Quel suivi scientifique pour les rejets en mer d’Alteo ?

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le 11 Mai 2016
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Le premier comité de surveillance et d'information sur les rejets en mer d'Alteo se tient aujourd'hui. Prévu par l'arrêté préfectoral prolongeant l'autorisation de l'usine d'alumine, il réunit une douzaine d'"experts scientifiques et techniques". Ses missions et ses moyens pour contrôler les efforts déployés par l'industriel pour améliorer la qualité de ses rejets sont encore floues.

La bauxite, venue de Guinée, dont est extraite l
La bauxite, venue de Guinée, dont est extraite l'alumine. (Photo d'illustration issue des archives de Marsactu)

La bauxite, venue de Guinée, dont est extraite l'alumine. (Photo d'illustration issue des archives de Marsactu)

“L’odeur ? On ne la sent plus”, assure un des salariés. Ce jour-là, un parfum âcre flotte dans l’air aux abords de l’usine d’alumine de Gardanne. Une usine dans la ville ou une ville dans l’usine. Les bâtiments rouges sautent aux yeux à la descente du train. L’entrée “visiteurs” est à l’opposé, loin derrière. En cet après-midi de mi-avril, c’est opération portes ouvertes ou presque. La direction de l’entreprise a contacté plusieurs journalistes pour leur présenter ses “travaux sur l’amélioration de la qualité du rejet” en mer. Des rendez-vous individuels, agrémentés d’une visite rapide du site en voiture où les tuyaux, les cuves et les camions croisés sont bien plus nombreux que les travailleurs. Étrange impression pour un site qui revendique 400 salariés et 700 en comptant les sous-traitants.

Ce mercredi, c’est au comité de surveillance et d’information sur les rejets en mer (CSIRM) qu’Alteo va présenter les recherches en cours pour réduire les polluants contenus dans l’eau qu’elle continue de rejeter au large de Cassis. Cette contrepartie lui a été imposée par le préfet lors du renouvellement de son autorisation d’exploiter. Afin de rassurer l’opinion publique, deux instances étaient prévues. D’un côté, une “commission de suivi de site” composée d’élus mais aussi de représentants d’associations, dont des opposants. De l’autre, ce CSIRM présenté comme un garde-fou scientifique.

Douze experts nommés par le préfet

Malgré ce rôle crucial, les autorités n’ont pas du tout communiqué sur la naissance de ce comité et sur sa première réunion. Avec un peu de patience, on trouve sa composition et son fonctionnement dans un arrêté en date du 31 mars. Il réunit douze “experts permanents scientifiques et techniques” nommés par le préfet, de la région mais aussi du reste de la France. Les profils sont divers mais tous issus du monde universitaire et de la recherche : professeur en finance, chercheur en aérologie, en océanographie, en écogéochimie.. S’y trouve également la présidente du conseil scientifique du parc national des calanques Denise Bellan-Santini.

Réunion au mois une fois par an

Le directeur de l’entité, ainsi que son homologue de la direction régionale de l’environnement et de l’aménagement (Dreal), siègent en tant qu’observateurs. Un statut que peuvent aussi demander pour une séance les membres d’associations intéressées par la problématique. L’arrêté prévoit également que le CSIRM se réunit au moins une fois par an “à l’initiative de son président, ou des représentants des services de l’État ou du parc national des Calanques”, ainsi que la possibilité de s’autosaisir si les deux tiers des membres l’estiment nécessaire.

Face aux craintes des opposants, ces experts devront faire leur preuve. En effet, l’usine a déjà disposé d’un “comité scientifique de suivi” entre 1994 et 2014, qui n’a pas brillé par l’indépendance et le caractère critique de ses travaux. En 2012, le préfet avait modifié sa composition sur la base “d’incompatibilités éventuelles de deux membres du comité scientifique de suivi avec leurs fonctions”, bref, de conflits d’intérêts.

Comme un symbole, ce premier comité publiait ses rapports sur le site internet d’Alteo. Son successeur aura lui pignon sur Web sur le site du parc national des Calanques. En plus de ses avis et recommandations, on devrait en théorie y trouver les déclarations d’intérêt des membres. Page aujourd’hui introuvable.

Des modalités de travail encore floues

Le caractère des actes rendus par le CSIRM n’est pas précisé dans l’arrêté préfectoral mais il est fort probable qu’ils soient purement consultatifs. Listées dans le document, ses missions semblent pourtant très larges : il devra se pencher sur les “protocoles scientifiques et des calendriers envisagés par l’industriel”, les “effets exercés sur le milieu” par le rejet actuel, en passant par l’étude du “comportement physico-chimiques des boues rouges déversées depuis la mise en service du site industriel et leur impact cumulé avec les rejets autorisés”. La tâche, prise au pied de la lettre, est titanesque.

Mais cinq mois après le renouvellement de la dérogation accordée à Alteo, la mise en route est encore balbutiante. “Je n’ai pas exactement compris ce que l’on attend de nous”, avoue un membre, qui a reçu un ordre du jour ayant tout d’une séance d’installation : premier contact, désignation du président et présentations avec l’industriel. D’autant plus que les moyens qui lui sont alloués pour jouer son rôle de contre-expertise sont inconnus. La question est notamment celle du financement d’études indépendantes. Sous couvert d’anonymat, ce même membre s’interroge sur sa capacité à émettre un avis pertinent sur des domaines d’études qui ne sont pas les siens.

 

A gauche, les cuves contenant la bauxite mélangée de l'eau et de la soude, à droite l'alumine issue de l'extraction

A gauche, les cuves contenant la bauxite mélangée de l’eau et de la soude, à droite l’alumine issue de l’extraction

Le CIRSM ne disposera t-il que des données apportées par Alteo ? Pour l’heure c’est en tout cas l’industriel qui mène la danse. Il a déjà annoncé par voie de communiqué qu’il “présentera son programme de surveillance des effluents liquides en mer pour les années 2016 et 2017” lors de cette première réunion ainsi que son “programme de recherches pour aller encore plus loin dans le traitement des eaux résiduelles”.

Une vidéo du nouveau rejet, bien blanc

Depuis le revers de l’enquête publique et de la polémique médiatique autour de la dérogation dont elle bénéficie, l’entreprise soigne sa com’. Elle a mis en ligne des images sous-marines commandées à l’entreprise marseillaise Comex, mi-avril à la sortie du tuyau. On y voit un panache bien blanc, issu de la formation d’hydrotalcites, réaction chimique entre le rejet et l’eau de mer.

À ce comité, l’entreprise présentera également les tests qu’elle a effectué sur le rejet à la sortie de la station de traitement de l’eau, avant qu’il ne parte à la mer via la canalisation terrestre. Mais pas ceux au débouché du tuyau. Or, la quantité de métaux lourds piégés dans les hydrotalcites qui donnent sa nouvelle couleur au rejet faisait partie des inconnues soulignées lors de l’enquête publique. Le tout prend la forme de graphiques représentants les seuils relevés depuis le début de l’année pour l’aluminium, l’arsenic, le fer et le pH par rapport aux obligations légales auxquelles l’entreprise devra se conformer dans six ans. Une manière de montrer le chemin à parcourir.

Seulement 500 000 euros pour la recherche

Enfin, le comité scientifique sera informé des premières pistes de l’industriel. “Aujourd’hui, la solution idéale n’existe pas, défend le directeur du site Eric Duchenne. On a pas besoin qu’on nous botte les fesses pour avancer”. Étonnant, de la part d’une usine qui savait depuis 1995 qu’elle devait mettre fin à ses rejets… En interne, ce projet est doté d’un budget annuel de 500 000 euros. Pas grand chose par rapport aux 270 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ni par rapport aux 17 millions (dont 5,8 apportés par l’Agence de l’eau) qu’ont couté les filtres-presses qui servent aujourd’hui à isoler et transformer la partie solide des rejets qui constituaient l’essentiel des boues rouges précédemment déversées.

Eric Duchenne précise qu’Alteo “travaille actuellement avec une quinzaine d’entreprises” sur des solutions potentielles. Elle n’hésite plus à mettre en avant ces “partenaires” qui proposent de réduire la pollution via “ozonation hybride“, “double procédé de précipitation et d’absorption sur résine” ou encore “traitement de finition à base d’écorce de bois”. La direction met en avant la “course contre la montre” que représente pour elle ces recherches : “Six ans c’est très court. Dans un an et demi nous devons avoir retenu un procédé pour qu’il soit pleinement opérationnel en 2022”, précise Fabrice Orsini, chef de projet « gestion des résidus » d’Alteo. Et le CSIRM dans tout ça ? “Les scientifiques ne sont pas des ingénieurs”, ironise Éric Duchenne. Le premier contact promet d’être cordial.

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Commentaires

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  1. moon moon

    très interressant et bien illustré Merci mmm

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  2. one live one live

    Un nouveau comité d’experts alors qu’à l’évidence les matières diluées dans les nouveaux rejets seront bien plus mobiles, (vent, courants, navires), que les boues rouges envoyées par le fond. Ces rejets gagneront facilement l’espace maritime du parc, la zone littorale de marseille à toulon et les sites balnéaires.S’ils sont toxiques les conséquences seront effroyables. S’ils ne le sont pas, pourquoi ne pas les épandre à proximité de l’usine ou les enfouir dans les galeries de mines? De plus le démontage de la canalisation facilitera le chantier du val train de la bouilladisse. On ajoute au flou alors que des décisions de bon sens s’imposent pour les déchets de cette entreprise US.

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