En justice, le fondateur de Rocher Mistral “assume” ses aménagements sans autorisation
Pour avoir fait des aménagements sans autorisations et menacé l'habitat de chauves-souris protégées, le Rocher Mistral et son fondateur, Vianney d'Alançon, comparaissaient en correctionnelle, ce mardi 14 novembre. La procureure a demandé 150 000 euros d'amende à l'encontre de la société.
Les travaux dans le château de la Barben ont attiré l'attention de FNE 13. (Photo : Pierre Isnard-Dupuy).
Sans surprise, Vianney d’Alançon s’est présenté à la barre du tribunal d’Aix en héraut du patrimoine et des emplois, fidèle à l’image qu’il présente dans les médias. Le fondateur de Rocher Mistral, ce parc à thème pseudo historique ouvert depuis l’été 2021 au château de La Barben, revendique la création de 150 emplois et le sauvetage d’un édifice millénaire. “J’ai essayé d’être ingénieux pour que les 1000 ans d’histoire du château de La Barben ne s’arrêtent pas au 21e siècle”, brandit-il dans son costume bleu marine impeccable.
Avec sa société, l’entrepreneur d’origine lyonnaise de 37 ans comparait en correctionnelle ce mardi 14 novembre pour de multiples infractions aux codes de l’urbanisme, de l’environnement et du patrimoine. Et, il “assume la responsabilité” d’avoir fait des aménagements sans avoir obtenu au préalable de l’administration toutes les autorisations nécessaires et sans avoir fourni d’étude d’impact.
Aménagements en zone agricole inondable
En zone agricole inondable, Rocher Mistral a réalisé des parkings, une billetterie, des stands commerciaux, une guinguette, un espace de spectacle et des préfabriqués. Des aménagements portant en partie atteinte aux édifices classés du château et de l’église paroissiale. L’autoproclamé défenseur du patrimoine a en outre fait construire une rampe d’accès et un ascenseur pour les personnes à mobilité réduite dans un espace de ruines sise au château. Enfin, la justice s’intéresse aux impacts sur une colonie de chauve-souris, des murins à oreilles échancrées, présente dans les sous-sols. Les infractions ont été constatées dans plusieurs procès-verbaux des services de l’État transmis au parquet qui a engagé les poursuites. Par ailleurs, la mairie de La Barben, ainsi que l’association départementale France nature environnement (FNE 13) ont déposé plainte.
En soutien de leur patron, plusieurs dizaines de collaborateurs de Rocher Mistral ont fait le déplacement, certains vêtus d’une polaire rouge brodée du logo du parc. La salle est pleine à craquer. Alors que Vianney d’Alançon verse avec persistance dans l’auto-congratulation, le président, Jean-Noël Giacomoni, l’interrompt parfois de remarques piquantes. “Quels sont vos revenus ?”, questionne ce dernier. “L’entrepreneur-châtelain”, comme le qualifie le juge hésite, se tourne vers ses deux avocats et préfère ne pas répondre. “Vous réfléchirez. Je vous demande cela pour savoir où mettre le curseur pour l’amende, à un,deux ou trois millions d’euros”, raille le président. Des heures plus tard, à la même question, Vianney D’Alançon précisera avoir des revenus bruts de 80 000 euros par an.
La faute à la pluie
Propriétaire depuis l’automne 2019, Vianney D’Alançon expose avoir dû prendre des décisions pour la pérennité de son projet à 40 millions d’euros, dont 10,5 millions pour l’achat du site et six millions de subventions publiques accordées avec mansuétude. Les infiltrations d’eaux de pluie dans une toiture et des terrasses fatiguées sont décrites par le trentenaire comme le premier acte de l’“urgence” à engager des travaux.
Vianney d’Alançon dénonce une apathie des services de l’État qui aurait mené son château au naufrage s’il s’était plié aux délais qu’ils demandaient. Même s’il reconnait que l’administration est plutôt dans “une logique d’accompagnement”. Mais “certaines personnes ont mis une obstruction systématique pour que ce site n’ait pas de projet”, déclare le châtelain, en visant en particulier à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Celle-ci défendrait une “doctrine où le patrimoine se muséifie dans le formol”. Lui lutte pour un “patrimoine pour tous qui vit dans son siècle”. Qu’il anime donc de saynètes réalisées par des professionnels et des bénévoles selon une méthode proche du Puy du Fou.
Vianney D’Alançon explique ne pas rechercher le profit pour son projet, encore actuellement déficitaire, mais l’équilibre. “Pour trouver l’équilibre, est-ce que c’est pour ça que vous voulez multiplier les attractions ?”, interroge le président, en référence à la profusion de spectacles, glorifiant des écrivains provençaux ou des figures historiques comme Louis XIV ou Napoléon.
“On peut très bien considérer que vous faites n’importe quoi”
Vianney d’Alançon récuse le terme d’attraction et s’honore d’une œuvre culturelle qui a attiré 10 000 scolaires et 300 000 spectateurs en trois saisons. Tout en concédant délivrer sa vision particulière de l’Histoire. Un pas de côté pour celui qui prétendait jusque-là transmettre l’histoire, avec un grand H, de la Provence. “On raconte une Histoire romancée. Je n’ai jamais prétendu être historien”, expose-t-il. Ses aménagements sont “réversibles”, démontables en “35 minutes”, rassure-t-il.
“Quand bien même ils sont réversibles, ils doivent être autorisés”, cingle la procureure Nathalie Vergez. “On peut très bien considérer que vous faites n’importe quoi, que vous vous fichez pas mal des autorisations. On peut aussi considérer que l’on ne vous aide pas”, feint d’interroger le président. “Le temps de l’administration n’est pas le temps de l’entrepreneur, je me suis retrouvé devant une prise de décision qui était insupportable pour l’économie de mon projet, pour les salariés. Vous voyez la sortie du tunnel et vous savez que si vous ne la prenez pas, ça va être très difficile”, justifie Vianney d’Alançon.
À propos des chauves-souris, il dit avoir “découvert fortuitement leur présence”. Puis avoir procédé à un déplacement de leur gite adapté à la subsistance de la colonie : d’une grande salle aménagée pour un spectacle, à d’autres petites salles interdites au public. Une mesure prise avec le recours technique de l’association spécialisée du Groupe des chiroptères de Provence. Ce qui “constitue une suppression du site de reproduction de l’espèce”, pour Mathieu Victoria, avocat de FNE 13. “La procédure normale, monsieur d’Alançon, c’est de faire une étude d’impact sur les espèces protégées”, informe la procureure. Une demande de dérogation pour la destruction d’espèce protégée déposée en juin 2023 au sujet des murins, “deux ans après les travaux”, résonne pour Mathieu Victoria comme un “aveu judiciaire”.
150 000 euros d’amende
Il réclame 10 000 euros de préjudice écologique, ainsi que 10 000 euros d’intérêts statutaires au bénéfice de FNE 13. Pour sa part, la commune demande 20 000 euros au titre des préjudices écologique et patrimonial, accompagnés de 5000 euros de préjudice moral et de notoriété “parce qu’elle est malmenée par Rocher Mistral qui a régulièrement recours au tribunal médiatique”, détaille son avocate Ericka Jarre. La précédente châtelaine, Ghislaine Pillivuyt, ainsi qu’une riveraine, Sandrine Girod souhaitent aussi des dédommagements au titre de leur préjudice moral dû à un conflit larvé avec les collaborateurs de Rocher Mistral.
Lors de ses réquisitions, la procureure demande 150 000 euros d’amende à l’encontre de la société Rocher Mistral et 20 000 euros à l’encontre de son promoteur. “La peine maximale pourrait être de 112 millions d’euros”, indique-t-elle comme pour marquer une forme de clémence. Tout comme les parties civiles, elle souhaite la remise en état initial des espaces extérieurs et de la salle dans laquelle se reproduisent les chauves-souris sous un délai de huit mois. Sans exécution de cette mesure par Rocher Mistral, des astreintes de 150 euros par jour pour la société et 10 euros par jour pour son dirigeant pourraient être réclamées.
“C’est une réquisition de fermeture. Si la décision est prise d’une remise en état, le projet va s’arrêter là et le parc va fermer”, s’insurge l’avocat de la défense Alexis Chabert. Il demande la relaxe pour “défaut d’intention”, renvoyant la responsabilité sur la longueur du traitement vers les services de l’État. “Si on avait pu régulariser, est-ce que ce dossier aurait fait l’objet de poursuites, je ne suis pas certain”, argumente le conseil de Rocher Mistral. Au bout de huit heures de débats, le juge déclare qu’il rendra sa décision le 13 février 2024. Comme si de rien n’était, quelques heures avant le début de l’audience, Rocher Mistral communiquait sur sa page Facebook le démarrage de la prochaine saison prévue pour le 30 mars.
Commentaires
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un recadrage juridique enfin.
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150 000 euros, c’est un cadeau!
Qui croit qu ‘il gagne 80 000 euros par an??
Si la remise en etat n est pas prononcée- et je pense pas qu’elle le sera- 250 000 euros cest un blanc-seing pour continuer tranquillement.
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2.3 millions d’euros de nos impôts offerts par le département au départ….il aurait tort d’être impressionné le chatelain !
même pas peur pour 250 000 euros.
en plus, ayant eu l’occasion ‘accompagner des “touristes” au printemps, c’est minable son truc, les “saynètes” !!!
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Il y a trop de gens qui utilisent l’expression “j’assume” pour dire “je m’en contrefous”. Et l’exemple vient de haut : il y en a une belle collection au gouvernement.
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Mais pas qu’au gouvernement cher 8eme. Déclaration à Libération de madame Rubirola concernant son duo avec Payan lors de sa démission: «Oui je reste, j’assume, mais on travaille en binôme». Si tu le dis “ma grande “. Dans le même esprit, les sœurs ” Étienne ” alias Vassal & Pila qui elles aussi assument sur la fermeture du métro. L’exemple vient d’en “bas” aussi, si j’ose dire.Pas besoin de monter à Paris .
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J’ai fraudé le fisc mais j’assume. J’ai roulé sans permis, j’assume. J’ai volé ma grand-mère, j’assume, etc. … Cette expression est si pratique qu’on devrait tous l’utiliser, tout le temps. Merci les élus et dirigeants de tout bord de l’avoir popularisée !
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Assez de ces gens faisant n’importe quoi pour le fric alors que le citoyen est emmerdé pour un oui ou pour un non. Remise en état point barre et qu’il se casse.
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