Trouver un chemin entre colère, peur et raison
Ça aurait pu être n’importe qui. Ça aurait pu être mon cousin, un de mes amis, moi, n’importe qui qui arpente le centre-ville de Marseille. Ça aurait pu être mon cousin, vendredi soir, Boulevard d’Athènes, poignardé par un déséquilibré. Impossible d’imaginer ce qu’aurait pu être mon sentiment. Inutile d’essayer de le faire, ne serait-ce que par respect pour la famille. Alors comment réagir ? Comment réagir après avoir lu et entendu le récit de ce drame plusieurs fois ?
La pulsion impose une certaine violence, je confesse que ma toute première réaction a été la colère, le dégoût. Puis la peur : j’ai pensé à toutes les nuits où j’ai déambulé dans le centre-ville me pensant inatteignable, “l’insécurité c’est bien pour terrifier les vieux, mais moi je suis au-dessus de ça, j’habite ici, je sais que ça va.” Et bé prend ça dans ta gueule ! Ça aurait pu être toi ! C’est tout, c’est écœurant et terrifiant ! J’ai lu çà et là des réactions de ce type, je les comprends, j’y suis passé. Et quand on a peur, on veut être protégé : des caméras ? Des CRS ? Une ZSP ? Tout est bon à prendre, les politiques le savent et ne se sont pas privés d’y aller de leur commentaire protecteur. J’y ai pensé aussi, jusqu’où faudrait-il aller pour éviter ça ? Le peut-on ?
Après les premières pulsions, celui qui a la chance de ne pas porter le deuil d’un proche a un devoir de rationalisation. Ça aurait pu être mon cousin, mais je n’ai pas le droit de m’inventer un deuil qui n’est pas le mien, en revanche, j’ai l’obligation de prendre de la distance, par pudeur et par sens civique.
Prendre de la distance ne veut pas dire refouler, refuser les faits, démissionner ou éluder le problème. Comment peut-on rendre les rues plus sûres est une question tout à fait légitime ! Plus de caméras auraient-elles pu changer quelque chose (à part filmer le meurtre) ? Un agent sur place aurait-il pu modifier l’issue de l’altercation ? Le déséquilibré aurait-il agit de la même manière face à un commissariat ou dans une rue bondée ? Je n’en sais rien mais j’ai bien peur que la solution radicale (si elle existe) n’est malheureusement pas si facile.
Et puis il y a le facteur Marseille, les rues de Marseille sont-elles plus dangereuses qu’ailleurs ? N’ayant que peu d’éléments de réponses mis à part mon sentiment, je me suis lancé dans une triste recherche sur les affaires similaires ces dernières années. Malheureusement, on en trouve partout : à Paris (Belleville, XIIe, XVIe), Lyon, Grenoble, Bourges… pour des histoires plus tristes les unes que les autres : poignardé pour avoir klaxonné, pour voler un portable, pour une dette de 15€… Et alors ? Que ce type de drame ait lieu ailleurs ne retire rien à la gravité de la situation ! Non, mais ça impose encore une fois une prise de recul face au « facteur Marseille ».
Marseille est une ville dangereuse pour les petits trafiquants, mais quelle ville ne le serait pas ? S’il existe une vague de violences, elle n’est surement pas gratuite, elle reste liée à ces trafics qui pourrissent ces cités que nous avons tous abandonnées depuis des décennies. Porter ce fardeau ne nous libère malheureusement pas des violences qui frappent toutes les sociétés : aussi, en plus des règlements de compte, il nous faut souffrir les vols, assassinats, viols… comme toutes les grandes villes de ce monde. Faut-il pour autant abandonner et accepter ces drames ? Sûrement pas, nous devons tout tenter, avec le plus d’intelligence et de raison possible pour mettre le plus de chances de notre côté. Même Singapour, la ville la plus sécuritaire et sécurisée du monde, allie répression, prévention, politiques sociales et éducation !
Que le climat marseillais rende encore plus sensationnel un drame survenu en centre-ville pour les médias, ils sont dans leur rôle et suivent d’autres objectifs qu’un meilleur vivre ensemble, mais nous, qui habitons ici et vivons cette ville tous les jours, nous ne pouvons pas les suivre là-dedans, au risque de s’y perdre.
NB: je réactiverai les commentaires à mon retour de congés.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
La réflexion est très intéressante. Il me semble néanmoins qu’elle occulte le sentiment d’identification qui résulte du jeune âge de la victime et de sa situation socio-professionnelle. Des morts, il y en a eu (beaucoup), il y en aura (encore). Que ce soit un jeune étudiant ou un vieux chômeur.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Certes Marseille est une grande ville qui connait la même violence que les autres, mais ce qui provoque la révolte fasse à ce meurtre, c’est surtout qu’il est eu lieu Bd d’Athène, si je ne me trompe pas, à deux pas du commissariat principal de Marseille. Peut-être que s’il avait eu lieu dans les quartiers Nord, il y aurait eu moins de réaction, c’est dire où nous en sommes…
Se connecter pour écrire un commentaire.