JO 2024 : t’en souviens-tu, la Seine ?
Il est temps de se réveiller après une quinzaine enchantée à partager émotions, surprises, échecs et accomplissements. Les admirateurs du monde entier garderont le souvenir d’une joie collective et d’un spectacle grandiose. Les Jeux méritent d’être vécus, y compris dans son canapé, et c’est une formidable incitation à l’effort.
Cette chronique s’achève et « Marsactu » est remercié du fond du cœur pour son accueil. Pour un site d’information qui ne s’intéresse pas habituellement au sport, la couverture du passage de la flamme par Marseille et la description du plaisir partagé sur les plages par les observateurs des joutes nautiques valait amplement la lecture et calmait un peu le regret de ne pas être sur place.
Depuis que la cérémonie de clôture a passé son micro et ses projecteurs aux chanteurs et musiciens, un petit air nostalgique nous trotte dans la tête, émergeant parmi les centaines de tubes consacrés à Paris. « T’en souviens-tu la Seine ? », d’Anne Sylvestre, fera sa ritournelle pendant un bon moment.
De quoi nous souviendrons-nous, que va-t-il surnager de ce flot gigantesque d’images et d’émotions ? Les essais de filou marqués par Antoine Dupont dans une discipline, le rugby à VII, qu’il vient de découvrir. La dernière ligne droite de Léon Marchand dans le 200 m papillon, avalée comme un hors-bord. Les travaux de jardinage de Teddy Riner, qui a planté, puis replanté Tatsuru Saito, le chêne japonais qui n’est pas un bonsaï. Les chutes à vélo de Loana Lecomte en VTT, de Pierre Le Corre au triathon, et du relais italien dans l’épreuve de l’américaine (dans un bouquet de gamelles survenues sur la piste). La victoire de Joan-Benjamin Gaba dans la finale du judo par équipes. La maitrise de Nicolas Gestin dans les eaux tumultueuses de son slalom. La vague monstrueuse de Tahiti, et la baleine joyeuse qui s’est mêlée à la compétition. La beauté rayonnante de la sauteuse en hauteur ukrainienne Yaroslava Mahuchikh, de la triathlète Cassandre Beaugrand, de l’heptathlète Nafissatou Thiam, de la gymnaste Simone Biles, de la nageuse Sarah Sjoström, et de tant d’autres championnes. La communion du stade de France devant les tentatives d’Armand Duplantis contre le record du monde du saut à la perche. La tristesse qui a dévasté la judoka Uta Abe après sa défaite qui l’empêchait de défendre son titre acquis à Tokyo. La tension d’après match quand les Français ont battu les Argentins dans le tournoi de football. La promenade des cyclistes sur route dans des hauts lieux du Paris populaire. L’effet rétro imprimé par le Suédois Truls Möregärd face au champion olympique Fan Zhendong, qui a empêché le Chinois de renvoyer la balle. Les deux boxeurs finalistes du tournoi des super-lourds, l’Ouzbek BakhodirJalolov et l’Espagnol Ayoub Ghadfa. Les paniers irréels inscrits par le Français Matthew Strazel contre le Japon, et la Française Marine Fauthoux face aux Etats-Unis. La série, pour lui banale, de quatre paniers à trois points que Steve Curry a réalisée à la fin de la finale de basket…
Recherche purement inepte, on a cherché à en savoir plus sur l’entraineur samoan de boxe, qui est décédé d’une crise cardiaque au village olympique. On a ainsi appris que cette issue fatale est advenue le matin, avant la cérémonie d’ouverture, et que les conditions météo ne pouvaient pas être une explication. Lionel Elika Fatupaito n’était pas un officiel inutile de sa délégation, mais l’entraineur du seul boxeur samoan engagé dans le tournoi des lourds-légers. Ato Plodzicki-Faoagali, dont la mère est polonaise, représentait un sérieux espoir de médaille pour son pays, puisqu’il a obtenu deux fois la médaille d’argent de sa catégorie aux Jeux du Commonwealth (en 2018 et 2022) et deux fois la médaille d’or aux Jeux du Pacifique (en 2019 et 2023). Ce boxeur, dévasté par la disparition de son entraîneur et ami, a envisagé de se retirer du tournoi, puis a accepté les conseils d’un entraîneur de l’équipe de Papouasie-Nouvelle Guinée. Mais il n’a pas pu dépasser le premier tour…
Le quotidien des Jeux foisonne d’histoires analogues, touchantes ou amusantes. C’est un grand bonheur de pouvoir en découvrir quelques-unes. L’avantage d’introduire de nouvelles disciplines dans le programme est de multiplier de telles découvertes, mais toutes ne semblent pas destinées à s’y faire une place durable.
Il faudrait sans doute remplacer le football, dont les dirigeants internationaux torpillent avec constance la participation des meilleurs aux JO pour sauvegarder l’intérêt de leur Coupe du monde, par le futsal qui se joue à cinq dans un espace clos, et donne lieu à des parties plus techniques et plus prolifiques.
La pétanque et les échecs ont leur place aux JO. Ce sont des sports accessibles au plus grand public, et il est incompréhensible de constater que c’est sans doute leur plus grand handicap aux yeux des sponsors.
Dans un autre ordre d’idées, une autre innovation pourrait consister à obliger les dits sponsors à remplir les loges qui leur sont allouées, par exemple en les ouvrant au public qui attend dehors, plutôt que de les laisser vides au grand dégout du public ordinaire.
En quelques mots, on peut féliciter les sportifs français d’avoir choisi de s’exprimer dans un grand nombre de disciplines, ce qui a permis de profiter d’un spectacle varié devant sa TV. En obtenant leurs 15 titres dans 12 sports différents, ils se sont hissés au niveau des deux géants boulimiques : la Chine et les Etats-Unis (40 titres dans 14 sports). Les rivaux des Français dans ce classement inévitable sont un cran plus bas dans leur éclectisme : le Japon (titré dans 7 sports), l’Australie (9 sports), la Grande-Bretagne (11 sports) et les Pays-Bas (7 sports).
Dans une délégation qui rassemblait 573 athlètes (et 51 remplaçants), 168 sont revenus avec une médaille, soit à peu près 30%. Seule l’équipe américaine était plus nombreuse (591) et elle a donc un meilleur ratio de réussite, moins bon toutefois que celui de la Chine, qui n’avait que 400 représentants. Les Allemands se comptaient 468, à peu de chose près comme les Japonais et les Australiens. Les Britanniques, dégoutés par le contenu de leur assiette parait-il, n’étaient que 355, moins que les Italiens (403) et les Espagnols (382). Les Pays-Bas ont fait un bel effort, avec 294 participants, et ils en ont été récompensés.
Le débat va certainement s’installer pour définir les prochaines priorités sportives, et déterminer comment sauvegarder nos disciplines de prédilection (judo, escrime, cyclisme, sports collectifs) tout en développant la maîtrise de nouveaux terrains d’expression. La France a obtenu au moins une récompense dans 27 des 42 disciplines figurant au programme olympique. Elle a une importante marge de progression pour retrouver la place qu’elle a perdue en aviron, gymnastique, haltérophilie, lutte, et surtout tennis. Il faudra pour cela s’inspirer de la réussite de plusieurs pays moins peuplés mais plus sportifs (Australie, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Canada) pour garder l’avance creusée sur les autres rivaux européens (Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne).
La réussite des Français (cinquième au classement général, avec un double record de titres et de médailles) doit plus aux efforts politiques d’accompagnement des élites qu’à l’émergence naturelle de champions dans une société ouverte largement au sport, comme dans les pays de culture anglo-saxonne. Sauf dans les sports collectifs, irrigués par la participation des meilleurs Tricolores aux meilleurs championnats étrangers.
Politique de soutien au haut niveau, ou action résolue pour créer une véritable culture sportive dans la population ? Une piste conciliant les deux politiques mériterait d’être envisagée.
La création de pôles universitaires autour du sport permettrait sans doute de former des médecins, des techniciens et des spécialistes, qui feraient rayonner ensuite leurs savoirs dans un champ bien plus large au bénéfice des populations locales. Par exemple, nous chérissons toujours l’idée d’un véritable campus à l’anglo-saxonne, situé sur le plateau de l’Arbois entre Marseille et Aix, à proximité immédiate de l’aéroport et de la gare TGV. L’équipement phare existe déjà, avec le Stadium de Vitrolles, qui serait enfin réutilisé dans sa vocation initiale. L’INSEP parisien ne pourra accueillir tous les talents à affiner, ni tous les chercheurs spécialisés dans la performance et la recherche fondamentale. Et ils sont très nombreux à vivre dans le sud du pays, sans que leurs compétences soient utilisées comme elles le mériteraient.
La multiplication de sites dédiés au sport de haut niveau, autour d’un CHU ou d’une université, permettrait en outre de former des spécialistes étrangers et d’obtenir, pourquoi pas ?, des financements supplémentaires. La nécessité de mieux accompagner les talents qui se multiplient dans les territoires ultra-marins pourrait aussi susciter la création de tels pôles aux Antilles, à la Réunion, et dans un archipel du Pacifique, s’il est trop compliqué de l’installer en Nouvelle-Calédonie. De tels pôles fourniraient en outre la possibilité d’offrir un avenir professionnel aux ex-champions, en valorisant la compétence qu’ils ont acquise.
Un INSEP du Sud serait un beau projet unificateur dans la métropole Aix-Marseille. L’idée est lancée, comme une colombe dans une soirée olympique.
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