Avec quatre députés sur sept, le Nouveau front populaire s’ancre à Marseille

Reportage
le 8 Juil 2024
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La gauche a remporté dimanche soir deux nouveaux sièges à Marseille. Si l'ancien insoumis Hendrik Davi est facilement réélu, la surprise est venue de Laurent Lhardit. L'adjoint à l'économie fait basculer à gauche une circo ancrée à droite depuis 1978. Ailleurs dans la ville, les duels contre le RN n'ont pas été gagnants.

Laurent Lhardit,du Nouveau front populaire, est élu député de la 2e circonscription. (Photo C.By.)
Laurent Lhardit,du Nouveau front populaire, est élu député de la 2e circonscription. (Photo C.By.)

Laurent Lhardit,du Nouveau front populaire, est élu député de la 2e circonscription. (Photo C.By.)

Laurent Lhardit a gagné. Il est 23 heures et l’annonce officielle relâche la pression chez les militants du Nouveau front populaire qui ont mené sa campagne dans la 2e circonscription de Marseille où il était opposé au candidat du rassemblement national, Olivier Rioult. Lorsque Laurent Lhardit arrive à sa permanence dans le local de l’espace citoyen – la section du PCF du 7e arrondissement dans la rue Tobelem -, il étreint Marie-Hélène Amsallem, sa suppléante. Embrasse tour à tour la sénatrice PS Marie-Arlette Carlotti puis la maire-adjointe Samia Ghali, l’adjointe au social Audrey Garino. Il salue encore les adjoints municipaux Yannick Ohannessian, Patrick Amico, Ahmed Heddadi, Audrey Gatian, Jean-Marc Coppola… Fait un amical coucou à Sophie Camard et Olivia Fortin, respectivement maires Printemps marseillais des 1/7 et 6/8, venues le soutenir durant sa campagne. Et dans son discours, le candidat socialiste victorieux pour le Nouveau Front populaire, remercie aussi Benoît Payan, le maire de Marseille, qui applaudit et scande “Laurent ! Laurent” dans la petite foule des militants.

Ce dimanche soir, à l’heure de la victoire, la célébration autour de l’adjoint à l’économie devenu député a des airs de réunion du Printemps marseillais. Il y a là de nombreux élus mais aussi des militants qui en 2020 ont œuvré pour l’arrivée du Printemps à la mairie. Alexia, qui a fait les deux campagnes savoure : “Ça nous a tous rappelé 2020 et ça nous a fait du bien ! C’est comme un retour de flamme.”

Arrachée au PS par Gaudin, en 1978

Benoît Payan aussi goûte ce succès. Il est “fier”, pose-t-il : “Laurent et Marie-Hélène ont mené un combat courageux dans un endroit où on n’attendait pas le PS, pas la gauche, pas le Nouveau front populaire, pas le Printemps marseillais.”  Le retour dans le giron de la gauche d’une circo –  arrachée aux socialistes par un certain Jean-Claude Gaudin en 1978 – est évidemment cruciale pour l’équipe Payan pour les échéances à venir. Ce dimanche de législatives, il est trop tôt pour en parler, mais nul ne feint de l’ignorer.

Laurent Lhardit va siéger au Palais Bourbon. Propulsé à l’Assemblée nationale “par une mobilisation qui va au-delà de la gauche”, dit-il. “Cette mobilisation tient un peu de l’extension du Printemps marseillais mais elle est aussi le fait de citoyens pleinement conscients qu’un projet comme celui porté par le Rassemblement national est antinomique avec ce qu’est Marseille. C’est un mouvement fort qu’il faut regarder et considérer.” Dans son court discours, griffonné sur un petit morceau de papier, le député dit surtout vouloir répondre aux attentes des citoyens qu’il a croisés ces trois dernières semaines : “J’ai entendu le cri des gens qui avaient peur pour leur avenir dans notre pays”.

La droite qui n’a pas appelé à voter contre le RN a été en-dessous de tout. Il faudra quand même qu’elle clarifie les choses.

Samia Ghali

Pas de triomphalisme, chez le gagnant comme chez ses soutiens. L’annonce de onze députés RN sur seize dans les Bouches-du-Rhône jette un froid. Comme les échecs de Pascaline Lécorché (1ere), d’Amine Kessaci dans la 3ème et de Christine Juste dans la 6ème. Samia Ghali fait part de sa “tristesse” devant ce paysage fracturé : “La droite qui n’a pas appelé à voter contre le RN a été en dessous de tout. Il faudra quand même qu’elle clarifie les choses.” Nombreux rappellent les prises de position claires, notamment de Claire Pitollat, arrivée 3e dans cette circo, Sabrina Agresti-Roubache dans la première, ou le retrait de Lionel Royer Perreaut dans la 6e. Laurent Lhardit, lui, se dit bien conscient qu’il ne faudra pas “décevoir”. Les points d’interrogation qui se profilent –  quel premier ministre ? quel gouvernement ? – viendront bien assez tôt. “Demain est un autre jour”, sourit-il, tandis que la sono crachote Bella Ciao. Ce soir, il prend le temps d’apprécier.

“Le RN progresse partout”

Dans sa permanence, rue Sainte-Cécile, Hendrik Davi fête également sa victoire. Mais, lui aussi, avec modestie. “Sur la circo, on a bien gagné, mais j’ai une pensée pour ceux qui ont perdu, Amine Kessaci, Christine Juste, Pascaline Lecorché, pour Mohamed Bensaada mon ami, qui s’était présenté en 2022, Pierre Dharréville à Martigues… Le RN progresse partout. Le bilan est assez difficile et contrasté à l’échelle des Bouches-du-Rhône”, regrette celui qui a été réélu, dans la 5e circonscription. Parti sans l’investiture de la France insoumise, et faisant face à la candidature d’Allan Popelard du Nouveau front populaire, il rempile avec le score très confortable de 65,9%  des voix. Sur les bancs de l’Assemblée, il retrouvera donc ses anciens collègues LFI, Sébastien Delogu (7e) et Manuel Bompard (4e) réélus au premier tour dimanche dernier.

Pas de liesse, en revanche, à la mairie centrale. L’ambiance est un rien plus crispée. Un peu avant 22 heures, la candidate écologiste de la 6e circonscription Christine Juste, arrive pour suivre le dépouillement. Les premières remontées de bureaux la placent rapidement derrière Olivier Fayssat (RN). L’adjointe à l’environnement attend les résultats définitifs (52, 3% pour le RN, 47,7% pour elle), vers 23h, pour rejoindre son équipe et les militants et constater sa défaite.“C’est moins dur parce que le Rassemblement national n’a pas de majorité à l’Assemblée… On a fait ce qu’on a pu, j’ai doublé le score de 2022” positive-t-elle.

Pas le cœur à la fête

Christine Juste veut vite réfléchir au jour d’après. “On a 12 mois pour montrer qu’on a entendu les citoyens et faire ce que l’on a promis. Si on ne fait pas ça, la digue ne tiendra pas” prévient-elle. Tout comme le maire, elle réclame un changement profond des institutions. “On a un président qui été élu deux fois avec 20-25% des voix. Macron a acté la fin de la Ve République. Il faut la proportionnelle avant 2027″. La fin de soirée sera calme pour l’adjointe qui se voit proposer de rejoindre la fête de Laurent Lhardit, fraîchement élu dans la 2e circonscription de Marseille. Elle qui lorgnait cette circonscription, où elle possède un bon ancrage, ironise : “J’ai le sens de l’humour mais faut pas pousser”.

Amine Kessaci le soir du second tour des élections législatives de Marseille à son QG (Photo : AC)

Dans la 3ᵉ circonscription de Marseille, le suspens a été long pour les soutiens d’Amine Kessaci. Le candidat EELV de 20 ans s’est exprimé à son QG, situé boulevard Burel dans le 14ᵉ arrondissement à trois reprises lors de cette soirée électorale. À chacune de ses prises de parole – la première, tout sourire, la deuxième, le nez sur les résultats, la dernière, actant sa défaite – il cite la secrétaire nationale de son parti Marine Tondelier : “Il ne faut baisser ni les bras, ni les yeux, ni la tête.” Ce n’est que passé 23 heures, au terme de l’ensemble du dépouillement, que la réélection de la candidate RN Gisèle Lelouis est actée avec 835 voix d’avance. Amine Kessaci ne sera finalement pas le plus jeune député élu à l’Assemblée nationale.

Sourire contrit

“Je prends acte de cette demi-défaite parce que ça n’en est pas une”, déclare-t-il à son pupitre, préférant souligner la mobilisation dans sa circonscription et les résultats nationaux que son échec dans les urnes. Requinqués par les discours d’Amine Kessaci et de sa suppléante Katia Yakoubi, les militants sont un peu maussades, mais font bonne figure. “Certains donnent rendez-vous dans dix ans, et nous on vous donne rendez-vous dès mardi”, clame-t-elle pleine d’entrain.

Une réunion est prévue à 18 h 30 au square Léon-Blum pour former des “comités de vigilance” par rapport au Rassemblement national. Amine Kessaci n’a de cesse d’afficher tout au long de la soirée un grand sourire, bien qu’un peu forcé sur la fin. Lui aussi, malgré sa défaite, se projette. Il espère, dit-il, qu’en 2026, pour les élections municipales, l’union de la gauche se fera “dans de bonnes conditions”. Comme à la permanence de Laurent Lhardit, les élections de 2026, si lointaines sur le calendrier, paraissent soudain se rapprocher.

Avec Alexia Conrath et Samy Hage

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Commentaires

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  1. Jean-Cedric Ouachan Jean-Cedric Ouachan

    En faisant un calcul rapide : 1/3 des électeurs Macronistes dans la 1ere et la moitié dans la 3ème ont reporté leurs voix sur le RN. En ajoutant les bulletins blancs on constate que Le message du 1er tour mettant un signe = entre gauche et extrême droite d’Attal et Macron a malheureusement bien fonctionné.

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  2. Philippe Philippe

    la 2ème circonscription n’a pas été à droite depuis 1978. C’est une ânerie de le dire.

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