Dans le parc des Calanques, le nouveau plan de mouillage peine à sortir de l’eau
Inscrit dans la charte du parc national des Calanques dès sa création en 2012, le nouveau plan de mouillage devait entrer en vigueur en 2024. Si quelques avancées réglementaires sont à noter, la majeure partie des aménagements ne devraient pas sortir de l'eau avant 2026.
Dans la calanque de Marseilleveyre, les bateaux remplissent l'espace au fur et à mesure que la journée avance. (Photo : VA)
Il est 11 h ce samedi dans la calanque de Marseilleveyre quand déjà, une dizaine de navires ont jeté l’ancre. Plus l’heure du déjeuner approche et plus ces derniers se multiplient. Sous l’eau, c’est un ronron de moteurs qui dominent et les nageurs ont plutôt intérêt à lever le nez régulièrement. “Mais, ils ont le droit de se mettre là, les bateaux ?”, se questionne-t-on sur la plage. Une réflexion que les baigneurs qui se jettent à l’eau depuis les plages de Saint-Cyr jusqu’au Frioul se sont sûrement déjà faite. Pourtant, cela fait plusieurs années que la problématique de la surfréquentation en mer, et avec elle, celle de la protection de l’environnement, sont sur la table du parc national des Calanques. Outre le calme dans ces espaces naturels, c’est la protection de la posidonie, cet herbier aquatique, véritable poumon de notre Méditerranée et largement menacé par l’activité humaine, qui en est l’objectif principal.
Le parc des Calanques a ainsi validé en 2020 un schéma global de mouillage afin de réglementer la pression causée par les ancres des bateaux sur la posidonie. “Les discussions ont débuté en 2018 et deux ans de concertation avec près de 200 acteurs s’en sont suivis“, rembobine Julien Tavernier, chargée de mission activité nautique au sein du parc. En 2019, un arrêté de la préfecture maritime actait les objectifs exigeant la préservation de la posidonie. Le projet, inscrit dans la charte du parc dès sa création en 2012, découle d’une directive européenne de stratégie pour le milieu marin de… 2008. Un long processus donc, qui devait aboutir cette année 2024. Mais alors que l’année s’achève dans quelques mois, sous l’eau, les ancres prennent toujours autant de place.
Les premières bouées d’amarrage “pas avant 2026”
Sur le papier, le plan de mouillage est quasiment bouclé. Il comprend un volet réglementaire, mais également des aménagements. En tout, 49 mesures y sont inscrites, dont certaines, phares, comme le recul des zones de mouillage au large, la concentration dans les zones sableuses, le mouillage sur bouées ou encore, l’interdiction dans les calanques emblématiques.
Pour la partie réglementaire, “trois arrêtés ont été pris. Un qui s’applique sur tout le territoire et réglemente le mouillage des bateaux de plus de 24 mètres, les deux autres sont plus locaux”, déroule Julien Tavernier. En effet, depuis mai 2021, les plus gros bateaux (il s’agit principalement de yachts) n’ont plus le droit de jeter l’ancre près du littoral, où se situe la majeure partie des herbiers de posidonie. Les deux autres arrêtés signent eux une interdiction générale de mouillage dans deux calanques emblématiques, très étroites et qui abritent de la posidonie sans zones sableuses : En-Vau et Port-pin. Cette interdiction est en vigueur depuis l’été 2022.
Voilà, pour le moment. Le reste dépend en grande partie d’aménagements, et c’est là que le bât blesse. “En-Vau et Port-Pin sont deux petites calanques et peu de bateaux peuvent y mouiller simultanément. Pour le reste, il faut être en mesure de proposer une alternative”, complète l’agent du parc. Prévus en 2024 à l’origine, les premiers aménagements dignes de ce nom – deux coffres d’amarrage pour la très grande plaisance ont déjà été installés en face de la Ciotat – ne seront pas déployés avant 2026. “Comme tous les projets ambitieux, cela prend du temps. La procédure de concertation notamment, estime Didier Réault avec sa double casquette de président du parc des Calanques et vice-président métropolitain délégué à la mer et au littoral. Il s’agit d’une co-construction avec différents acteurs, dont les collectivités locales, comme les communes et la métropole, mais aussi ceux qui pratiquent, plaisanciers et pêcheurs. Et vous le savez, le diable se cache dans les détails“. Outre la délicate mission du positionnement des zones d’interdiction et des emplacements des bouées désormais tranchée, c’est celle, plus centrale, du choix de l’opérateur pour l’aménagement et la gestion, qui a mis du temps à aboutir.
Crédit carbone
“Le parc n’est pas prioritaire pour gérer cela. Légalement, ce sont les communes et les groupements de communes qui sont censés se positionner“, pose Julien Tarvernier. Or, les collectivités locales ont mis du temps à voir l’intérêt d’un investissement couteux sans retour évident, explique le professionnel de l’environnement. “Nous avons dû continuer à avancer en se gardant la possibilité d’un transfert de maîtrise d’ouvrage, car pendant ce temps, l’herbier se dégrade”, ajoute-t-il. De longues discussions ont ainsi été nécessaires, et notamment, une réflexion sur le modèle financier. La métropole, déjà gestionnaire des ports, a fini par y trouver son compte.
“Il y a eu une réticence administrative à s’occuper d’une nouvelle compétence, concède Didier Réault. Combien cela coûte ? Combien de postes supplémentaires ? Des aménagements de postes sont-ils nécessaires ? Mais la volonté politique a toujours été là.” Concrètement, un modèle économique est désormais sur la table, même si celui-ci n’est pas encore tout à fait bouclé : une grosse part des investissements et des frais de gestion pourraient ainsi être apportés par le privé par le biais de crédit carbone. Plus précisément, il s’agit de participation d’entreprises locales dont l’activité émet du CO2 et qui se voient dans l’obligation de trouver des mesures compensatoires pour pallier cette pollution.
250 bouées et 900 000 euros par an
La méthode a déjà été appliquée. “Interxion, qui a des data center sur le port, a déjà financé une partie des études grâce aux crédits carbone, c’est une première en France”, vante Didier Réault. Tandis que la partie étude s’élève à 400 000 euros, la part d’investissement pour les aménagements – plus de 200 bouées – est elle de 1,8 million d’euros. Un chiffre qui ne prend pas en compte la zone de la Ciotat où 48 bouées supplémentaires sont nécessaires. Mais ce sont bien les frais de fonctionnement qui représentent le plus gros de la facture avec entre 800 000 et 900 000 euros annuels. De quoi payer notamment huit emplois saisonniers et un temps plein à l’année. D’autres entreprises pourraient être intéressées. “En général, les entreprises se retrouvent à financer des actions à l’autre bout de la planète, là, elles auront une opportunité locale, ce qui les arrange pour leur image”, détaille Julien Tavernier. Elles ne seront en tout cas pas de trop pour financer le projet dont l’enveloppe est épaisse. Pour boucler le budget, l’agence de l’eau, la région et le département pourraient également mettre au pot.
il vaut mieux du retard qu’un projet fait à l’arrache”
Richard Hardouin, secrétaire général de l’YCPR
La part de retour sur investissement, elle, devrait être minime. L’amarrage en journée restera gratuit. En revanche, un tarif progressif sera très certainement mis en place pour les nuits passées sur place. “Un peu comme à Port-Cros, où les bateaux de moins de 10 mètres payent 15 euros la première nuit, le double la suivante, le triple la troisième. L’idée est de favoriser le turn-over avec une limite de cinq nuits”, rend compte Julien Tavernier. La surveillance ou encore la sensibilisation pourrait être attribuée à la mairie tandis qu’une application est aussi prévue pour gérer les réservations. “Encore faut-il que la connexion soit bonne, ce qui n’est pas évident dans les Calanques”, fait remarquer Richard Hardouin, président du conseil économique, social et culturel du parc des Calanques, mais également secrétaire général adjoint du Yachting club de la Pointe rouge (YCPR) et lui-même plaisancier. Plutôt favorable au projet, il explique le retard par un “défaut d’organisation financière. Mais il vaut mieux du retard que ce soit fait à l’arrache”, conclut celui qui est également président de France nature environnement dans les Bouches-du-Rhône.
Aujourd’hui, le dossier est enfin en cours d’instruction par les services de l’État. Les premiers aménagements devraient donc voir le jour en 2026, dans la baie de la Ciotat, qui comprend le deuxième plus grand herbier de posidonie des Bouches-du-Rhône après celui de la Côte Bleue. Viendront ensuite les bouées pour Marseille. Encore quelques années, donc, durant lesquelles les baigneurs continueront de se retrouver nez à nez avec des ancres qui arrachent par touffes les posidonies.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Il vaut mieux du retard qu’un projet fait à l’arrache “… Vas y mon gars, prends ton temps, la directive européenne ne datant que de 2008, la nature peut attendre !
Sur la digue extérieure du petit port de Sormiou, bon nombre d’anneaux, de chaînes et de numéros ont été installés à la sauvage, et les bateaux s’y amarent tranquillement en toute illégalité bouchant de fait la petite plage et polluant avec leurs mares d’huile et d’essence. Nous l’avons signalé il y a qqs années mais rien n’a bougé.
Se connecter pour écrire un commentaire.
que veut dire le “mouillage organisé avec aménagement” ? les bateaux à l’est de pomègues venant s’ammarer directement à quelques mètres de la côte, gênant les nombreux baigneurs, et entrainant des tensions. En ont ils le droit ?
Se connecter pour écrire un commentaire.
Il est urgent de prendre son temps les gars ! J’ai questionné les « calanques « il y a deux ans j’attends toujours la réponse. De plus je n’ai aucune confiance dans la bande de l’ycpr, ce monsieur a t’il voté la confiance à son président humaniste ?
Se connecter pour écrire un commentaire.
Il est urgent d’attendre … cela me rappelle quelqu’un.
C’est étrange tout de même que les financements soient trouvés rapidement pour des opération, actions ou investissements toxiques ( je pense à des publicité, des opérat ions marketing pour vendre des produits, des aliments toutes sortes de choses à la consommation très discutable) mais très rentables et que dès lors qu’il s’agit d’un geste pour la nature, l’impact humain etc … ça traîne. Allez savoir pourquoi ?
Une question : 800 000 à 900 000 euros de fonctionnement annuel, notamment en personnel dit l’article pour un permanent et quelques saisonniers ? C’est cher non ? Une fois les bouées posées, il faut de l’entretien certes, mais quand même
Se connecter pour écrire un commentaire.
Des situations à régler en urgence : les mouillages autour de l’Erevine, dans la calanque de Méjean sur la Côte Bleue et plage de l’Arène à Cassis
Se connecter pour écrire un commentaire.
Gestion à la marseillaise du problème : discussions interminables entre une grande quantité d’interlocuteurs pour arriver à un résultat qu’on peut qualifier de “ni fait ni à faire”.
Les zones de mouillage ont déjà reculé, en particulier à Morgiou. C’était évidemment indispensable, aussi bien pour les baigneurs (qui nuisent moins à l’environnement que les bateaux), que pour les herbiers.
Sauf que… et comme le précise bien l’article, aucune bouée de mouillage n’a été installée.
Moralité : Les plaisanciers doivent mouiller plus au large, donc plus profond´´. Au large, il y a plus d’herbiers que de sable. Or les ancres tiennent moins bien dans les herbiers que dans le sable. Donc les ancres chassent. Donc les plaisanciers doivent descendre une plus grande longueur de chaîne et abîment encore plus les herbiers. Cercle vicieux.
Pourtant, et cela l’article le mentionne encore, on sait très bien faire ; c’est le cas à Port Cros où la cohabitation entre les plaisanciers et la nature dans le parc se passe très bien.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Aucune volonté de protéger ce qui peut encore l’être c’est desesperant
Se connecter pour écrire un commentaire.