Club de la croisière et du conseil de développement du GPMM. Le projet stratégique évoque “un projet immobilier multifonctionnel (…). Ce bâtiment, à la volumétrie raisonnée et respectueuse des éléments patrimoniaux du secteur (cathédrale de la Major, MuCEM…) pourra offrir des services annexes”. Aucune date n’est donnée. Mais le port précise que “pour le moment, pour la croisière aucun projet n’est remis en question”.

Nous devrions pouvoir atteindre rapidement 50 à 100 escales”, espère Jean-François Suhas. Sous réserve bien sûr de la reprise de l’activité. Du côté de la mairie, Hervé Menchon explique “ne pas être en guerre” contre la croisière, mais rappelle  que la majorité favorise un modèle touristique qui “n’est pas celui du tourisme de masse”. Des orientations qu’il faudra peut-être rediscuter dans le cadre d’une nouvelle charte.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Ils ont quand même oublié le changement du logo, c’est important un logo !

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  2. Marseille à la loupe Marseille à la loupe

    Sait-on ce qui est concrètement envisagé en termes d’aménagement entre l’esplanade du J4 et le Hangar du J1 ? La réalisation d’un musée maritime a notamment été évoqué. Quid de tout ce espace ? Sera-t-il rendu aux piétons ?

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    • Benoît Gilles Benoît Gilles

      Bonjour, selon Rémi Baldy, il n’y a rien de précis, le projet stratégique dit que c’est “susceptible” d’accueillir à terme un grand équipement métropolitain mais la réflexion n’est pas encore aboutie. Seule certitude les éventuelles constructions seront limitées en hauteur.
      Le musée maritime n’est pas évoqué, sur ce sujet la municipalité veut contribuer (le projet se fait sans eux pour l’instant). Enfin le projet sur ses Bassins est soumis à l’issue d’une étude conjointe menée avec Euromediterranée.

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  3. Tarama Tarama

    Encore des bateaux de croisière, de luxe cette fois, venant gâcher les plus belles vues de leurs masses imposantes. Sans parler d’un nouveau bâtiment sur le J4.
    Et tout cela alors que le secteur est totalement à l’arrêt. Rien n’arrête les promoteurs du business.

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    • kukulkan kukulkan

      bien d’accord, mais avec la nouvelle municipalité ça pourrait changer j’espère, contrairement au rêve de la municipalité qui voulait refourguer un casino et transformer la rade en station balnéaire de la Côte d’Azur ! beurk

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  4. Pascal L Pascal L

    Que l’état à travers le GPMM gère la partie portuaire du bassin “Est” c’est à dire le littoral nord de Marseille pourquoi pas mais que le GPMM gère l’Estaque, les Corbières (dont la plage) et le quai de la Lave, on se demande bien pourquoi. Les Marseillais au service du port ?
    Dès que l’activité n’a plus de lien direct avec le trafic maritime, le GPMM devrait logiquement être dessaisi, me semble-t-il.

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  5. Jacques89 Jacques89

    “certaines relations ne (lui) conviennent pas”
    La parenthèse autour du « lui » pose questions. Est-ce le journaliste qui suppose que l’avis de Payan n’est pas partagé ? Est-ce Payan qui, se sachant déjà maire « en puissance » a donné à cette phrase une ponctuation verbale suffisamment affirmée pour que le « c’est moi qui décide » transpire à travers ces quelques mots ?
    Pour le reste, on constate que le Port n’échappe pas à la gentrification. Les flux « Maghreb » au nord, les croisières de luxe au sud. Question mixité sociale, on repassera… On imagine aussi que l’électrification du port commencera par La joliette. Les retombées d’hydrocarbures sur La Major risqueraient de déplaire à Belsunce. Et l’ascenseur à yachts de 6000 tonnes ? On attend de voir comment La Ciotat va amortir son 4000 ?

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  6. Christophe Grimaud Christophe Grimaud

    Alors, cette décision qui devait tomber en mars ?

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour,
      le projet stratégique a été adopté le 5 mars par le conseil de surveillance du GPMM.

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