Bernard Foccroulle : “Le monde de la culture reproduit les clivages de la société”
Il y a deux mois, le directeur du festival lyrique d'Aix-En-Provence, Bernard Foccroulle publiait une tribune dans Le Monde en réaction au résultat des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il appelle le monde de la culture à faire évoluer ses pratiques et renverser les frontières entre culture et socio-culturel. Grand entretien.
Bernard Foccroulle dans son bureau (dessin d'après croquis de Ben 8)
Commentaires
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Benoît Gilles entrouvre avec délicatesse les portes calfeutrées des coffres forts de la culture. La restitution de son entretien avec Bernard Foccroulle ,remarquablement illustré, nous fait prendre conscience du fossé qui sépare le citoyen lambda du monde de la culture. Merci.
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Remarquablement illustré, oui, notamment par les aquarelles de Ben 8.
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Beau texte qui non seulement donne à espérer qu’il peut y avoir une politique culturelle, mais qui esquisse aussi des pistes issues des propres expérimentations de l’auteur. Poser dans ce texte la Friche et le FN, comme le bien est le mal, me paraît cependant excessif. La question traitée à la fin à propos de l’Enlèvement au sérail de Mozart, relève d’un manichéisme du même ordre. Mais bon, je pense qu’une personne de ce calibre comme responsable de la culture à la région relèverait le niveau et ouvrirait des perspectives.
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Cette prise de position est un bol d’air frais. Mais ne règle rien. On peut avoir à la fois une ouverture d’esprit apparente et en même temps rejeter un artiste parce qu’il est trop “socio-cu”, pas assez “in”. Bref, la prise de position, c’est bien, mais la réalité, c’est que les cultureux sont un peu trop habitués à ne fréquenter que des cultureux. Avec le sentiment sous-jacent qu’ils sont un peu plus intelligents que les autres … Dans ces conditions, difficile d’avoir une position intéressante, pertinente, pointue, sur les évolutions de ce monde et de ses habitants.
Mr Foucrolle soulève très justement la question des écoles artistiques. Combien d’écoles posent clairement et de manière frontale la question du public ? Très peu, la plupart se contentent de former de supers artistes “professionnels”, la fameuse “élite artistique”. Mais ils vont faire quoi , ces super-artistes ? Quel sera leur rôle dans la société ? Les gens aiment les artistes, mails ils attendent de leur part une attention, je dirais même plus une considération. Lorsque Olivier Py, directeur du festival d’Avignon, menace de quitter la ville si celle-ci passe au FN, c’est extrêmement insultant pour les habitants d’Avignon. D’abord, qu’a-t-il fait, lui, Mr Py (et ses prédécesseurs) pour que cela n’arrive pas ? Et puis, cela aurait eu plus d’impact (mais peut-être moins de panache) s’il avait affirmé sa volonté de rester là, quoiqu’il arrive. Moi, j’aurais aimé entendre : “ah oui, c’est comme ça, et bien si vous votez FN, moi je vais venir faire de théâtre en bas de chez vous, dans votre quartier tout mort, tout replié sur lui-même. Je vais pas vous lacher, vous et vos enfants, théâtre au petit déjeuner, à midi et au souper. Et si ça vous emmerde, venez me le dire en face. Ou mieux écrivez-le moi, et en alexandrins svp. C’est quoi un alexandrin ? Et bien venez je vous explique … “. Ca aurait de la gueule, non ? Un peu trop “sociocu”, peut-être …
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« Les gens aiment les artistes, mails ils attendent de leur part une attention, je dirais même plus une considération » (147). Les artistes s’aiment ou se détestent entre eux, le public n’est là que pour justifier des subventions. Ils sacrifient à l’air du temps pour faire de leurs œuvres les objets décoratifs que l’on accrochera ou qu’on posera chez soi pour marquer (faussement) une appartenance au milieu des gens cultivés, comme ceux qui applaudissent au mauvais moment un interprète à la Roque-d’Anthéron, alors qu’il a plutôt mal joué (souvenir d’un concert de Ciccolini).
L’artiste, surtout ceux qu’une formation a fabriqués, ont rarement des racines dans notre époque ou dans notre société, racines qui leurs permettraient de créer à partir de ce lien en dépassant un contexte ou une culture, pour nous laisser des œuvres prémonitoires. Un peu comme Houellebecq, même si tout le monde ne l’aime pas. C’est le français le plus lu dans le monde entier parce qu’il décrit bien notre société et ses contradictions, de mai 1968 aux conflits actuels avec l’Islam, avec des esquisses prémonitoires sur ce qui pourrait se passer ensuite. Il n’y a pas souvent dans le monde culturel subventionné, ceux qui se sont poussés là pour vendre une culture à la population, de ces métaphores prémonitoires qui nous embarquent dans des contrées nouvelles, nous ravissent par une découverte, nous poussent à sortir de nos gonds pour créer aussi là où nous sommes.
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