À Allauch, la cause désespérée des macronistes pour battre le député RN sortant

Reportage
le 5 Juil 2024
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Sur le marché d'Allauch ce mercredi, les militants Ensemble étaient à la manœuvre pour tenter de booster la campagne de leur candidate Véronique Bourcet-Giner, dans cette 10e circonscription quasiment acquise au RN. Entre improvisations de dernière minute et tentative de sauver les meubles.

La candidate Véronique Bourcet-Giner entourée de ses soutiens (Photo Grégoire Mothe)
La candidate Véronique Bourcet-Giner entourée de ses soutiens (Photo Grégoire Mothe)

La candidate Véronique Bourcet-Giner entourée de ses soutiens (Photo Grégoire Mothe)

Dans les rues d’Allauch, on ne peut pas la manquer ce mercredi. Toute parée d’orange, des lunettes jusqu’au bout des ongles en passant par la veste, Véronique Bourcet-Giner est en campagne et aux couleurs de son parti, le Modem. Dans ce centre-ville typiquement provençal, où sont tournées les nouvelles saisons de la série télévisée Plus-Belle-la-vie, l’énergique sexagénaire distribue les tracts et tente de convaincre les badauds sur le marché. La candidate Ensemble ! de la 10e circonscription le sait : elle va devoir ferrailler pour ne pas être emportée par le tsunami RN lors du second tour. Alors, elle n’hésite pas à alpaguer les passants avec ses militants et va même jusqu’à glisser malicieusement un tract dans le cabas d’une femme dont les bras sont chargés d’emplettes. Dans cette circonscription largement acquise à l’extrême droite, et où la figure présidentielle honnie a contribué à l’ancrage du parti à la flamme, le combat des macronistes s’annonce très compliqué. Voire désespéré.

Mathématiquement, les chances pour la médecin généraliste de rattraper José Gonzalez, le député RN sortant, sont très minces. Avec 21,5% obtenus au premier tour sur la circonscription, elle est loin des 48,8% du candidat d’extrême droite. Même si elle peut compter sur le report d’une partie des électeurs qui, à 20,8%, ont choisi le candidat Nouveau front populaire, Jimmy Bessaih. Troisième, il s’est désisté à son profit. Elle salue son “choix de l’engagement républicain”, mais le trou à combler reste énorme. Pas de quoi cependant décourager celle “qui veut mettre un point d’honneur à combattre monsieur Gonzalez et l’extrême droite”. Elle parie sur les “indécis, ou sur ceux qui n’ont pas voté au premier tour”, et sur ce qu’elle analyse comme une “dynamique électorale positive”. 

Arrivée en force

Décrédibiliser et “montrer le vrai visage du RN”, c’est le cheval de bataille de la candidate. Elle fustige ainsi le faible bilan parlementaire et “le comportement sexiste”, du député sortant, en faisant référence à l’article de Marsactu paru la semaine dernière. Si un militant tente auprès d’une commerçante des allusions au bilan d’Emmanuel Macron, notamment au “quoi qu’il en coûte” qui a permis à de petits commerces de survivre pendant la crise Covid, il est rapidement recadré. La seule mention du nom de l’actuel président de la République ne joue pas en faveur de la candidate.

Je vais voter pour vous, on n’a pas le choix, il faut faire barrage.

Un électeur de gauche

L’angle d’attaque du jour est clair : mener “le combat de l’universalité républicaine contre celui de la préférence nationale” et tenter de faire bloc avec les autres partis. Un discours qui semble être entendu par plusieurs personnes rencontrées sur le marché. Un électeur de gauche, déçu de ne pas pouvoir voter pour Jimmy Bessaih mais lucide sur le RN, lui lance : “je vais voter pour vous, on n’a pas le choix, il faut faire barrage”. 

Entre les stands, les quelques personnes qui s’arrêtent pour prendre un tract sont souvent des convaincues. Tandis que les autres tentent de se défiler à la vue de la candidate. Et la tâche n’est pas aisée, car la dizaine de militants – “plus que de personnes sur le marché”, rit jaune l’un d’entre eux – qui l’accompagne quadrille les étals et les rues. Une arrivée en force pour convaincre les derniers indécis. Ceux qui tombent dans la nasse ont des faux airs de lapins pris dans des phares d’une voiture. C’est le cas pour cette boulangère qui voit débouler la troupe alors qu’elle prend le soleil sur une chaise devant sa boutique. De nationalité portugaise, elle “ne s’intéresse pas trop à la politique”. Âgée de 70 ans, elle semble plus préoccupée par la reprise de son commerce après son départ en retraite que par les propos polémiques de Jordan Bardella sur la binationalité. Elle accepte tout de même de prendre un tract et de discuter un moment avec la candidate.

TUPPERWARES CONTRE FANTÔMES

Pour ces personnes qui ne votent pas, ou ne savent pas pour qui voter, “il faut faire preuve de pédagogie”, tente Christian Decourt, qui fut attaché parlementaire de l’ancien député écologiste de la circonscription François-Michel Lambert, venu en soutien. Il poursuit : “beaucoup de gens ne comprennent pas vraiment le rôle d’un député. Un maire, on comprend, mais un député, c’est plus lointain… d’autant que celui qui est en poste, on ne le voit pas trop”. Petit tacle au passage pour José Gonzalez. “Un député fantôme”, aux dires des militants. “Qu’on ne voit qu’entre Allauch et Plan-de-Cuques”, renchérit Véronique Bourcet-Ginet. “Moi je suis un peu à l’ancienne, je fais toutes les réunions tupperware !” dit-elle en rigolant.

Le tour du petit marché allaudien est vite bouclé. Signe qu’ils n’ont pas franchement réussi à convaincre, les militants évoquent déjà eux-mêmes la ré-investiture de José Gonzalez. Et blaguent en prenant les paris sur un éventuel nouveau dérapage s’il doit prononcer le discours d’ouverture en tant que doyen de l’Assemblée, comme en 2022. Le groupe décide soudain de poursuivre le tractage au marché de Gardanne, “dans cette campagne raccourcie, il faut aller très vite”, explique Didier Degrois, candidat remplaçant et conseiller municipal de Plan-de-Cuques.

L’équipe y arrive à midi, en fin de marché, où elle a juste le temps de faire un passage entre les exposants qui sont en train de remballer. D’autres tractages auront lieu dans les jours suivants. Et vendredi, l’équipe organise à Gardanne “un rassemblement citoyen, pour tous les maires, tous les élus, tous les habitants contre le RN”, détaille Bernard Fiocchi, ancien attaché parlementaire de Mohamed Laqhila, également soutien de la candidate Ensemble ! Des actions tous azimuts et une certaine forme d’improvisation. Comme une dernière charge désordonnée contre le RN, pour sauver l’honneur dans ce combat presque perdu d’avance.

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