À Aix, les députés macronistes piétinent le front républicain

Anne-Laurence Petel (Renaissance) au soir de sa troisième place aux législatives anticipées, le 30 juin 2024. Photo : ML

Anne-Laurence Petel est arrivée sous les applaudissements de ses proches et militants après l’annonce des résultats des législatives anticipées dans la 14e circonscription (Aix centre et nord-est du Pays d’Aix). Pourtant, la députée sortante et actuelle candidate Renaissance n’a pas gagné ce dimanche soir, 30 juin. Loin de là. Ric-rac, elle termine troisième avec 28,9 % des suffrages exprimés, derrière le candidat d’extrême droite Gérault Verny (31,6 %) et le maire PS du Puy-Sainte-Réparade, Jean-David Ciot (29,5 %). Mais, à la surprise générale, cela ne l’empêche pas de se projeter déjà dans le second tour.

“Débranchez la télévision”, ordonne un de ses sympathisants pour que tout le monde puisse entendre la députée sortante qui vient de faire son arrivée à la terrasse d’un café à une centaine de mètres de la mairie. La trentaine de militants rassemblés autour des tables depuis déjà plus d’une heure observe un silence religieux en attendant la déclaration. “Tout se joue dans un mouchoir de poche”, avance Anne-Laurence Petel après avoir redonné les résultats à la foule. Et très vite, elle annonce : “Donc je me maintiens”.  Nouvelle salve d’applaudissements.

Résultats dans la 14ème circonscription, Aix centre et nord-est du Pays d’Aix.

“Il va falloir réussir à expliquer tout ça aux lecteurs”

Désormais, il faut expliquer aux militants, qui viennent d’enchaîner des actions pour les européennes et pour ce premier tour, pourquoi ils doivent retourner encore arpenter les marchés et faire les sorties d’écoles. “Il y a des réserves de voix. (…) Il faut aller chercher les six ou sept points qui sont à récupérer”, défend la candidate du camp présidentiel. Elle fait référence notamment aux 5,63 % du candidat Les Républicains (LR) Gaëtan Muselet qu’elle espère récupérer en sa faveur lors du second tour.

“Parce que je ne peux me résoudre à laisser l’un des deux extrêmes représenter le pays d’Aix à l’Assemblée nationale, j’ai décidé de maintenir ma candidature au second tour, en accord avec mon parti”, ajoute dans la soirée l’élue macroniste, dans un communiqué. Dans son entourage, on nous affirme bien qu’elle a le soutien du Premier ministre et de son parti. Auprès des soutiens d’Anne-Laurence Petel on soutient la candidate dans sa décision. “Pour nous, c’était une évidence, après, oui, c’est difficile, il faudra continuer à se mobiliser, réagit un jeune militant. On a quand même une sociologie marquée au centre droit à Aix.” “Après, il va falloir réussir à expliquer tout ça aux lecteurs”, souffle un autre sympathisant.

Si en façade tout le monde affiche son soutien à la candidate et approuve sa décision, dans son propre camp la troisième place reste amère. “On est bon à prendre notre retraite”, lâche un des élus de sa liste d’opposition au conseil municipal Aix au cœur. “Ça va être compliqué c’est sûr”, lui répond un autre membre de son groupe. “Ça ne reflète pas le travail d’Anne-Laurence Petel sur le terrain, c’est un vote de sanction contre Emmanuel Macron”, analyse une autre élue du groupe Aix au cœur. Interrogée sur l’attitude des équipes de Sophie Joissains, elle pique : “Elle devrait s’inquiéter de sa prochaine échéance à elle, avec le score du RN et la percée de la gauche à Aix”.

“Une décision qui fait marche pied à l’extrême droite”

Face à sa volonté de se maintenir, les réactions se multiplient du côté de la gauche, qui dans cette situation perd un potentiel report de voix pour battre le RN. “J’appelle Anne-Laurence Petel à revenir à la raison et à l’intelligence politique. (…) Elle ne peut pas prendre une décision qui fait marchepied à l’extrême droite, avance Jean-David Ciot, le candidat du Nouveau front populaire arrivé, devant la mairie à la presse. “On ne fait pas de la politique par intérêt pour être candidat à une prochaine élection, lâche-t-il également, en référence aux ambitions de l’élue aixoise pour la mairie en 2026 après avoir perdu aux municipales de 2020. Elle doit faire fi de sa stratégie électoraliste un certain temps.” 

La députée sortante partage une rivalité politique avec la maire (UDI) Sophie Joissains, alors, en mairie centrale. Quand les équipe de Sophie Joissains s’échangent les résultats certains n’arrivent pas à cacher leur satisfaction. “Jean-David Ciot, il doit être en transe”, souffle-t-on ainsi dans l’entourage de la maire. “Tant mieux pour nous”, glisse un collaborateur. “Elle doit se décomposer”, entend-on dans la salle en référence à Anne-Laurence Petel. “C’est la confirmation des résultats des élections européennes”, commente simplement Sophie Joissains, qui ne s’épanchera pas plus dans la soirée.

“Mon électorat ne votera pas Marc Pena”

L’annonce surprise d’Anne-Laurence Petel semble avoir inspiré son collègue de la 11e circonscription (Aix Sud-Ouest jusqu’aux Pennes-Mirabeau), le député sortant et candidat MoDem Mohamed Laqhila. Sa troisième place est plus sévère. Avec 26,3  % des suffrages exprimés, il se classe derrière l’ancien maire de Cabriès, candidat RN, Hervé Fabre-Aurespy (38,9 %) et le chef de l’opposition de gauche au conseil municipal d’Aix, Marc Pena (27,5 %). S’il avait d’abord annoncé attendre lundi matin pour prendre la parole, le candidat du camp présidentiel s’est finalement exprimé par communiqué dans la nuit : “Je ne peux me résoudre à leur laisser d’autre choix que les extrêmes au second tour. Mon électorat ne votera pas pour Marc Pena qui représente le Front populaire et l’extrême gauche”.

Résultats de la 11ème circonscription, Aix Sud-Ouest jusqu’aux Pennes-Mirabeau.

Mohamed Laqhila invoque lui aussi la réserve électorale du candidat LR battu : “Avec l’électorat républicain de Fayçal Zerguine, je représente 30,34 % des voix soit trois points de plus que Marc Pena au premier tour”. Selon sa logique, il “demande donc à Marc Pena, pour faire barrage à l’extrême droite, de retirer sa candidature sur la 11e circonscription des Bouches-du-Rhône. J’en appelle à son sens des responsabilités, car s’il se maintient, il portera seul la responsabilité de l’élection du Front national sur notre circonscription”, assume-t-il.

Sans surprise, du côté de Marc Pena, on appelle au désistement du député sortant. “Celui qui a une immense responsabilité c’est Mohamed Laqhila. Ce n’est pas à moi de choisir pour lui. Mais je connais ses valeurs et ses principes. Il ne peut pas se reconnaître dans ce que défend le RN”, analyse le conseiller municipal d’opposition d’Aix-en-Provence devant la presse, depuis l’entrée de l’Hôtel de ville. En seul candidat à “avoir les moyens de battre Hervé Fabre-Aubrespy”, il demande aux maires des différentes communes de la circonscription de se positionner. “Ce soir, je ne représente pas que la gauche, mais un projet de démocratie”, philosophe l’ancien doyen de la faculté de droit.

“Les habitants de cette circonscription veulent du changement et je suis le seul à pouvoir l’incarner. (…) J’invite les électeurs à exprimer un vote patriote”, déclare pour sa part Hervé Fabre-Aubrespy depuis un café d’Aix. Le candidat du RN en profite pour piquer le représentant du Nouveau front populaire : “Marc Pena a probablement plus envie d’être maire d’Aix que d’un siège au parlement”. Il tend également une main au camp présidentiel : “Aux électeurs de Mohamed Laqhila je demanderai « n’avez-vous pas été horrifié par les positions des députés de la France insoumise ? » Voter Marc Pena c’est voter pour Jean-Luc Mélenchon.”  De toute façon, une guerre entre le bloc centriste et la gauche dans des triangulaires sur les deux circonscriptions aixoises pourraient être à l’avantage de l’extrême droite.

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