Déjà visé par la justice, David Bertin poursuit son business dans un immeuble en péril
Depuis le 19 mars, le n°10 du cours Julien est frappé d'un arrêté de péril. Ce qui empêche, en théorie, les propriétaires d'en relouer les logements et de percevoir des loyers. Or, au premier étage, David Bertin et sa compagne ont loué deux appartements après la prise de l'arrêté et coupé l'électricité d'un locataire qui ne payait plus.
L'immeuble se débat avec les arrêtés de péril depuis 2019. Photo : B.G.
Ce mercredi 12 juin, David Bertin doit être fixé sur son sort. Le procureur a requis six mois de prison ferme, pour une affaire de logement indigne dans laquelle il est accusé d’avoir soumis une personne vulnérable à des conditions de logement contraires à la dignité. Lors de l’audience, il a clairement exprimé son mécontentement quand l’avocat de la Ville, partie civile, l’a qualifié à plusieurs reprises de “marchand de sommeil”.
En attendant son jugement, David Bertin continue son activité. Ce que Marsactu a pu constater au numéro 10 du cours Julien, qui s’apparente clairement à de la récidive. Le propriétaire n’est pas un inconnu pour les lecteurs de Marsactu ou de La Marseillaise. En 2019, il a fait plusieurs mois de détention provisoire pour avoir loué à des touristes des appartements dans des immeubles en arrêté de péril. Des faits qu’il a réitérés en 2020, dans un appartement également sous le coup d’un arrêté interdisant toute habitation. Par ailleurs, il est toujours mis en examen dans le cadre d’une affaire où on le soupçonne d’avoir détourné à son profit des subventions de l’agence nationale d’amélioration de l’habitat.
Au 10, cours Julien, il est propriétaire de plusieurs appartements, trois exactement, nés de la division d’un logement qu’il a acquis en 2021. L’immeuble est connu : en janvier 2019, il faisait partie de la vague de périls qui ébranlait toute la ville, après les effondrements de la rue d’Aubagne. La rue Jean-Roque toute proche a longtemps été fermée à la circulation, du fait du grand nombre d’immeubles qui menaçaient de basculer. Au 10, cours Julien, immeuble d’angle avec cette rue, La Marseillaise avait raconté en janvier 2019 comment les copropriétaires se débattaient avec un arrêté de péril.
Ils sont aujourd’hui loin d’être sortis d’affaire, puisque l’immeuble est de nouveau frappé d’un arrêté de mise en sécurité depuis le 19 mars. Celui-ci donne un an aux copropriétaires pour réaliser une longue liste de travaux en raison de nombreux désordres qui continuent d’affecter la cave, les escaliers, la façade et les planchers du deuxième étage. Si l’arrêté ne rend pas inhabitable l’immeuble, il est écrit en gras que les travaux doivent être réalisés avant “toute nouvelle occupation, remise à disposition ou remise en location“. Plus loin, toujours en gras, il est noté : “Les locaux vacants ne peuvent être ni loués, ni mis à disposition, pour quelque usage que ce soit“.
Sa compagne comme propriétaire, ou presque
Pourtant, David Bertin a loué deux appartements qu’il possède au premier étage. Officiellement, il n’apparaît nulle part. Mais, c’est bien à lui qu’ont affaire les copropriétaires lors des nombreuses réunions. Les baux que nous avons pu consulter sont au nom de sa compagne Amandine L.. En revanche, c’est bien son nom à lui qui apparaît à la page de la caution solidaire, sous le terme “le bailleur”.
Dans un appartement d’une pièce, qui donne sur la rue Jean-Roque, les fenêtres sont barrées par des étais. “La propriétaire m’a dit que les travaux étaient en cours et que cela regardait la copropriété“, explique Zoé, la locataire. Lors de la prise de son bail, elle n’a eu affaire qu’à la seule Amandine L. : “J’étais sous pression parce que je vivais dans un immeuble frappé d’un péril et il fallait que je trouve très vite. J’ai donc trouvé cet appartement et j’ai fait la visite toute seule parce que la propriétaire avait son bébé avec elle”. Zoé accepte d’antidater le bail, signé par voie électronique. Elle n’a même pas pu vérifier, dit-elle, l’état des lieux associé au bail. Comme elle, un couple s’est installé dans un autre appartement né du découpage du lot initial. Leurs voisins assurent qu’ils ont intégré leur logement en avril, soit après l’entrée en vigueur de l’arrêté de mise en sécurité.
Les deux appartements que nous avons pu visiter présentent les mêmes caractéristiques. Ils sont loués meublés. L’électricité récemment refaite est distribuée par de gros câbles plastique sans goulottes. Les plinthes n’ont même pas été nettoyées des autocollants initiaux. Les murs ont été hâtivement repeints. Partout, des peintures abstraites signées AR et qui sont, selon les locataires, de la main de la propriétaire. Dans le hall, les trois appartements présentent des boîtiers destinés à la location touristique de courte durée. Une caméra apparaît dans un coin de ce hall qui compte également un étai fiché dans le plafond.
C’est quand j’ai eu la lettre de la CAF que je suis allé voir l’arrêté et que j’ai compris que je ne devais plus payer mon loyer.
Thomas, locataire
Romain* est le locataire du plus ancien appartement des lieux. Lui est arrivé avant la prise de l’arrêté de mise en sécurité. Il a signé le bail avec la même Amandine L.. Il a découvert l’arrêté quand il a reçu un courrier de la Caisse d’allocations familiales lui indiquant qu’en raison d’un arrêté de mise en sécurité, son aide personnelle au logement était suspendue. “J’avais bien vu l’arrêté collé un temps sur la porte mais je n’y ai pas prêté plus d’attention que cela, explique le jeune homme. C’est quand j’ai eu la lettre de la CAF que je suis allé voir l’arrêté et que j’ai compris que je ne devais plus payer mon loyer“.
Selon le jeune homme, sa propriétaire prend l’initiative de l’appeler. “J’ai essayé de lui tirer les vers du nez, mais elle m’a fait comprendre qu’il fallait que je signe un nouveau bail mobilité, en raison d’un changement dans le règlement de copropriété, explique Romain. Par ailleurs, avec ce nouveau bail, mon logement n’était plus éligible aux APL. Je n’ai pas donné suite“. Le jeune homme a également cessé de payer son loyer depuis le mois d’avril comme la loi le permet.
Gros bras et menaces
“À partir de là, les choses ont commencé à se gâter. Un jour où je n’étais pas là, quatre gros bras ont débarqué et ont apostrophé un copain qui était venu chez moi pour garder mon chat. Ils étaient très insistants et voulaient que je paie les loyers“. Le jeune homme s’en tire en promettant de payer le loyer à une date ultérieure. “Un des hommes m’a demandé d’envoyer un SMS à un numéro inscrit dans son répertoire sous le nom David Miracle. Je ne savais pas qui c’était.”
Mais l’homme présent ce jour-là a aussi pris son numéro de téléphone. “Il m’appelait tous les trois jours. Il se montrait très insistant. Et puis à partir du 11 mai, il n’y a soudain plus eu d’électricité“. Le jeune homme prend alors la liberté de se brancher sur l’électricité du couloir et il entreprend d’écrire à sa propriétaire par mail.
Les échanges que nous avons pu consulter sont signés par une certaine Amandine et son adresse email comprend l’initiale de son prénom et le terme “mediato”. Un mot tiré du latin qui apparaît également dans le bail signé par voie électronique par le jeune homme et correspond à l’association Mediato logement. Cette structure est justement citée dans le dossier judiciaire qui pourrait valoir une condamnation à David Bertin.
Privé d’électricité du jour au lendemain
Dans les échanges entre Thomas et sa propriétaire, le jeune homme la met en demeure de lui remettre l’électricité en des termes dénués de toute ambiguïté :
“En tant que propriétaire, vous n’êtes pas sans savoir que couper l’électricité à son locataire est un acte illégal, ainsi que le harcèlement pour demander les loyers. Par le présent mail, je vous mets en demeure de remettre l’électricité dans mon logement sous peine de déposer une requête auprès de la commission de la location immobilière (CLI) qui pourra vous sommer, non seulement de remettre l’électricité mais qui pourra aussi vous contraindre à me verser un dédommagement pour avoir violé mes droits.“
La réponse d’Amandine L. est lunaire. Assortie de nombreux émojis “étoile”, celle-ci lui demande d’arrêter de se mettre à la fenêtre pour fumer ses cigarettes, d’enlever “le tag” favorable à Gaza qu’il a collé sur la façade et de souscrire lui-même un abonnement à un fournisseur d’électricité et internet “car ils ne sont pas compris dans le bail“.
“Mais j’ai signé pour un appartement meublé avec électricité et internet compris pour lequel je paie 800 euros“, s’emporte Romain. Il finit tout de même par tenter de souscrire un abonnement chez un fournisseur d’électricité, mais le technicien lui dit que son appartement ne dispose pas d’un certificat de mise en conformité. Il se tourne de nouveau vers sa propriétaire qui élude à plusieurs reprises et lui intime d’arrêter de se brancher dans le couloir : “Je vous signale qu’il est malaisant de vous brancher sans mon accord à l’électricité de la partie commune“, écrit-elle fin mai. Le câble du couloir finit par être coupé et le compteur électrique est mis hors tension.
Pressions et menaces
En parallèle, le jeune homme est abordé dans la rue par un certain Foued qui se réclame de sa propriétaire. “Il m’a indiqué qu’une voiture était garée devant et que les personnes qui étaient dedans étaient envoyées par mon propriétaire, raconte Romain. Il m’a cité des lieux où j’avais l’habitude de traîner avec mes amis“. Tous les lieux sont exacts et le jeune homme prend peur. Ses parents qui vivent de dehors de Marseille viennent alors en catastrophe le chercher et l’aider à déménager ses affaires.
Jointe par Marsactu, Amandine L. a refusé de confirmer aucun des faits allégués, ni même de son lien avec David Bertin. “C’est une affaire privée qui ne regarde que la propriétaire et son locataire“, argue-t-elle. Avant de mettre un terme à la conversation en nous envoyant “de la lumière et des ondes positives parce que [notre] métier est vraiment difficile“.
* Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressé.
David Bertin nous a fait parvenir ce droit de réponse, le 27 juin 2024.
Nous avons corrigé le pluriel, effectivement fautif, concernant les poursuites pour lesquelles il a été relaxé. En revanche, nous maintenons nos informations sur le rôle actif qu’il joue au 10 cours Julien son nom apparaissant dans des documents à cette adresse.
S’agissant du délibéré rendu le 12 juin 2024 pour une “affaire de logement indigne”, j’étais poursuivi pour soumission d’une seule personne vulnérable (et non “des”) à des conditions de logement contraires à la dignité. Le tribunal correctionnel de Marseille m’a relaxé de ces faits.
Concernant le 10 cours Julien, je suis propriétaire d’aucun logement à cette adresse.
Commentaires
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C’est plus la mafia que juste des copropriétaires véreux…je comprends pas bien pourquoi le Thomas de l’article n est pas allé chez les flics ?
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il a raison bertin, il attend son jugement, personne justice ou police n’intervient, personne ne vérifie si il y a un arrêté de péril, et beaucoup de monde s’en fiche.
lui, en attendant, il fait du fric !
ma foi ! il a du acheter ces endroits pour ça….tout ça reste logique.
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https://www.pappers.fr/dirigeant/david_bertin_1983-11 Jetez un coup d’œil sur la cartographie ( des entreprises) de Monsieur David Bertin.
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outch !!! impressionnant !
et inquiétant quand même.
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Merci. Effrayant en effet. Un couple infernal !
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Ce genre de gars s’il agit comme ça il doit frauder sur plein d’autres trucs. Je comprends pas qu’il se mange pas des contrôles fiscaux.
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