Le Printemps marseillais couche sur papier le grand catalogue des ambitions municipales
L'équipe de Benoît Payan vote ce vendredi un plan d'investissement à 1,9 milliard d'euros qui enjambe le mandat suivant. Mais les 304 projets ne sont pas encore chiffrés individuellement ni posés sur un calendrier avec le financement associé.
Benoît Payan lors de ses vœux à la presse le 17 janvier 2023. (Photo : JML)
Un coup d’œil dans le rétro, un autre sur la feuille de route. Depuis la mi-novembre, la majorité municipale fait son bilan de mi-mandat. Trois ans après sa prise de la Ville de Marseille, mettant fin à 25 ans d’ère Gaudin, elle se projette aussi sur le mandat suivant. Soumis au vote au conseil municipal ce 15 décembre, le “plan pluriannuel d’investissement” (PPI) aligne 304 projets jusqu’à 2029, pour un montant cumulé d’1,9 milliard d’euros.
Ce faisant, Benoît Payan se conforme à une recommandation lancinante de la chambre régionale des comptes, dont le rapport de 2019 a servi de bréviaire à la campagne du Printemps marseillais. “Pour avoir siégé dans l’opposition au conseil municipal de Marseille, je peux vous dire qu’une PPI, j’en ai longtemps rêvé et je ne l’ai jamais vue”, souligne la maire-adjointe Samia Ghali. Signe que le sujet est familier pour les élus, nombre d’entre eux continuent à l’évoquer au féminin, “programmation” ayant longtemps tenu la place de “plan” dans la terminologie. “La première vertu de cette PPI est d’exister”, résume l’adjoint aux finances Joël Canicave (PS). “La deuxième est sa sincérité”, poursuit Fabien Perez (EELV). Et pour les trois présidents des groupes de la majorité, la vertu du jour est semble-t-il l’humilité.
Un plan plus littéraire que matheux
Loin de l’élogieux “Marseille est de retour” qui tient lieu de slogan de mi-mandat, ce plan “historique et sans précédent” est posé avec toutes les précautions qui s’imposent. Il faut dire qu’il fait suite à un premier document, le “plan d’investissement pour Marseille” voté en avril 2022, qu’il était censé améliorer. “L’objectif était de faire une PPI. Mais nous l’avons appelé “plan d’investissement pour Marseille” parce que ce n’est pas encore vraiment une PPI”, expliquait à l’époque Joël Canicave.
“On est 18 mois plus tard et on n’y voit pas beaucoup plus clair”, tance Pierre Robin, conseiller municipal d’opposition (LR). Certes, l’élu reconnaît que la précision a progressé sur le plan “littéraire”. Comprenez que le catalogue est passé d’un sommaire de 83 programmes plus ou moins vastes (les 63 millions d’euros dédiés aux parcs côtoyant les 3 millions pour la pose de défibrillateurs) au niveau plus fin de 304 projets. Les parcs se voient ainsi découpés en six programmes (création, rénovation des grands parcs, des squares, plan arbres, fontaines et outillage) eux-mêmes détaillés en une liste d’opérations (le Florence, Campagne-Lévêque, Air Bel, Annonciade, la Martine, Bougainville et les Aygalades pour les créations de parcs)…
Voilà pour les belles lettres. Mais côtés maths, les comptes n’y sont pas, avec des enveloppes souvent globales, jusqu’aux près de 100 millions dédiés aux 11 opérations du plan piscines. L’infographie ci-dessous, qui vous permet de naviguer dans le plan, en témoigne, en ne descendant pas jusqu’au dernier niveau de la bibliothèque de quartier.
Pire, cette vue “macro” selon Pierre Robin n’est désormais plus jalonnée dans le temps, contrairement au précédent opus. “Dès l’an prochain, on pourra faire quelque chose de plus marqué dans le temps, assure Joël Canicave. Cela aurait été risqué de le faire, car on n’avait pas tous les éléments pour cela. Quitte à faire un exercice, autant qu’il soit réel.” Comprenez qu’au plus on reste sur des montants agrégés, au moins on risque de se tromper.
Ces accents de sincérité interrogent en retour sur ce qu’il est advenu des deux premières années du plan d’investissement pour Marseille, qui se targuait de pouvoir offrir cette vision annualisée. En se muant rapidement en PPI, il ne bénéficie d’aucun bilan d’exécution par l’équipe municipale. Mais il est patent que le coup d’accélérateur n’a pas été aussi massif qu’elle l’ambitionnait : les 600 millions d’euros projetés se sont transformés en 400 millions réalisés. Même le montant proposé au vote pour 2024 lors de cette séance du 15 décembre est moins élevé que celui initialement imaginé, d’une vingtaine de millions d’euros.
“En vase clos”
En défense, Joël Canicave en revient à la première vertu de l’existence, déjà porteuse de clarté. “En arrivant, nous avions 5 milliards d’autorisations de programmes, dont beaucoup étaient fantômes, certaines étaient même libellées en francs. On a déjà beaucoup nettoyé.” En arrêtant d’empiler les crédits théoriques, l’administration s’est aussi dotée d’un outil pour “ancrer la Ville dans une trajectoire qui permette de réaliser ses projets”, approuve Mathilde Chaboche, ex adjointe à l’urbanisme qui portait le premier opus. Une nouvelle méthode de travail qui, pour l’heure, ne permet pas à la Ville de dépasser les 70 % de réalisation des montants inscrits au budget.
Aujourd’hui membre critique de la majorité, au sein du groupe écologistes et pluriels, Mathilde Chaboche voit cependant “plusieurs grosses limites” dans l’exercice. “Elle a été travaillée en vase clos, sans les élus. Il est donc difficile d’en faire un document collectif, porté par tout le monde”, estime-t-elle. Les adjoints et conseillers délégués ont bien sûr été associés à leurs périmètres respectifs, avec leur direction rattachée. Mais selon Mathide Chaboche “elle ne pose pas clairement d’orientation. Je ne crois pas au “en même temps”. Si gouverner c’est choisir, ne pas choisir c’est ne pas gouverner. Cette PPI c’est celle du non-choix.” Ce faisant, l’ex-adjointe, au cœur d’une crise politique en mai dernier, renouvelle ses critiques sur la gouvernance municipale, la “difficulté du maire à arbitrer” après un débat des composantes de la majorité.
Ces limites au débat sont également pointées par l’opposition, y compris lorsqu’elle dirige des secteurs. “Pour des adeptes de la démocratie participative, ils auraient pu consulter sur les arbitrages. Le maire de mon secteur [les 11/12] Sylvain Souvestre n’a pas eu de réunion de programmation et l’a découvert comme tout le monde cinq jours avant le conseil. Le débat n’a jamais eu lieu et je crains que ce vendredi, il se limite à dire qu’il n’y avait rien avant, que ceux avant étaient des nuls”, peste Pierre Robin.
Un financement toujours flou
Mais la principale limite est peut-être celle que signalait déjà Joël Canicave en avril 2022 : ce qui manquait au plan d’investissement pour Marseille, pour être digne du sigle PPI, était notamment le plan de financement associé pour tenir les 320 à 330 millions d’euros annuels projetés. Une “vision pluriannuelle des recettes”, traduite dans une prévision d’endettement, qui fait encore défaut, observe Pierre Robin. Des pans entiers de dépenses, en particulier liées au vaste plan écoles en sont aussi exclues. Côté européen, les fonds potentiels sont encore en cours d’évaluation, tandis que les partenaires locaux ont tout juste précisé leurs intentions : niet pour Renaud Muselier, le président du conseil régional, 200 millions à décrocher du côté du département de Martine Vassal. De quoi brouiller la “trajectoire financière”, abonde Mathilde Chaboche, six mois après avoir refermé le dossier mené en tandem avec Joël Canicave.
Là encore, son collègue et président de groupe Fabien Perez, fait preuve de plus de mansuétude, sensible à la logique d’amélioration progressive prônée par Joël Canicave. Malgré son sigle barbare, la PPI “c’est quelque chose de vivant, rappelle l’argentier municipal. Chaque année, nous présenterons dans la même séance que les budgets les avancées de la PPI et nous l’ajusterons”. Une logique qu’accepte Pierre Robin, à condition de “pouvoir observer ces évolutions. Là, on n’a pas la photo de départ. On ne pourra pas avoir de contrôle citoyen ou de l’opposition de cette PPI, puisqu’on ne la connaît pas en fait”. Seule certitude : en devenant moins floue au fil des années, la photo se rapprochera aussi de la fin de mandat. Au point de ressembler de plus en plus à un programme pour le début du suivant.
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