Les chicayas autour du Boulevard urbain sud déballées au tribunal

Actualité
le 12 Avr 2024
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La justice administrative a été de nouveau saisie sur le projet de rocade dans les quartiers Sud marseillais. Au cœur du litige : des parcelles communales, que la métropole veut récupérer pour lancer le chantier, contre l'avis de la Ville.

La fin actuelle du boulevard urbain sud. (Photo : BG)
La fin actuelle du boulevard urbain sud. (Photo : BG)

La fin actuelle du boulevard urbain sud. (Photo : BG)

Dans quinze jours, le boulevard urbain sud relancé ? C’est le délai annoncé par le tribunal administratif ce jeudi, après qu’il a été saisi, encore une fois, sur ce projet routier autour duquel Ville et métropole se déchirent depuis quatre ans. Le chantier de la rocade des quartiers sud est en effet à l’arrêt depuis l’arrivée du Printemps marseillais à l’Hôtel de ville. Un an plus tard, en juillet 2021, la majorité fait même voter une délibération explosive dans laquelle elle renonce à céder à la métropole les terrains municipaux concernés par le projet routier. C’est cette délibération qui a mené les différentes parties devant la justice administrative ce 11 avril, la métropole souhaitant son annulation.

De l’autre côté, la Ville n’est pas en reste. Elle a également saisi le tribunal administratif, aux côtés de l’association SOS nature sud, pour demander l’annulation d’un arrêté préfectoral lui aussi daté de juillet 2021. L’arrêté en question prolongeait de cinq ans la validité de la déclaration d’utilité publique (DUP) du boulevard urbain sud, pour permettre la poursuite des travaux.

Ce n’est pas la première fois que le dossier se retrouve entre les mains de magistrats administratifs. Par deux fois, des recours associatifs avaient tenté d’y mettre un frein. Par deux fois, leurs demandes avaient été rejetées, en première instance puis en appel. Et il se pourrait que l’histoire se répète. Car ce jeudi 11 avril, le rapporteur public du tribunal administratif de Marseille a de nouveau conclu en faveur de la métropole.

L’argument de la Ville “pas juridiquement sérieux”

Le magistrat, chargé d’éclairer le tribunal sur le fond du dossier, évoque d’abord la délibération municipale du 9 juillet 2021, dans laquelle la nouvelle majorité renonce à céder ses parcelles au profit de la métropole, seule compétente en matière d’aménagement routier. “Permettez-moi de regretter que ce litige n’ait pas pu être réglé de façon amiable, mais les enjeux politiques ont des raisons que la raison judiciaire ignore”, lance-t-il en préambule.

Le rapporteur cite ensuite de nombreuses dispositions légales, qui aboutissent toutes au même constat : “depuis sa création, la métropole a une compétence de plein droit sur la voirie. Donc la mise à disposition des parcelles destinées à réaliser le boulevard urbain sud sont un transfert de plein droit.” Autrement dit, selon le magistrat, pas de débat juridique possible là-dessus. Il demande ainsi aux juges d’accéder à la demande de la métropole et de faire annuler la délibération municipale de juillet 2021.

Sur le deuxième volet, celui de l’arrêté préfectoral, le rapporteur s’oppose également au raisonnement de la Ville. “La Ville soutient qu’une nouvelle enquête publique est nécessaire pour mesurer l’impact environnemental du projet”, rappelle-t-il. En effet, la majorité municipale s’inquiète de voir le futur axe routier grignoter deux espaces verts : le parc de la Mathilde, et les jardins familiaux Joseph-Aiguier. Sauf que selon le rapporteur, les considérations environnementales de la Ville se réfèrent à un texte de loi adopté après l’arrêt préfectoral de juillet 2021, et ne peuvent donc pas s’appliquer ici. Le magistrat conclut ainsi que “l’argument de la Ville n’est pas juridiquement sérieux”.

Le “sens de l’histoire”

Et ce n’est pas l’avocat de la métropole, Thomas Poulard, qui dira le contraire. “Quand on a débarrassé ce dossier de sa dimension politique, la question est simple : est-ce qu’une collectivité peut résilier un projet juste parce qu’elle n’est plus en accord avec ? La réponse est non.” L’avocat de la Ville, Jorge Mendes, pense différemment : “en 2020, la majorité municipale change, donc qu’il n’y a rien d’anormal à ce que le débat devienne politique. C’est même légitime de contester un projet lorsqu’on estime qu’il est devenu désuet et qu’il va contre le sens de l’Histoire”, assure-t-il.

Et même contre le sens démocratique, plaide l’avocat de l’association SOS nature, Benoît Candon : “la nouvelle majorité municipale a fait campagne contre ce projet, elle a été élue, les Marseillais ne veulent pas de ce projet ! C’est quoi cette bureaucratie métropolitaine ?”, s’interroge-t-il sans détours. Sur l’impact écologique du futur axe routier, il estime que “les normes ont évolué. Aujourd’hui, ce n’est pas admissible de mener un projet qui n’améliore pas la situation environnementale. Et le préfet aurait dû s’en rendre compte.”

Du côté de la préfecture, un représentant s’exprime très brièvement à l’audience. Selon lui, l’utilité publique du projet n’est pas en débat : “j’ai l’impression que la Ville et les associations refont un peu le match. Pour ma part, je n’ai aucun argument qui accréditerait la thèse d’un abandon de l’utilité publique du projet.”

Dans quinze jours, c’est le tribunal administratif qui tranchera. Si les juges suivent les conclusions du rapporteur public, un nouveau chapitre pourra s’ouvrir pour le boulevard urbain sud. Après la longue procédure d’acquisition des parcelles qui s’annonce, la métropole pourra lancer les premiers appels d’offres de travaux. Enfin, ces quatre ans de blocages n’auront pas été totalement inutiles, puisqu’ils ont permis aux deux collectivités de se mettre d’accord sur un (petit) point : transformer le dernier tronçon vers la Pointe Rouge en “boulevard urbain vert” réservé aux mobilités douces.

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Commentaires

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  1. ALAIN B ALAIN B

    Cet argent serait beaucoup plus utile pour les transports en commun.
    La droite à 20 ans de retard

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    • samatak samatak

      ho oui autrement dit construire POUR la voiture appelle la voiture on en voudra toujours plus pour cet objet malsain

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  2. Stéphane Coppey Stéphane Coppey

    Et l’on transformait ce “boulevard urbain sud” en axe tramway (+ vélos + piétons) en y prolongeant le tramway T3, sans voie routière supplémentaire dans le 8ème arrondissement. et en dissociant, dans le 9ème, les voies tram des voies routères pour ne pas impacter les jardins Joseph Aiguier ?

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    • Sylotte Sylotte

      Je suis d’accord avec vous mais que faire du tronçon entre la fin du boulevard urbain sud actuel et le tramway T3 ?

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  3. BRASILIA8 BRASILIA8

    A l’époque où j’ai travaillé sur le projet le BUS entre Pointe Rouge et Delattre de Tassigny devait avoir une file de circulation+file de transport en commun ( ne pas écrire tramway ) des espaces verts, une piste cyclable, des espaces verts, trottoirs dédiés aux seuls piéton des carrefour à niveau ( pas de rond point)
    en résumé un boulevard urbain type Prado , Michelet mais amélioré
    C’était au siècle dernier

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  4. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Le fonctionnement actuel du Boulevard urbain sud paralyse pendant une partie de plus en plus importante de la journée différents secteurs du 9 ème arrondissement en particulier le boulevard du Redon et le boulevard du Cabot où à certaines heures les véhicules, bus compris circulent à 2 kilomètres à l’heure compte tenu de l’appel créé par le tronçon actuel !

    Le prolongement souhaité par la droite marseillaise renforcera encore davantage l’appel et les véhicules circuleront à 1 kilomètre à l’heure tout autour dans le quartier pour y accéder !!!

    Il faut d’une part de vrais transports en commun comme réclamés à juste titre dans les premiers commentaires, y compris des transports en commun circulant sur le bus actuel et d’autre part il faut revoir l’utilisation du Bus par les véhicules particuliers.

    Les véhicules particulier ne devraient pas pouvoir utiliser le BUS pour des trajets quotidiens mais seulement pour accéder de temps en temps de manière ponctuelle à la L2 ou aux autoroutes. Dès qu’on rentre dans un parking, le système informatique reconnait votre immatriculation. Je plaide donc pour un dizaine d’autorisations par mois pour un usage exceptionnel pour chaque véhicule et de fortes amendes pour un usage abusif au delà, exception faite peut être pour les véhicules d’artisans dument enregistrés et bien sûr les ambulances.

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    • julijo julijo

      oui alors je suis complètement de votre avis.
      j’ai la chance d’habiter près de la sortie de la L2, et depuis donc son ouverture, tous les quartiers, st barnabe, beaumont, fourragère, saint jean du désert….sont impraticables aux heures de pointe, et parfois dans la journée ! la L2 est en plus, assez accidentogène et ça coince tout le sectgeur.

      mais les projets ont toujours été faits dans le sens du tout-voiture ! même si il est vrai que les tc ne suivent pas -évidemment- se serait quand même plus intéressant de faire un projet différent.

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    • Marc13016 Marc13016

      +1
      Révolutionnaire peut être, mais très prometteuse, cette approche à base d’infléchissement du comportement des usagers.
      Transport en commun en usage intensif sur le BUS, bagnole en usage exceptionnel (ou Weekend, ou soirée, enfin, quand ça ne sature pas).
      Probablement la solution pour des utilisations intelligentes des axes de transport.

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  5. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le tribunal administratif jugera en droit, et ne se prononcera pas sur le caractère pertinent ou non de ce projet d’un autre temps.

    J’attends pour ma part avec intérêt de la droite locale, et en particulier de M. Royer-Perreaut, pourquoi les embouteillages qui se forment actuellement en raison de la configuration en cul-de-sac de la L2 disparaîtraient si celle-ci se termine en cul-de-sac quelques centaines de mètres plus loin – voire en cul-de-sac sur le littoral dans le projet initial.

    Chacun sait que les aspirateurs à voitures créent des embouteillages. Seule la droite locale n’est pas encore au courant.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Pardon, quelques mots ont sauté : “J’attends pour ma part avec intérêt de la droite locale, et en particulier de M. Royer-Perreaut, *qu’elle explique* pourquoi…”

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    • Avé Avé

      Effectivement, le TA jugera en droit et au vu des positions du rapporteur et du représentant de la préfecture, le dénouement fait peu de doutes. Maintenant, au-delà du seul boulevard urbain sud, c’est la conception de tous ce boulevards ultra-larges du sud de Marseille qu’il convient d’interroger. C’est moche et absolument pas urbain, on aura beau faire des trottoirs de 20 mètres de large, aucun piéton ne s’y promènera. Même avec des transports en commun (qu’il faut faire) il y aurait une sur-utilisation de la voiture. Il y aura encore des millions et des millions d’euros à dépenser pour restreindre la voirie, favoriser des liaisons un peu amènes pour d’autres que les voitures, inciter à la création d’activités en pied d’immeuble (là où il ne s’agit pas de résidences grillagées), bref, faire enfin une ville à cet endroit

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  6. samatak samatak

    OUi reflechissez-y dnas 20 ans sous 40 degré en plein mois de Janvier des saisons caniculaire demoniaques,de l’eau sera passé sous les ponts pour les presque centenaire mais pas pour nos enfants.
    On pensera à tout ces choix et atermoiement ,oui la justice c’est bien montrez vous les defenseur de la voiture ! mais continuez comme ca !
    On passe pour des rabat joie mais on le vie quand même c’est completement dingue qu’ils ne comprennent toujours pas !

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    • MarsKaa MarsKaa

      Ils prennent leur SUV climatisés, pour aller de leur domicile climatisé à leur bureau climatisé. Ils ne voient donc pas où est le problème.

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  7. kukulkan kukulkan

    contre ce projet aspirateur à voiture !

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  8. Andre Andre

    Depuis des décennies, le phénomène incitatif des nouvelles infrastructures est reconnu mais on continue…
    Au lieu de s’adonner à une fuite en avant automobolistique, la Métropole comme le CG (dont Martine cumule les présidences!) feraient mieux de s’intéresser à l’amélioration des voies rapides existant déjà à la périphérie de Marseille, au Nord comme à l’Est. Je ne citerai que le bd Barnier dans le 15me, qui est juste un égout à voitures. Des projets de requalification existaient il y a vingt ans, tous passés à la trappe.

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    • Regard Neutre Regard Neutre

      @ André,votre commentaire semble exprimer une contradiction en sollicitant le réaménagement des voies structurantes tout en étant, semble-t-il, contre le tout voiture en centre urbain.
      Réaménagées, ces voies rapides existantes en périphérie urbaine peuvent potentiellement favoriser la demande induite, bien que cela dépende de plusieurs facteurs.
      La demande induite se réfère à la tendance des infrastructures routières nouvellement améliorées à attirer davantage de trafic, souvent en raison d’une augmentation de l’accessibilité et de la facilité de déplacement…

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  9. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    En bonne justice l’ensemble des autorisations préfectorales pour la réalisation du Boulevard urbain sud devraient être annulées. En effet le rapport d’enquête de 2015 affirme page 31 : « Amélioration des conditions de desserte et de circulation : La création du Boulevard Urbain Sud permettra une amélioration des conditions de desserte à l’échelle des territoires Sud de Marseille et d’accès aux pôles d’activités existants. Les usagers pourront bénéficier de gains de temps et de confort grâce à l’aménagement de la nouvelle voie. En termes de sécurité routière, le projet apportera également un gain de sécurité pour les usagers. »

    Nous savons qu’il n’en est rien et que la vitesse de circulation dans les voies environnantes est de 2 kilomètres à l’heure à certaines heures de la journée sur des périodes de plus en plus longues y compris parfois le samedi (courses à La Valentine etc.). Le bus 24 (Luminy – Dromel) est lui-même paralysé dans cet embouteillage., un comble !

    La décision d’autorisation a été prise sur un parti pris idéologique de tout voiture et on en subi les conséquences.

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