L’association de protection de l’enfance Fouque veut licencier trois syndicalistes
Après une enquête interne, la direction de cette institution marseillaise a lancé trois procédures de licenciements de représentants du personnel. La CGT dénonce "une tentative d'épuration syndicale", à quelques mois des élections professionnelles. Le climat social s'est dégradé depuis plusieurs années autour de plaintes déposées par le syndicat.
Le siège de l'association Fouque, à Mazargues. (Photo : SH)
La CGT Fouque a rameuté des cadres nationaux du syndicat pour hausser le ton. Ce lundi, deux représentants du personnel de cette association de protection de l’enfance dans laquelle près de 600 personnes sont salariées sur plusieurs établissements à Marseille, sont convoqués pour un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Une simple formalité, semble-t-il, puisque le comité social et économique (CSE), dont ils sont membres, a déjà été convoqué pour mercredi en vue de se prononcer sur leur licenciement.
À quelques mois des élections professionnelles dans la structure, la CGT y voit “une tentative d’épuration syndicale”. D’autant plus qu’une procédure équivalente vise Sylvie Didier, syndicaliste FO. Déjà convoquée pendant l’été, cette dernière attend la position de l’inspection du travail, qui doit autoriser le licenciement.
“Je ne me reconnais pas”
Pour motiver cette triple sanction, la direction s’appuie sur une enquête interne confiée au cabinet de conseil Egidio “suite à de nombreuses alertes et plaintes de salariés dénonçant des faits inadaptés et préjudiciables à l’égard d’autres salariés, cadres et non-cadres”, indique à Marsactu le directeur général Vincent Gomez-Bonnet. Il s’agirait donc d’honorer la responsabilité de l’employeur de protéger ses salariés. Selon les éléments dont Marsactu dispose, Egidio a conclu à des “violences psychologiques, voire harcèlement, discrimination, atteinte à la vie privée, injures racistes.” “Je suis choquée par la teneur des accusations, qui relèvent du pénal”, souffle Malika Lassami, l’une des mises en cause. Avec 27 ans de maison, celle-ci “ne [se] reconnait pas du tout” dans le portrait d’une harceleuse instillant la terreur. L’an dernier, elle avait déjà bénéficié d’une mobilisation pour empêcher son licenciement.
Même contestation pour Christian Barbe, salarié depuis 28 ans et représentant du personnel de longue date. Ce dernier est à l’origine de deux plaintes début 2023 contre l’association et ses dirigeants. “Les seules choses qu’on peut me reprocher, c’est d’avoir souligné les dysfonctionnements et d’avoir dit les choses”, considère-t-il, rappelant que les plaintes ont été déposées au nom du syndicat. Quant à Sylvie Didier, quatorze ans au sein de l’association, elle est en arrêt maladie depuis deux ans et avait lancé une procédure aux prud’hommes contre son employeur, notamment pour harcèlement et discrimination syndicale. “Il n’y a évidemment aucun lien avec l’exercice de leur mandat syndical. Les faits reprochés portent sur des agissements individuels”, atteste Vincent Gomez-Bonnet. Il défend les “principes méthodologiques et éthiques éprouvés et indiscutables (entretiens, PV, respect de la parole et de la personne, respect du contradictoire …)” de l’enquête.
Le contenu de l’enquête interne, commandée par l’employeur, n’est accessible qu’à ce dernier. Elle ferait ressortir “une douzaine de victimes potentielles clairement identifiées”. Les motivations communiquées au CSE pour Christian Barbe et Malika Lassami correspondent en partie à une direction malade de ses syndicalistes. Plusieurs cadres se plaignent en effet de la remise en cause apportée à leur travail, jusqu’au directeur de l’institut médico-éducatif Les Écureuils, celui-là même qui convoque le CSE pour donner un avis sur les licenciements, qui évoque un “sentiment de persécution”. Selon les deux élus CGT, ces interventions ne se font que “dans le cadre des réunions CSE”.
Courriers de dénonciation
Autant dire qu’au moins un fait est incontestable : le climat social au sein de cette association plus que centenaire est en ruines. Signe de la défiance qui règne, Christian Barbe a même écrit au procureur pour lui faire part de ses “suspicions d’enquête corrompue” à propos du cabinet Egidio. Une accusation “sans autre étayage”, a apprécié de son côté le cabinet…
Parmi les griefs à l’encontre de Christian Barbe, figure d’ailleurs sa propension à populariser ses critiques en mettant d’autres institutions en copie, dont les financeurs de l’association, dont le budget atteint 32 millions d’euros. L’activité principale de la dizaine d’établissements qui la composent est d’accueillir des enfants et jeunes majeurs, placés au titre de la protection de l’enfance ou handicapés, une politique publique financée par le conseil départemental.
Début 2023, le niveau de dénonciation est monté d’un cran avec deux plaintes successives. Au milieu de sujets multiples comme la gestion immobilière de l’association, elles visent personnellement les rémunérations de l’équipe dirigeante. Comme l’a révélé France info et détaillé Blast, le parquet de Marseille avait ouvert dès septembre 2022 une enquête préliminaire, sur des soupçons de primes irrégulières. “Nous avons effectivement été entendus dans le cadre de cette enquête, déclenchée suite à une plainte de l’un de nos syndicats. Et, sans surprise mais avec satisfaction, elle a été classée sans suite au mois de janvier 2024”, commente Vincent Gomez-Bonnet. Sollicité, le parquet de Marseille n’a pas été en mesure de confirmer cette affirmation dans les délais impartis à la publication. Ce contexte explosif sera prochainement dans les mains de l’inspection du travail, qui dispose du dernier mot sur ces licenciements.
Commentaires
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S’agissant du climat social “en ruine”, on ne peut s’empêcher de penser que la mission d’un syndicat est justement de promouvoir un climat social favorable. En l’espèce, la CGT a manifestement échoué pour la partie qui la concernait. La direction également. Car comme dans un divorce, c’est rarement une des deux parties qui est entièrement responsable.
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Drôle de conception du syndicalisme qui consisterait à graisser la machine et ne pas faire de vagues! Moi qui croyais que la raison d’être des syndicats de salariés (et de patrons, soyons inclusifs) était la défense des intérêts des dits salariés. Ça doit être ça le syndicalisme 2.0
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Justement c est parce que les syndicalistes ont dénoncé des soupçons de détournement d argent qu ils subissent des pressions aujourd’hui
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