Avec le temps, la réserve parlementaire devient un message politique
Les gros sabots des députés ne marchent plus sur la cagnotte annuelle de 130 000 euros qui leur est allouée. A mesure que la transparence progresse, certains tentent de passer de vrais messages politiques avec cette enveloppe à l'image de Patrick Mennucci (PS) qui soutient les projets de plus de quarante écoles de sa circonscription.
Flickr/Cati Mayol
Confidentielle il y a quelques années, la réserve parlementaire n’en finit plus de se dévoiler à mesure que la transparence de la vie publique progresse. Et la publication de cette manne distribuée à chaque parlementaire est désormais devenue un incontournable de l’agenda politique. Les premiers concernés ne s’y trompent d’ailleurs plus et tentent d’en faire un message politique. Vous pouvez aisément retrouver les choix des seize députés des Bouches-du-Rhône sur le site de l’Assemblée nationale.
A chaque député ses marottes comme les chrétiens d’Orient avec Valérie Boyer (LR) qui soutient notamment l’association Fraternité en Irak. Christian Kert (LR itou), membre de la commission culture, soutient la télévision associative aixoise Anonymal TV (7000 euros). Après les voitures électriques, le député écologiste de Gardanne François-Michel Lambert met lui l’accent sur la rénovation énergétique des bâtiments notamment dans les communes de sa circonscription.
L’ancien président de la communauté urbaine Guy Teissier (LR) a lui consacré la moitié de son budget à la rénovation du boulevard de Sainte-Marguerite. “La réserve permet d’impulser des projets qui parfois traînent un peu”, expliquait-il récemment en inaugurant le rond-point de Saint-Tronc rénové lui aussi grâce à la réserve. Et puis il y a le socialiste Henri Jibrayel qui reste fidèle à l’association des seniors des 14e, 15e et 16e arrondissements dont les mini-croisières lui valent d’être mis en examen depuis 2014 pour abus de confiance et prise illégale d’intérêts. La justice soupçonne des visées électoralistes dans ces petits tours en bateau. L’an dernier, le député a ainsi versé 60 000 euros pour porter à plus de 200 000 euros l’enveloppe fléchée sur cette association sur les trois dernières années.
Les écoles de Mennucci
Dans ce contexte, certains députés tentent de faire passer des messages politiques avec cette enveloppe. Depuis son élection en 2012, le communiste Gaby Charroux la dédie aux projets des communes de sa circonscription, sans compter la part mutualisée au niveau de son groupe parlementaire. Patrick Mennucci consacre lui un quart de sa réserve parlementaire aux écoles de sa circonscription du centre-ville de Marseille. Plus exactement, c’est aux associations de parents d’élèves ou aux coopératives scolaires qu’est versée une somme forfaitaire de mille euros. “On connaît la situation des écoles marseillaises. Cela permet d’accompagner des projets”, souligne le parlementaire qui a poursuivi cet objectif depuis l’exercice 2013.
Cette année, ce sont 41 écoles qui ont bénéficié de la manne. “Nous avons écrit à tous les directeurs d’écoles, explique la suppléante et assistante parlementaire du député, Nassera Benmarnia. Comme il n’y avait pas forcément d’association de parents d’élèves dûment enregistrée, nous sommes passés par l’Office central de la coopération à l’école (OCCE).”
L’initiative est arrivée jusqu’aux oreilles du maire de Marseille qui a, pour une fois et en son absence, salué l’action de son meilleur ennemi à gauche et opposant lors des dernières municipales. Face à la polémique sur les écoles au conseil municipal, Jean-Claude Gaudin a lâché aux socialistes dont la sénatrice et maire des 15e et 16e arrondissements Samia Ghali : “Vous n’avez qu’à prendre sur votre réserve parlementaire pour donner aux écoles. Certains le font d’ailleurs.”
Patrick Mennucci n’est certes pas le seul à fournir cette aide – Valérie Boyer soutient ainsi deux écoles de son secteur municipal – mais il est le premier à industrialiser le processus. A l’OCCE, on se félicite d’un “coup de pouce bienvenu qui permet notamment d’organiser des voyages de fin d’année ou des classes vertes pour les élèves. Avant, on ne connaissait pas le système mais, depuis lors, des écoles dans d’autres secteurs de la ville tentent leur chance. Une école du 13e arrondissement a ainsi été soutenue par le sénateur Stéphane Ravier.”
Intérêts politiques bien mesurés
L’initiative ouverte aux 56 écoles de la circonscription tranche avec l’usage discrétionnaire habituellement fait de cette enveloppe. Chacun finance des associations de sa terre d’élections qui sont rarement des opposants politiques du parlementaire en titre. On se souvient par exemple du même Patrick Mennucci subventionnant à hauteur de 35 000 euros la troupe de théâtre les Carboni dont le directeur allait quelques mois plus tard animer ses meetings des municipales.
Patrick Mennucci ne cache pas non plus l’intérêt politique qu’il peut tirer d’un tel choix. “Cela nous permet de tisser une relation avec les directeurs d’école. Après quand on cherche des informations sur l’état des écoles en prévision du conseil municipal, on a des retours très rapides”, se félicite-t-il. Et comme pour ses collègues, l’intérêt électoral est lui aussi bien mesuré et affirmé cash : “Dans ma circonscription, il y a 70 000 électeurs. La moitié ne vote pas. Sur les 35 000 qui votent, il me faut 10 000 voix au premier tour. Je fais le pari qu’on trouvera un électorat intelligent qui sera capable de différencier le travail du gouvernement et celui du député.” Dans une circonscription du centre-ville la plus à gauche de Marseille, le pari n’est pas des plus risqué.
Commentaires
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bref, du bon clientélisme. Cette cagnotte est d’un autre temps mais le gros mou et le torero ne feront rien pour que cela change.
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“Je fais le pari qu’on trouvera un électorat intelligent qui sera capable de différencier le travail du gouvernement et celui du député.”
Le travail du député, ce n’est pas de contrôler le travail du gouvernement ? Lui demander des comptes, faire des propositions, lui refuser la confiance en cas de désaccord majeur ?
Ah non, le travail de député c’est de prendre sa petite part du magot d’argent public et d’arroser sa circonscription. Et faire le pari que les électeurs auront la même “intelligence” qu’un député de cet acabit.
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