Estrosi et la SNCF prennent un train de mesures à marche forcée

Estrosi et la SNCF prennent un train de mesures à marche forcée

Pour les TER, Christian Estrosi applique la politique TGV. Trois jours après son élection, le président du conseil régional rencontrait celui de la SNCF. Un mois plus tard, place à la signature face aux flashs, après le vote en séance plénière ce vendredi matin. Ça va changer, promettait-il lors de sa campagne. Et ce dès janvier, à en croire ce visuel posté sur Facebook au lendemain de sa rencontre avec Guillaume Pépy, président de l’entreprise ferroviaire publique :

Visuel posté sur Facebook le 22 décembre.

Mais le temps de la communication n’est pas celui de l’action et l’opposition FN en a fait son miel, par la voix de Philippe Vardon. Ainsi dans le protocole, l’installation de portiques devient “une recherche de solutions innovantes” qui sera suivie d’un “plan d’action pour tester et déployer ces nouveaux dispositifs”. Une bonne partie des mesures du texte restent dans ce flou sur la mise en œuvre, le calendrier ou les financements.

“Un protocole n’est pas un accord détaillé, cela manifeste une intention”, a justifié Guillaume Pépy, invité à la tribune. Le vice-président du conseil régional chargé des transports Philippe Tabarot a annoncé “un avenant lors de la prochaine séance”, qui précisera davantage les choses. Sur certains aspects, le protocole renvoie même au prochain contrat entre la collectivité et la SNCF, qui doit démarrer au 1er janvier 2017.

La région reverse les pénalités aux abonnés

La mesure la plus tangible à ce stade est l’indemnisation des abonnés en cas de retard répétés. La communication régionale simplifie un peu le circuit. L’indemnisation des usagers n’entraînera pas de surcoûts pour la SNCF. Et pour cause : c’est en fait le conseil régional qui en supportera le coût. “Les pénalités que l’entreprise payait, 2 à 5 millions d’euros selon les années, ne seront plus versées à la collectivité régionale mais à l’ensemble des usagers”, précise Christian Estrosi. On comprend pourquoi Guillaume Pépy n’a pas été trop long à convaincre dans le bras de fer un brin surjoué du 22 décembre…

Christian Estrosi et Guillaume Pépy après la signature du protocole.

L’expérimentation de ce nouveau système d’indemnisation du 1er mai au 31 août sur les axes Marseille-Toulon et Les Arcs-Vintimille. La généralisation sur tout le réseau pour les abonnés annuels est annoncée pour la rentrée et en janvier pour les abonnés au mois. Si le protocole se garde bien de préciser les modalités, le dossier de presse avance un remboursement “le mois suivant d’un montant compris entre 20 et 30 % de l’abonnement”. Reste à savoir à partir de quel niveau de perturbation celui-ci sera déclenché.

Côté sécurité, un sujet sur lequel l’élu comme son opérateur ont insisté, l’accélération du tempo est palpable. Même si les deux partenaires ne savent pas encore comment ils se partageront la note (280 000 euros), deux centres de vidéo-surveillance seront intégrés aux gares de Nice et Marseille avant l’Euro 2016. Une clé de répartition (60% SNCF, 40% région) a en revanche été trouvée pour le financement des “deux équipes mobiles d’intervention” (50 agents chacune) recrutées d’ici l’automne.

Menaces sur 29 guichets

La démarche laisse sceptique Gilles Marcel, secrétaire de l’association d’usagers Nosterpaca pour qui ce recrutement “est totalement contradictoire avec ce que fait la SNCF par ailleurs”. Informé par deux syndicats, Nosterpaca a en effet lancé cette semaine un appel pour un “moratoire” sur un plan de fermeture et de réduction d’horaires de guichets et de boutiques. “Avec la loi Notre [de réforme des collectivités, ndlr] la région va être chargée de toute l’organisation de la mobilité et non plus seulement des transports ferroviaires. Alors que l’on devrait renforcer le rôle intermodal des gares, l’usager va arriver dans des lieux où il n’y aura plus personne”, alerte-t-il.

Une préoccupation relayée par Christian Estrosi qui dit avoir découvert ce projet concernant 29 guichets “à [son] arrivée. J’ai demandé un moratoire pour en discuter au cas par cas. Dans certaines communes touristiques des Alpes, cela peut être intéressant là où il y a déjà un office de tourisme et un bureau de poste regroupés.” De son côté, Guillaume Pépy rappelle le cadre : “L’autorité organisatrice, c’est lui. L’opérateur c’est nous. Nous présentons le devis qui correspond au réseau de distribution demandé.”

“Des trains à l’heure, des trains à l’heure, des trains à l’heure”

D’où l’appel de Gilles Marcel d’une remise à plat moins précipitée de cet enjeu majeur : “On continue à être plus dans des postures que dans les dossiers. Nous appelons à faire de la politique autrement, à ouvrir les discussions avec les associations qui portent des choses.” Il conteste en particulier l’importance donnée aux questions de sécurité : “En région PACA, ce discours sécuritaire est décalé. La demande des usagers, c’est “des trains à l’heure, des trains à l’heure, des trains à l’heure””.

Sur ce point, le discours de Guillaume Pépy à la tribune a eu le mérite de la franchise :

“L’année 2015 a été mauvaise avec 82 % de trains à l’heure. (…) L’infrastructure ferroviaire de la région est hors d’âge car dans les années 70, 80 et 90, toute l’énergie a été consacrée au développement du réseau TGV. Nous comptons deux fois plus d’incidents liés au vieillissement dans la région que la moyenne française. Aujourd’hui nous ne sommes plus capables de mettre des trains supplémentaires. À chaque fois qu’on en rajoute, la qualité se détériore. L’axe Marseille-Vintimille est le plus saturé de France. Je vous demande qu’on fasse “mieux de trains” mais pas “plus de trains” pour l’instant.”

Face à cette situation, quelques pistes sont avancées. De nouvelles rames vont arriver, 220 millions d’euros de travaux sont prévus par la SNCF cette année, des études sont menées pour un deuxième centre de maintenance à l’Est pour éviter que les trains encombrent les voies pour venir à la Blancarde, sans parler de la gare Saint-Charles souterraine… Autant de chantiers qui avanceront à la vitesse d’un TER.