Nous ne voulons pas d’un pouvoir qui menace notre indépendance et nos valeurs

Marsactu est un journal d’investigation. Un titre de presse singulier qui, depuis 2015, est la propriété de ses journalistes par choix. Son fondement est l’indépendance à l’égard des pouvoirs, qu’ils soient politiques, économiques ou institutionnels et son financement – porté par ses 5000 abonnés – exclut publicités et subventions locales. Ce modèle, unique dans notre région, Marsactu y tient.

Marsactu est également un journal qui s’est construit sur des valeurs de respect de son interlocuteur, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, où qu’il vive. Avec son fonctionnement démocratique, et ses réunions à rallonge où nous adorons refaire le monde, Marsactu ne pourra jamais se reconnaître dans la xénophobie, le racisme, l’homophobie, le sexisme, le mépris social. La stigmatisation d’un individu, d’un groupe social ou d’une communauté.

Le 30 juin dernier, le Rassemblement national s’est imposé comme la première force politique française avec 33 % des suffrages. Il atteint 32 % à Marseille et 45 % dans les Bouches-du-Rhône. Depuis l’annonce de la dissolution, vous qui nous lisez, avez pu constater notre rigueur et notre exigence à documenter cette séquence politique cruciale pour le pays, et peut-être plus encore pour un territoire qui s’est construit sur plusieurs siècles de migrations, sans en taire les moments les plus noirs.

Nous craignons, si l’extrême droite arrive au pouvoir, pour la liberté de la presse en général et celle des titres indépendants en particulier.

 

Nous, les membres de son équipe, journalistes ou non, tous citoyens, ne voulons pas d’un pouvoir qui menace notre indépendance et nos valeurs. Nous craignons, si l’extrême droite arrive au pouvoir, pour la liberté de la presse en général et celle des titres indépendants en particulier qui ne manqueront pas d’être, eux aussi, les cibles d’une politique liberticide. Nous craignons que le secret des sources que requiert notre pratique soit foulé au pied. Nous craignons que se multiplient les procédures-baillons, les pressions, les intimidations.

Ces craintes ne sont pas des hypothèses théoriques. Elles se basent sur ce que nous connaissons de l’extrême droite, dans notre expérience de journalistes et dans celle de nombreux confrères. Le FN puis le RN est le seul parti qui interdit régulièrement à une liste noire de titres ou de journalistes de couvrir ses réunions publiques. Cette campagne a aussi rappelé que ses candidats, y compris lorsqu’ils aspirent à porter l’écharpe tricolore de député, fuient régulièrement les débats et tentent de mener leur campagne sans contradiction, sans journalistes.

Les exemples de plusieurs voisins européens nous enseignent ce que devient cette défiance vis-à-vis de la presse lorsque l’extrême droite arrive au pouvoir. Et la privatisation de l’audiovisuel public défendue par le RN pendant ces législatives n’en est qu’un des aspects. Saluée par Marine Le Pen comme “à la pointe du combat pour la liberté des peuples”, la Hongrie de Victor Orbán a mis la main sur 80 % des médias du pays, multiplié les difficultés pour les médias restés indépendants et surveillé des journalistes avec le logiciel Pegasus. Plus largement, le pouvoir a mis au pas les universités et le secteur culturel, susceptibles d’apporter une contradiction.

En France, dans un pays déjà marqué par des atteintes multiples à la liberté d’informer, déjà doté d’un arsenal législatif susceptible d’être utilisé contre les médias et d’un empire médiatique favorable à l’extrême droite, la bascule vers un régime liberticide ne paraît pas si ardue. Comment alors informer, bien informer, comme Marsactu a à cœur de le faire, alors ? Comment rester cet aiguillon nécessaire à la vie démocratique ?

Nous continuerons de défendre ces valeurs. Et de donner la parole à toutes et tous.

 

Si nous craignons pour la liberté d’informer, nous craignons aussi pour les principes que nous portons : les libertés intangibles, socle de la République, les droits égaux pour toutes et tous, la justice sociale, l’émancipation de chacune et chacun… Des valeurs cardinales d’équité et de considération élémentaire pour l’autre, particulièrement quand il ou elle est vulnérable.

Nous continuerons donc de défendre ces valeurs. Et de donner la parole à toutes et tous.

Depuis sa création, Marsactu ne soutient aucun pouvoir, aucun parti. Notre média a fait de l’indépendance et de la confiance du lecteur sa boussole première. Nous considérons que ce n’est pas notre rôle en tant que journalistes de donner une quelconque consigne de vote, pas plus que nous ne prétendrions, au quotidien, dire à nos lecteurs quoi penser. Notre mission est d’informer : raconter, décrypter, contredire et révéler, le territoire et ses acteurs, pour éclairer les citoyens.

Mais en tant que média, dans la situation actuelle, il est de notre devoir de dire notre opposition à ce qui nous semble menacer les conditions d’exercice de cette mission. Nous l’avons déjà fait par le passé vis-à-vis des pouvoirs locaux ou du gouvernement et nous continuerons à le faire quel que soit celui qui sortira des urnes. La situation nous pousse, de manière inédite, à nous positionner dès avant le vote : dimanche, une majorité pour l’extrême droite serait un résultat funeste pour la liberté d’informer et notre démocratie.