À Cabriès, 133 logements construits coûte que coûte près d’un poste électrique

Enquête
le 9 Sep 2017
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Un projet de 133 logements porté par Bouygues immobilier suscite la polémique dans la commune du pays d'Aix. Une association s'inquiète des risques sanitaires dus à la proximité du poste électrique du Réaltor sur fond de contestation plus globale du projet.

Le terrain de Saint-Victor sur lequel porte le projet de Bouygues immobilier à Cabriès
Le terrain de Saint-Victor sur lequel porte le projet de Bouygues immobilier à Cabriès

Le terrain de Saint-Victor sur lequel porte le projet de Bouygues immobilier à Cabriès

Du haut du chemin de Saint-Victor, le massif de l’Arbois se déploie à perte de vue. En contrebas, le centre d’entraînement de la société hippique de Marseille attend ses chevaux pour quelques séances de galop. Le soleil brille toujours en cette fin d’été, on s’attendrait à entendre les cigales. Mais l’entêtant “Kss, Kss, Kss, Kss” qui envahit nos oreilles ne doit rien à ces insectes. Dans notre dos, se trouve le poste électrique du Réaltor d’où part notamment la ligne électrique à 400 000 volts qui traverse la région jusqu’à Menton. C’est là que doit s’implanter un nouveau projet immobilier controversé à Cabriès. Selon le permis de construire déposé par Bouygues immobilier, 133 logements au minimum y sont attendus, des villas individuelles mais aussi, pour un tiers, des logements sociaux ou en accession à la propriété.

Zone d’implantation du projet – Document Bouygues immobilier

La contestation au projet, portée par des associations, mais aussi par l’opposition municipale, est protéiforme. Ces derniers mois, une association, Les enfants du pays, porte le débat sur la question sanitaire. Est-il raisonnable de construire tant de logements à proximité d’une poste électrique ? Dans les rangs de cette association qui prépare une liste concurrente à l’équipe du maire pour 2020, un chercheur a pris les choses en main. Fabien Le Marchand est maître de conférences à Centrale Marseille où il donne notamment des cours sur l’électro-magnétisme. Sur le terrain, il porte un boîtier pour mesurer le champ magnétique. À son bureau, il compile les normes internationales et les études. Il a acquis une certitude. “Sur ce projet, un principe de précaution doit s’appliquer qui doit conduire le maire et le promoteur à renoncer”, énonce-t-il.

Le poste électrique.

L’agence régionale de santé s’inquiète

Il n’est pas le seul à nourrir des inquiétudes. L’Organisation mondiale de la santé a classé comme “cancérogène possible” l’exposition aux lignes THT : de nombreuses études statistiques ont souligné la prévalence des leucémies infantiles dans ce cas sans que le lien scientifique n’ait pu être démontré. Dans un avis à la formulation étonnante, l’Agence régionale de santé (ARS) a elle aussi souhaité attirer l’attention du maire de Cabriès sur la question. Ce service de l’État souligne ainsi une recommandation applicable aux équipements collectifs – et donc pas spécifiquement aux logements – qui conseille “d’éviter dans la mesure du possible des équipements sensibles à proximité des lignes très hautes tensions”.

Si l’ARS ne souhaite officiellement pas s’étendre, le message de prudence est clair. Elle peut de toute façon difficilement aller au-delà puisque la France n’a pas, contrairement à de nombreux autres pays, choisi d’abaisser ses propres normes en deçà de la limite internationale fixée à 100 microteslas. Un seuil jamais atteint puisque Réseau et transport d’électricité indique mesurer 30 microteslas au pied d’une ligne à 400 000 volts. L’Agence nationale de sécurité sanitaire évoque elle un risque pour la santé à partir d’une exposition prolongée à 0,4 microtesla. Or, Fabien Le Marchand dit avoir mesuré jusqu’à 13,8 microteslas en lisière du site, ce qui lui a fait dire dans une vidéo à l’adresse des habitants de Cabriès que le projet présentait à ce niveau un “risque sanitaire extrême”.

“Un aspect qui n’est pas central” pour le maire

“Cet aspect du dossier ne me paraît pas central, répond le maire (LR) Hervé Fabre-Aubrespy. Jamais les services de l’État ne m’ont parlé de ça jusqu’à l’avis de l’ARS qui est d’ailleurs arrivé très tardivement dans ce dossier. À ce jour, je n’ai aucun élément qui me permette de dire que je mets en danger les populations futures et il faut noter que la plus grosse ligne électrique, celle à 400 000 volts part à l’opposé du terrain.” Le promoteur Bouygues immobilier, qui n’a pas répondu à nos appels, ne s’est lui semble-t-il pas embarrassé de cette question. Une étude déposée en préfecture note simplement que “les activités du secteur d’étude ne constituent pas une contrainte pour le projet d’aménagement”.

Il faut dire que le maire a largement insisté pour maintenir ce projet. Le projet porté par Bouygues immobilier date d’il y a plus de dix ans. Mais, arrêté sous la précédente mandature, il a été relancé par Hervé Fabre-Aubrespy quand après un premier mandat de 2001 à 2008, celui-ci a à nouveau été élu maire de la commune en 2014. Depuis lors, le maire Les Républicains fait tout pour concrétiser le projet. Au lendemain de son élection, il a enclenché la vente de la partie communale du terrain à Bouygues. Le groupe immobilier avait déjà posé une option sur le terrain voisin, propriété de la famille Ammar bien connue pour ses activités immobilières marseillaises. Depuis, il a dû à plusieurs reprises confirmer sa volonté de faire passer ce permis malgré les réticences.

L’ARS a donné “un avis défavorable” relatif à la proximité de la retenue d’eau du Réaltor qui alimente Marseille. Le sous-préfet d’Aix-en-Provence Serge Gouteyron a pour la deuxième fois jugé illégal le 9 mai 2017 le permis de construire pour des questions de mauvaises prises en compte des questions de raccordement aux réseaux d’eau et du “risque de feu de forêt de niveau fort à très fort”.

Un cadeau à Bouygues ?

Reste la question du coût pour la commune soulevé par différents acteurs. La vente s’est faite au prix fixé par les Domaines : 800 000 euros. “Ils achètent pour 800 000 euros mais la commune fait des travaux pour près de 2 millions d’euros”, note Jean Sansone de Cabriès défense développement et d’Anticor 13. “On peut se demander pourquoi il poursuit ce projet qui va plomber les finances communales”, lâche celui qui devrait voir la route passant devant chez lui agrandie pour faciliter l’accès au nouveau quartier. L’analyse d’un cadeau fait à Bouygues revient également chez les élus d’opposition de “Mon parti, c’est Cabriès”.

Hervé Fabre-Aubrespy admet “un climat passionnel à Cabriès” et rétorque : “Sur le principe nous sommes pénalisés pour le manque de logements sociaux, la préfecture nous pousse donc à en construire. Dans ce cas, les aménagements sont déductibles de ces pénalités donc autant les faire. Qui plus est, cette construction va amener 1,2 millions d’euros de taxe d’aménagement supplémentaire [payée par le promoteur en fonction de la surface occupée, ndlr]. Enfin, la moitié des sommes dépensées vont être payées par la métropole donc il est faux de dire que le projet sera coûteux pour la commune.” Relancé plusieurs fois, Hervé Fabre-Aubrespy ne répond sur la question d’un projet avantageux pour le promoteur.

Pour l’heure, Les Enfants du pays entendent contester l’ensemble du plan local d’urbanisme devant le tribunal administratif. Une occasion de relancer les discussions sur l’opportunité de ce nouvel aménagement du quartier Saint-Victor.

Actualisation le 11 septembre : comme nous l’ont signalé des lecteurs attentifs, il s’agit bien d’un poste électrique ou sont raccordées plusieurs lignes à très haute tension et non d’une centrale de production d’électricité. Nos excuses pour cette mauvaise formulation.

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Commentaires

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  1. martine Colombani martine Colombani

    pourquoi ne pas avoir réserver ce terrain pour les villas luxueuses, s’il n’y a aucun risque et mettre à disposition pour des logements des terrains non exposés: à chaque fois c’est pareil: on prend les citoyens pour des truffes.
    *

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  2. Tarama Tarama

    En parlant d’ondes, vous savez comment on reconnait un HLM à Marseille ?
    Deux indices : ce sont les seules résidences à n’être pas closes (mais c’est en train de changer), et surtout ce sont les seuls immeubles d’habitation où il y a des antennes relais de téléphone portable sur le toit.

    A croire que les pauvres sont immunisés contre les dangers des ondes (à moins que ce soit qu’on ne leur demande pas leur avis, mais je n’ose le croire).

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  3. corsaire vert corsaire vert

    Et il a touché combien le maire pour accepter ce projet homicide ?

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  4. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Coulons du béton, coulons encore du béton, coulons toujours du béton. Sur des vestiges antiques, sur des terrains exposés à des dangers, partout où il y a de la place. Parce que, vous comprenez, il faut dé-ve-lop-per.

    Développer quoi, d’ailleurs, en dehors du compte de résultat des bétonneurs ? C’est à croire que certains maires en sont actionnaires.

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    • Tarama Tarama

      Je me demande sérieusement s’ils ne touchent pas des pots de vin pour être aussi zélés au service des promoteurs.

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  5. inaudirosy inaudirosy

    Incroyable qu’après les avis de l’ars et de la sous préfecture, le projet court toujours…on voit qu’il existe encore des petits potentats locaux ….

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  6. fablemarchand fablemarchand

    Juste une précision technique: il n’y a pas de norme internationale concernant le seuil de champ magnétique
    le seuil légal en France est de 100µT.
    Mais également 20µT (Etats-Unis), 3µT (Italie), 1µT (Suisse) et 0.25 µT (Suède).
    Les études scientifiques les plus sérieuses s’accordent à dire qu’une distance de 800m est nécessaire par rapport a un ligne THT 400kV pour que les effets soient nuls sur la santé.
    Fabien Lemarchand

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    • toto toto

      50 µT pour le champ magnétique terrestre mais il est constant… La dangerosité du champ magnétique d’une ligne THT est dû à son caractère variable.

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    • Pascal L Pascal L

      Même si on édicte des seuils par précaution, jusqu’à présent il n’existe aucune preuve de la dangerosité des champs électromagnétiques variables de faible fréquence et de faible intensité, ce qui est le cas ici.
      Dans l’état actuel des connaissances basées sur des observations (observations assez longues car des personnes ont travaillé dans les centrales électriques ou postes de transformation pendant de longues années) on ne relèvent pas de maladie particulières liées à ces champs électromagnétiques. Idem pour les ondes utilisées dans les télécommunications et le dangers des ondes radio. En revanche les ondes électromagnétiques de fréquences élevées comme les UV sont avérées dangereuses. On augmente nettement les risques de cancer avec les bains de soleil dans son jardin.

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