[En campagne] À Vitrolles, le PS se bat avec de vieux démons
Près de vingt ans après son épisode frontiste, Vitrolles est aujourd'hui la plus grande ville socialiste du département. Mais entre les attentats, l'approche de Noël et un candidat peu connu, les militants font le dos rond.
[En campagne] À Vitrolles, le PS se bat avec de vieux démons
Le rendez-vous est fixé place de Provence, siège de la section vitrollaise du PS. C’est du moins son nom depuis 1997 et le passage à la mairie du couple Mégret (Front national puis MNR). Comme d’autres rues dont l’appellation déplaisait à l’extrême-droite, la place Nelson-Mandela a alors été rebaptisée pour mieux coller à l’“enracinement provençal” du lieu.
Si elle est symbolique, l’anecdote colle bien à la gestion FN pour le maire socialiste Loïc Gachon : “Un mélange d’idéologues et de fous furieux.” À l’approche du scrutin régional, l’arrivée probable en tête du premier tour de la liste de Marion Maréchal-Le Pen réveillera de vieux souvenirs. “Ce qui est étonnant, c’est que les gens oublient vite, il a fallu plus de 10 ans pour que la ville s’en relève, notamment le tissu associatif”, souligne Alain Arezki, adjoint délégué à l’emploi et la formation.
“Pas la tête à ça”
En ce mardi matin, jour de marché, Marie Ebajian-Genty n’a pas le temps de s’étendre sur ces enjeux. Tracts en main, cette militante décrite comme infatigable par ses camarades va à l’essentiel : “allez voter”, “c’est dimanche”, “socialiste”. De temps à autre, elle fait appel à sa connaissance de l’arabe, voire du turc, pour faire passer le message. Mais la plupart des Vitrollais retournent vite à leurs achats. “Ils ne parlent pas beaucoup, ce qui n’est jamais bon signe, constate Marc Grand, dans le local où s’étalent les coupures de presse. La campagne a été très perturbée par les attentats. Déjà que c’est difficile de mobiliser sur une élection régionale, mais parler des trains qui arrivent ou non à l’heure, de formation professionnelle ou des lycées, c’est un peu décalé par rapport aux réalités que nous vivons (…) Il faut s’accrocher pour aller tracter, boîter…”
Une analyse partagée par le maire, mais pour des raisons différentes. Il est venu observer l’arrivée de l’impressionnant sapin sur la place de l’hôtel de Ville, voisine de la place de Provence où les services municipaux sont affairés à installer le marché de Noël. “J’ai fait le marché dimanche matin avec Vincent Burroni, le député de la circonscription. Ce n’est pas hostile, mais les gens n’ont pas la tête à ça. C’est très compliqué d’aborder le sujet électoral, la période de décembre ne s’y prête pas du tout.” Traditionnellement, les régionales ont lieu en mars et aucune autre élection n’est organisée en fin d’année. “Je sens une envie de se retrouver, de se réchauffer, pas de cliver. Or, pendant une campagne électorale, il faut forcément à un moment tacler l’adversaire”, poursuit Loïc Gachon.
Électorat populaire
En ce mardi 1er décembre, il anime une réunion publique dans le quartier des Pinchinades, “typique de la ville nouvelle des années 70/80, un des derniers qui vote encore à gauche”, glisse Marc Grand. “L’objectif n’est pas de convaincre, mais de mobiliser les nôtres pour qu’ils y aillent à fond dans les jours qui viennent pour essayer d’enrayer la défaite annoncée, développe Loïc Gachon. Une fois qu’on a regardé les sondages, il faut faire une grosse boule de papier avec et les mettre à la poubelle.”
Mobiliser, ça passe par les réseaux sociaux, les mails, le téléphone, “le marché n’est qu’un des éléments”, rappelle Alain Arezki. Mais c’est l’occasion pour notre militante de croiser une connaissance, avec qui elle se permet d’insister, voire de régler des questions de procuration. Pour d’autres, elles ne prend pas la peine de gaspiller un tract. “Lui c’est le FN”, glisse-t-elle. Le parti lepéniste ne regroupe localement que “quelques militants, rien à voir avec leurs scores”, précise Marc Grand, ancien premier adjoint de Jean-Jacques Anglade, maire PS de 1983 à 1997, juste avant Mégret donc.
“Ici, c’est un électorat très populaire, avec 35% de logements sociaux. Il n’y a pas de bourgeoisie à part autour du village, mais sinon ce sont surtout des professions intermédiaires”, décrit Marc Grand. Entre absence d’ancrage de la droite et perte d’influence de la gauche chez les classes populaires, cette sociologie constitue pour lui un terreau favorable au vote FN. “Et puis à un moment donné, on est rattrapé par une réalité nationale”, souffle-t-il.
Castaqui ?
Le contexte local n’est pas non plus très propice. Certes, “le maire affiche son engagement et c’est important”, note Alain Arezki. Mais sous les arcades autour de la place de Provence les rares Vitrollais à entamer un échange avec Marie Ebajian-Genty lancent immanquablement un “C’est qui ?”. “C’est Castaner”, répond-elle. “Oui mais c’est qui ?” Un socialiste, pardi. “On essaie autant que faire se peut d’asseoir sa notoriété”, assure Alain Arezki, pas convaincu par celle de la tête de liste du département venue du Front démocrate. “Christophe Madrolle ? Il est connu à la Plaine.” Il fait en revanche un bon retour de la venue de Christophe Castaner, fin octobre. “Son parler vrai touche.”
Pas sûr que cela suffise à retourner le contexte national évoqué par Marc Grand. “On n’en veut plus des comme ça, on voit où ça nous mène”, s’entend répondre Marie Ebajian-Genty sur le marché. “Je vote, mais pas socialiste. On en a eu assez”, lui lance une foraine. Accoudé à un stand, son cabas en main, un quinqua vitrollais commente : “La seule chose que je ne veux pas, c’est que le FN passe. Ils ont fait assez de mal à la ville. Soi-disant que c’est plus les mêmes, mais on sait bien que non.”
Pour Loïc Gachon, les Vitrollais ont “globalement oublié” cette période frontiste. “Mais il y a quand même encore des forces à l’œuvre, c’est une ville qui résiste mieux qu’ailleurs.” Il rappelle que lors des élections départementales, après l’arrivée en tête du binôme FN et l’élimination au premier tour du tandem qu’il formait avec la candidate du parti de Guérini Véronique Bourcet-Giner, les électeurs se sont massivement reportés vers la droite au second. Le binôme Les Républicains a gagné 36 points et l’a finalement emporté. Croisant la distribution de tracts que nous suivons, un jeune lâche à toute vitesse mais le menton haut : “Moi c’est Marine !” On ne peut pas lui reprocher d’avoir oublié l’époque Mégret, lui qui n’était alors même pas au collège…
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
on prends les memes et on recommance
genty grand ceux qui nous ont menés ds le mur
belle lurette que j’ai quitté ce nid de guepes
Se connecter pour écrire un commentaire.