Gabriel Attal et Sabrina Agresti-Roubache au pays du “ni-ni”

Reportage
le 21 Juin 2024
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Ce vendredi, le Premier ministre était en visite à Marseille. Premier point de chute : la permanence de la candidate sortante et secrétaire d'État à la Ville, Sabrina Agresti-Roubache. Plus que sur la sellette, cette dernière et Gabriel Attal ont tenté de draguer les habitants et commerçants de Saint-Barnabé en renvoyant dos à dos l'extrême droite et le Nouveau front populaire.

Sabrina Agresti-Roubache et le Premier ministre Gabriel Attal à Marseille le 21 juin. (Photo : VA)
Sabrina Agresti-Roubache et le Premier ministre Gabriel Attal à Marseille le 21 juin. (Photo : VA)

Sabrina Agresti-Roubache et le Premier ministre Gabriel Attal à Marseille le 21 juin. (Photo : VA)

Elle trépigne sur le bord de la route. Derrière elle, une grosse centaine de militants attendent dans le calme. “C’est bon, mon bandeau est bien mis ?”, demande aux journalistes, taquine, Sabrina Agresti-Roubache, la députée sortante Renaissance de la 1ʳᵉ circonscription des Bouches-du-Rhône, secrétaire d’État à la ville depuis une petite année. Avant de préciser, sérieuse cette fois-ci : “Non mais Gabriel, je le connais bien, depuis longtemps. C’est un ami”. La berline s’arrête à son niveau, et “l’ami” tant attendu en sort d’un mouvement énergique. Sabrina Agresti-Roubache se jette dans les bras de son Premier ministre. “Bienvenue chez moi !”, lui lance celle qui commençait il y a une semaine déjà une timide campagne à marche forcée.

Après les élections européennes, la candidate macroniste de la première circonscription – qui comprend le 11ᵉ et une partie des 10ᵉ et 12ᵉ arrondissements – n’a pas eu le temps de digérer les faibles scores de sa famille politique qu’elle a dû, dès le lendemain, se mettre en ordre de marche. “Vous avez l’air moins inquiète que l’autre fois”, lui lance une journaliste présente à ses côtés lors de son lancement de campagne. Transposés à sa circo, les résultats du scrutin du 9 juin ne présagent rien de bon pour le parti présidentiel : 11 % des suffrages tandis que le RN arrive en tête avec 48 %, et que les listes de gauche s’élèvent à 28 %.

“Je suis la seule à faire campagne, ici. Je trace, je n’ai pas le temps de réfléchir. Si j’ai des cernes, c’est parce que les gens ne cessent de m’appeler. Ils sont effrayés par le RN, mais aussi par les propos antisémites et homophobes, explique la candidate, bien tanquée dans ses pilotis. Je ne me pose pas de questions parce que je suis seule à faire barrage, à l’extrême droite et l’extrême gauche.” Le ton est donné. Si les expressions de la France insoumise sur le conflit israélo-palestinien suffisent au camp d’Emmanuel Macron pour qualifier dans sa totalité le Nouveau front populaire (NFP) d’antisémite, la critique sur l’homophobie fait référence à la déclaration d’un candidat aux législatives… qui n’est pas investi par l’union des gauches, comme le rappelle Libération. Qu’importe, en campagne, pas de temps pour les détails.

“J’en appelle tous les électeurs de gauche”

“Gabriel ! Gabriel ! Gabriel !”, scandent les militants quelques secondes seulement après l’arrivée du Premier ministre. “On veut le voir !”, crie un homme dans la foule. Pas d’estrade ici mais Sabrina Agresti-Roubache a plus d’un tour dans son sac. Elle prend Gabriel Attal par le bras et le fait monter sur l’escalier. Qu’on apporte la sono et le micro. “Nous ne perdrons pas cette circo !, dégaine le Premier ministre. Je rejette les deux extrêmes, l’extrême gauche et ses propos antisémites, l’extrême droite avec ses candidats fantômes qui jouent sur les peurs. Nous, nous n’avons pas peur, car nous sommes unis !” Alternant entre sourires aux caméras et hochements de tête, la candidate lance elle-même les applaudissements pour laisser respirer son patron.

“Le RN alimente le Nouveau front populaire et le Nouveau front populaire alimente le RN”, poursuit Gabriel Attal, qui finit par vanter les mérites du bilan de la majorité en termes de baisse du chômage, sans oublier le plan Marseille en grand. Dernier rappel divulgué à la foule : “Dans un duel Nupes/RN, c’est le RN qui gagne ! J’en appelle donc tous les électeurs de gauche, démocrates, à nous apporter leur soutien, dès le premier tour. On va gagner !”. Mais avant, il faut inverser la tendance. Et la macronie n’a pas lésiné, ce vendredi matin à Saint-Barnabé.

Du bas de l’avenue du même nom jusqu’à l’église du noyau villageois, c’est un bain de foule que s’offrent Gabriel Attal et Sabrina Agresti-Roubache. “Vous les voyez, les autres ici ? Ils ne sont pas implantés. Lui, il vient, il s’occupe de Marseille en grand. Et puis, ce que j’aime aussi, c’est son âge et son énergie”, glisse Claudine, militante de longue date venue du 8ᵉ arrondissement pour voir “Gabriel”. Là-bas, elle votera pour la candidate Renaissance Claire Colomb-Pitollat, même si elle lui préfère “Sabrina”, “plus sympa”.

BeReal et chemises

L’âge et l’énergie du Premier ministre, c’est aussi ce qui séduit nombre de jeunes soutiens de la députée sortante venus voir Gabriel Attal. Celui-ci enchaîne les “BeReal”, tout à fait au fait des usages du dernier réseau social à la mode. Étudiants à Science Po, membres du très select Cercle des nageurs, la jeunesse en chemise qui s’attarde autour de Gabriel Attal est également très masculine. “C’est un jeune qui parle aux jeunes. Il a des projets pour Marseille et nous ouvre des portes. On a besoin de personnes comme ça, et comme Sabrina Agresti-Roubache et Didier Parakian [son suppléant], ajoutent Adam, Léon et Amir, qui ont entre 17 et 26 ans.

Ici, celle qui aime pourtant se présenter comme “une enfant des quartiers pauvres de Marseille” est en son royaume. Sabrina Agresti-Roubache claque des bises à n’en plus finir, appelle les commerçants par leur prénom, fait des signes de la main pour dire aux voisins à leur fenêtre de descendre. Et joue les entremetteuses pour permettre à ces habitants qu’elle tutoie de taper un selfie avec le Premier ministre. “Merci, ministre !”, lance Lucie Agopian pour conclure une séance photo. La quarantaine, elle vit à Saint-Julien et tient un restaurant arménien au Prado, place de l’amiral Muselier. “Sabrina est une cliente régulière, mais au-delà de ça, ce sont les idées qui me plaisent. Ils ont fait des choses ici pour les écoles, pour le travail. Et quand il y a eu le Covid, le président a agi pour que l’on ne ferme pas.”, déroule cette grande dame à l’accent arménien tout de rose vêtue.

“Pas l’impression qu’il y ait Des méchants gauchistes assoiffés de sang”

Boulangerie, fromagerie, écailler, primeur, vendeur de téléphonie… Bras dessus bras dessous, Sabrina Agresti-Roubache et Gabriel Attal ont fait le tour de tous les commerces du côté pair de la rue Montaigne. Malgré les mauvais scores du parti présidentiel aux européennes dans le secteur comme à l’échelon national, rares sont ceux qui osent la critique frontale. En tout cas, du côté des commerçants. Jean-Marc Siatelli, lui, regarde passer le cortège en haussant les sourcils. Il refuse un tract. “Ils sont au pouvoir depuis 10 ans et maintenant le FN est devant la porte. Ils jouent aux apprentis sorciers et à cause d’eux, on se retrouve avec un pays divisé. Ils ne pensent qu’à eux”, s’agace l’homme questionné par Marsactu. Quant à la stratégie de renvoyer dos à dos le RN et le Nouveau front populaire ? “Je n’ai pas l’impression qu’il y ait, comme ils le disent, des méchants gauchistes assoiffés de sang”.

Gabriel Attal, suivi par la secrétaire d’État, dans un commerce du quartier. (Photo : VA)

Récupérer les électeurs de gauche, comme ceux de droite, et d’extrême droite. Bref, ratisser large. L’équipe d’Emmanuel Macron ne compte pas changer de recette, à Marseille comme ailleurs. À une veille dame très inquiète de l’insécurité qui règne “à tous les coins de rue”, le Premier ministre sort sa fiche “300 nouveaux policiers à Marseille”, et Sabrina Agresti-Roubache, elle, n’oublie surtout pas de citer Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur pourtant sur le départ. De quoi se mettre en jambes avant de remonter dans la berline direction le 9ᵉ arrondissement, où le RN a fait 34 % le 9 juin et où un autre sortant, Lionel Royer-Perreaut, espère rempiler. “Il faut qu’ils se dépêchent, après, on va voir LRP”, explique un jeune militant. “Qui ?”, lui répond un camarade. La campagne va être courte, et longue à la fois.

Le RN demande des comptes sur la venue d’Attal
En parallèle de la visite de Gabriel Attal, Franck Allisio, délégué départemental du RN et candidat dans la 12e circonscription (Marignane-Vitrolles), organisait une conférence de presse ce vendredi en fin d’après-midi au local de la fédération du RN du 13. Flanqué de trois autres candidats RN à Marseille –  Monique Griseti (1re), Gisèle Lelouis (3e) et Arezki Selloum (7e circonscription) -, il a fustigé la venue du Premier ministre et a demandé “que l’exécutif prouve que cette campagne ne se fait pas aux frais du contribuable”.
Franck Allisio n’a ensuite pas hésité à ironiser sur la venue de Gabriel Attal, en expliquant que “dès qu’il se rend sur le terrain, il nous donne des voix”, avant de lancer un deuxième appel au gouvernement : “Marseille est la capitale de la fraude électorale. Stop à la magouille, stop au bourrage d’urne. Si la visite du Premier ministre peut avoir un effet, que ce soit au moins celui-là.”
Grégoire Mothe
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Commentaires

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  1. Patafanari Patafanari

    Au lieu de traîner en ville, ils feraient mieux de se montrer sur tique toque.

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  2. PierreLP PierreLP

    Il est tristement navrant de constater la rare ignorance de ceux qui se présentent pour être députés en matière de l’histoire de leur pays.
    Alors donc Les macronistes, qqs rappels :
    – le RN est fils du FN, fondé par qqn condamné pour propos antisémites ;
    – outre ce triste sire, le FN a été fondé au départ par des anciens de l’OAS qui ont notamment tenté d’assassiner de Gaulle
    – on y trouve des anciens collaborateurs ;
    – un fes meilleurs amis de Le Pen, le colonel Scönhuber, était officier SS…

    En face, qu’il y a t-il ? Je n’ai pas souvenance de quoi que ce soit…

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    • Peuchere Peuchere

      Et pour être complet, il a été mis sur orbite par le président socialiste François Mitterrand. En 40 ans, ils sont aux portes du pouvoir. Merci Mitterrand et la gauche

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Il faut évidemment remercier Mitterrand, mais il serait injuste d’oublier Macron dans ces remerciements. D’abord parce que Mitterrand, ça commence à être un peu ancien et que d’autres ont poursuivi son œuvre, y compris et surtout le locataire actuel de l’Elysée ; ensuite parce que ce dernier, en gouvernant par le mépris, par la matraque et par des éléments de langage qu’il lui a empruntés, a donné au RN le
      carburant nécessaire pour franchir le “plafond de verre” dû au scrutin à 2 tours et passer de 8 députés en 2017 à, probablement, plus de 200 dans quelques jours.

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  3. leb leb

    “Le RN alimente le Front Populaire et le Front Populaire alimente le RN” . Heu en fait non, c’est plutôt le macronisme qui en gouvernant envers et contre tout contre le peuple depuis 2017 a ouvert un boulevard hausmannien à l’extrême droite. Quant aux accusations d’antisémitisme chez LFI, franchement c’est d’une telle malhonnêteté qu’on pourrait en pleurer.

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  4. Andre Andre

    Le NFP,.on montage a la va vite, le mariage de la carpe et du lapin pour essayer d’endiguer en catastrophe la montée du RN.
    Mais qui l’a alimentée? Hollande, président honteux et glorieux candidat du NFP, ne s’était il pas inspiré du rapport Terra Nova qui expliquait que la classe ouvrière était perdue pour la gauche et qu’il serait plus utile de draguer les ” minorités”??
    Leb n’a pas tort, le RN et le NFP s’alimentent l’un l’autre. Je dirais même que le RN est un ennemi existentiel pour cette gauche là.
    En effet, je les renvoie dos à dos. Quant aux Macronistes, on n’en parle même plus..
    Pour moi, dimanche, c’est plié,.. j’irai me balader au soleil, d’autant plus qu’ils ont collé un écolo dans ma circo alors que je suis pro-nucléaire.

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    • Mars1 Mars1

      Leb reprenait ce que dit Attal, pour le démentir ensuite.
      Prenez la peine de lire ce qui est écrit avant d’aller vous balader.

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    • julijo julijo

      et bonne promenade, andré ! vous auriez le temps de faire les deux, voter et balader….

      il ne reste plus à vous que d’espérer avoir le bon nom bien français, la bonne couleur de peau, le bon boulot, et aucun besoin de prestations sociales (sécu, écoles, logements, services publics…)…..allez courage !

      j’ai le plaisir, la chance, l’honneur d’habiter dans la 1ere circo ! et la candidate nfp, vient de “place publique”. glucksman n’est pas mon “truc” mais bon.
      agresti roubache, vu les résultats des européennes n’a aucune chance !! le rn a été batu en 2022 de 500 voix….donc on verra au second tour…pour le barrage républicain !

      attal était hier dans mon quartier….il y avait toute une série de “militants” convaincus qui venaient de toute la ville, et qui l’ont suivi dans le 9e arrdt après.
      ces prises de parole sur le “ni-ni” ont eu lieu, mais il a insisté chaque fois sur le danger du programme du nfp….le vrai ennemi ! il a raison en plus, mais ses propos étaient clairs : un seul vrai ennemi pour lui et macron, le nfp !!
      à st barnabé où les électeurs votent à 55 % fn….il a fait un tabac !

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    • Andre Andre

      Une fois de plus mais après j’arrête, on ne combattra pas le RN avec des exagérations que plus grand monde n’écoute. Il y avait d’autres moyens de le faire, mais c’était avant.
      Et pourquoi donc maintenant voterais je pour des partis qui, d’une manière ou d’une autre, ont facilité son ascension et contre lesquels j’ai beaucoup de ressentiment? Je parle bien entendu des partis dits de gauche car de la droite, Macron y compris, je n’ai jamais rien attendu.

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  5. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le “ni-ni” dans les discours seulement. Dans les actes, on voit où va la préférence des macronistes résiduels. Pas vers la gauche, qu’ils appellent “extrême-gauche” comme le fait n’importe quel propagandiste de CNews.

    Quand on donne, à travers la loi immigration, une “victoire idéologique” au RN, quand on reprend le vocabulaire et les obsessions de l’extrême-droite, comme le petit Macron vient de le faire (le programme “immigrationniste” du NFP, le “changement de sexe” – sic ! – en mairie…), quand on dit qu’en cas de duel RN-NFP on fera barrage au NFP (dixit Prisca Thévenot), le seul ni-ni qui apparaît est “ni la gauche, ni la gauche”.

    Pourquoi pas, mais autant avoir le courage de l’assumer – et la décence de ne pas appeler la gauche au “barrage républicain” à l’avenir, évidemment.

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    • julijo julijo

      la quoi ? la décence ????…..m’enfin il n’ont aucune décence avec la masse de mensonges qu’ils balancent.

      gageons que les mêmes qui expliquent le danger des extrêmes, expliqueront bientôt qu’il y en a de plus extrêmes que d’autres, et appelleront au “bon sens” républicain, en plus !
      pas la peine de parier, je suis sur que vous pensez comme moi !

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    • Massilia fai avans Massilia fai avans

      Dans un scrutin uninominal à 2 tours, il est important de regarder qui sont les candidats. Dans cette circonscription la candidate macronistique affronte une candidate place publique, une candidate RN (et d’autres pardon pour eux). LR n’a investi personne. Renvoyer Place Publique a l’extrême gauche est une blague.

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  6. Au Redon Au Redon

    Sabrina Agresti-Roubache ou la macronie en roue libre. Elle nous fait plus de vent que le mistral en été, nous enrhume plus que le vent froid de l’hiver et nous fait prendre les vessies des chèvres du Rôve pour des lanternes des bergers du même endroit. Une grande bouche, une Bouche du Rhône, vé !

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