Pour verdir Marseille, la mairie a 300 000 plants

Décryptage
le 10 Fév 2023
15

Ce vendredi, le conseil municipal vote une délibération actant un "plan arbres" d'une durée de six ans, pour 16,9 millions d'euros. Si les financements restent à trouver, la méthode est elle aussi encore à étoffer.

Le parc de la porte d
Le parc de la porte d'Aix en 2021. (Photo : LC)

Le parc de la porte d'Aix en 2021. (Photo : LC)

Des arbres partout et par milliers. C’est ce que promet l’ambitieux projet présenté ce vendredi matin en conseil municipal. Au total, ce sont 308 000 arbres et arbustes qui doivent être plantés dans la deuxième ville de France, d’ici à 2029. Pour ce faire, la mairie prévoit un investissement de 16,9 millions d’euros.

“Alors que la sécheresse et la canicule ont sévi cet été, la végétation arborée et arbustive est une réponse concrète et immédiate, qui permet d’agir sur plusieurs effets du changement climatique : rafraîchissement de l’air, reconquête de la biodiversité, dépollution de l’air, apaisement de l’espace public”, lit-on dans la délibération soumise au vote ce jour. Où ? Quand ? Comment ces “plants forestiers” seront plantés dans la ville ? Marsactu fait le point sur les prémices de ce projet rafraîchissant, dont certains pans restent encore à éclaircir.

8000 jeunes arbres, 300 000 arbustes

Pour plus d’honnêteté, la mairie aurait dû nommer son projet “plan arbustes”. Ça sonne moins bien, mais c’est plus juste si l’on précise que sur les 308 000 “plants forestiers”, seuls 8000 sont des arbres adultes, soit 2,6 %. Un pourcentage qui n’est pas le même en termes de financement : planter un arbre adulte revient en effet beaucoup plus cher à la collectivité – comptez l’achat du plant, mais aussi le transport, l’excavation de la terre, la plantation, puis l’arrosage et l’entretien. C’est pourquoi la mairie a fait le choix de planter des arbres relativement jeunes : une vingtaine de centimètres de diamètre, pour une hauteur qui n’excède pas les deux mètres. Il faudra donc être patient – ou très petit – pour profiter de l’ombre promise.

Un arbre jeune revient autour de 50 euros, contrairement à un arbre “d’alignement” plus âgé, qui coûte près de 1000 euros à planter.

Mais l’avantage n’est pas qu’économique. “Les élus veulent souvent de gros arbres. Ça fait toujours mieux quand ils coupent le ruban. Sauf qu’avec le réchauffement climatique, les arbres trop gros ne prennent plus. Il vaut mieux favoriser les arbres jeunes, et la mairie de Marseille l’a enfin compris”, salue Jérôme Mazas, paysagiste et membre de l’association GERM’, qui milite pour le retour de la nature en Ville. Ce dernier a assisté à une présentation du projet et selon les chiffres qu’il a retenus, la plantation d’un “arbre d’alignement” traditionnel adulte avoisine les 1000 euros. En se concentrant sur des plants plus jeunes, la Ville peut espérer descendre le coût à 50 euros par arbre et donc multiplier les chances de survie de celui-ci. Quant aux arbustes, ils apportent forcément moins d’ombre, mais ne sont pas pour autant moins utiles pour la biodiversité. “Il y a dans un mètre carré de garrigue beaucoup plus d’espèces différentes que dans certaines forêts”, ajoute le paysagiste.

Si ces choix font baisser la note, la mairie ne compte pas pour autant la payer en totalité. “Nous allons chercher des financements ailleurs. Ce plan est par exemple inscrit dans le rapport déposé auprès de l’Europe pour la candidature au 100 villes décarbonées”, détaille Nassera Benmarnia, adjointe au maire déléguée aux espaces verts. D’autres financeurs sont envisagés, comme l’État et son fonds vert, ou encore le département et la région, qui a elle-même prévu de planter un million d’arbres d’ici à 2028. Pour l’heure, les subventions espérées doivent encore être concrétisées.

Essences et emplacements à définir

Mais revenons à nos arbres et arbustes. Si les platanes ne semblent plus les bienvenus en ville, quelles essences vont être ici privilégiées ? “Une trentaine d’essences connues sont adaptées aux conditions climatiques actuelles. Elles se situent principalement sur l’arc méditerranéen. D’autres, plus exotiques, pourraient être testées en tenant compte des connaissances actuelles. Le choix définitif des essences interviendra à la suite d’un comité technique éclairé par un groupe d’experts ad hoc”, apprend-on à la lecture de la délibération. “L’aire de l’olivier est en train de remonter, en altitude comme en latitude, il va donc falloir trouver les nouvelles espèces qui s’adaptent ici”, analyse Jérôme Mazas. Suspense, donc, à ce niveau-là également.

Les parcs et jardins, mais aussi les centres municipaux d’animation, les crèches, les écoles, les cimetières. Partout où cela est possible, nous allons multiplier les plantations.

Nassera Benmarnia, adjointe

Reste la question de l’emplacement futur de ces jeunes arbres et arbustes. Pour le moment, la Ville n’a d’autres choix que de les placer sur les espaces qui lui appartiennent. “Les parcs et jardins, mais aussi les centres municipaux d’animation, les crèches, les écoles, les cimetières, énumère Nassera Benmarnia. Partout où cela est possible, nous allons multiplier les plantations.” Mais le plan vert pourrait aussi débarquer sur la voirie. En effet, une convention avec la métropole, compétente jusqu’à présent sur ces espaces publics, est prévue.

En décembre 2022, un partage de compétences entre la Ville et la métropole a été acté pour la voirie et l’espace public. “La Ville de Marseille identifiera un ensemble d’axes structurants dépourvus ou mal pourvus en arbres (boulevard, avenue, rue) nécessitant d’être plantés afin que la métropole étudie les modalités de plantation puis complète la canopée urbaine”, prévoit la délibération du plan arbres. Mais cela n’interviendra qu’en “phase 2” de ce plan, donc dans les dernières années d’un calendrier qui s’étale sur six ans. Sans compter que cette mission conjointe nécessite une bonne entente entre les deux institutions, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Relancer la pépinière municipale

Le plan arbres se projette encore plus loin. Sans préciser exactement quand cela pourra être possible, la mairie envisage, à terme, de pouvoir gérer l’arbre alors même que celui-ci est encore graine. Pour ce faire, la pépinière municipale devra être utilisée à plein. “Les jeunes arbres mis en culture disposeront ainsi d’un génotype local intrinsèquement lié aux contraintes climatiques méditerranéennes. Ils seront cultivés durant trois ans maximum avant d’être plantés dans les différents équipements municipaux. Au bout de 10 ans, ils fourniront une ombre favorable aux citadins”, écrivent ainsi les services de la Ville.

Il y a de ça plusieurs dizaines d’années, la mairie de Marseille gérait déjà une partie de ces plantations en régie, grâce à la pépinière municipale située à proximité d’Aubagne. Aujourd’hui, celle-ci ferait plutôt “office de dépôt”, glisse-t-on. En attendant que celle-ci retrouve de sa splendeur à “moyen et long terme”, la mairie de Marseille aura recours à des appels d’offres auprès de pépiniéristes. “Ils seront français, espagnols ou italiens…”, s’engage Nassera Benmarnia. “Nous ne plantons pas pour nous, mais pour les générations futures”, défend-elle encore.

Participation citoyenne à imaginer

L’élue concède être “la candide de l’équipe”. “Je débarque avec une délégation qui n’était pas la priorité de l’ancienne municipalité. Mais je suis accompagnée de gens qui ont fait le choix de leur métier, contrairement à d’autres services”, raconte encore l’élue. À l’aide de bureaux d’études (200 000 euros sont prévus pour les études dans ce plan), de chercheurs et de son “service arbo”, Nassera Benmarnia assure mettre toute son énergie à la compréhension des nouvelles méthodes pour faire revenir la nature en ville. “On ne gère plus les espaces verts comme il y a deux ans”, affirme cette dernière.

La question des usages doit notamment être repensée, avec un volet participation citoyenne inscrit dans le plan. Tandis que les gazons et tapis fleuris sont très consommateurs en eau et pas forcément les plus accueillants pour la biodiversité, les usagers vont-ils apprécier les siestes et lectures dans des “herbes folles” ? Veut-on un parc pour promener son chien ou y organiser de grands événements culturels ? Ces questions promettent des débats. “Quand ce n’est pas tondu, les gens ont l’impression que c’est sale, se demandent ce que l’on fait avec leurs impôts. Mais la nature a horreur de cela, ou alors il faut que ce soit bien fait, après la floraison et la fruitaison, rappelle Jérôme Mazas, dont l’association travaille la question de la participation citoyenne. Il faut réhabituer les gens à ces questions, désamorcer les problèmes sur les sites, sinon c’est trop violent.” La délibération du plan arbres prévoit ainsi d’encadrer ces interventions citoyennes grâce à une “charte de renaturation participative des parcs et jardins” signée entre la Ville et des associations. Sur ce terrain encore, tout reste à défricher.

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. MarsKaa MarsKaa

    Marseille n’a pas de pépinière municipale ! C’est incroyable (mais finalement en accord avec les 24 ans gaudinesque).
    Il faut commencer par là. Les plants seront alors moins chers et surtout… acclimatés !
    Autre chose, j’espère que des gens compétents suivront cette opération du début à la fin.
    Car il ne suffit pas d’acheter et de planter… Bien choisir les espèces, les plants, la terre, le lieu d’implantation, suivre de près l’acclimatation etc…
    Quand je dis “fin”, je pense : soin des plants, notamment dans leur première année (arrosage regulier indispensable des jeunes arbres), et dans les années qui suivent, pour éviter des jeter l’argent par les fenêtres..

    Signaler
  2. Syol Syol

    Planter de jeunes arbres c’est bien, mais si on les entretient pas, c’est du gaspillage. Qui doit faire quoi entre métropole et mairie ? Les discussions interminables sur le transfert de compétences qui n’ont pas l’air d’avoir abouti à grand chose (en tout cas de claire avec un seul responsable pour un sujet) ne permettent pas d’être optimiste.
    Dans le parc habité d’Arenc les jeunes arbres planté il y a quelques années ne sont pas entretenus.
    J’en ai deux en référence avec de grands morceaux de plastique enroulés dans leurs branches. J’ai repéré le premier en février 2021, l’autre en avril 2021. Les plastiques sont toujours là (ils sont trop hauts pour être enlevés sans un équipement adapté) ce qui veut dire que personne ne s’est intéressé à ces jeunes arbres depuis deux ans…
    C’est un comportement de pays sous-développé : on investit, mais on n’entretient pas.

    Signaler
  3. Andre Andre

    En premier lieu, on ne peut qu’approuver ce plan. Avec cependant quelques observations. Comme cela vient d’être écrit, on ne plante pas un arbre comme on scelle un potelet, il faut ensuite de l’entretien et notamment de l’arrosage. Le choix de planter de jeunes arbres qui auront plus de capacité d’adaptation est judicieux mais ne dispense en rien d’un suivi. L’arrosage peut-être “manuel” en surface et ça exige du personnel faisant des passages fréquents. Il peut-être aussi automatique et souterrain par tube poreux, ce qui coûte plus d’argent à la plantation. C’est cette dernière méthode qui est adoptée pour les arbres de voirie qui doivent vivre dans un milieu plus hostile.
    Mais je voudrais aller plus loin. L’arbre de voirie planté en coordination avec la Métropole nécessite souvent des déplacements de réseaux dont on n’imagine pas la densité sous nos pieds. Certains sont d’ailleurs mal localisés ou carrément inconnus. La plantation d’arbres ne peut donc souvent se faire que dans le cadre d’un projet global de réhabilitation de voirie. Il serait donc utile que la Ville concerte avec la Métropole de tels projets. Les lieux qui les méritent ne manquent pas!
    Pour les espaces verts, allons aussi plus loin . On attend un “plan vert ” qui développe, réhabilite ou crée de nouveaux espaces, les mette en relation de façon cohérente par des itinéraires doux, permette d’accéder aux collines qui sont là, tout autour, mais trop souvent inaccessibles (la municipalité parle de l’accès au littoral et elle a raison mais les collines mériteraient aussi cet intérêt).
    Sans vouloir mettre un préalable à tout, on peut cependant craindre que, faute d’un tel niveau de réflexion, la plantation de tous ces arbres on ne sait trop où ni comment, risque trop souvent de ne rester qu’un effet d’annonce ou de se limiter à une communication électoraliste, à base de saupoudrage, et ce serait dommage. Alors, au boulot!

    Signaler
  4. Richard Mouren Richard Mouren

    Il est vrai que ce genre de chantier devra être suivi dans la durée, ce qui n’a pas toujours été le cas. Il faut malgré tout saluer la volonté de transformer, d’améliorer, bref de prendre les problèmes à bras le corps, idem pour les écoles et l’habitat insalubre. Il est vrai aussi que cette volonté d’amélioration ne fera pas baisser les impôts et taxes. Est-il préférable de baisser les impôts et taxes et de laisser les services et équipements publics se dégrader, ce que la doxa actuelle prône?

    Signaler
    • Patafanari Patafanari

      Oui. Les impôts ne font pas pousser des arbres mais des fonctionnaires. Et si la pépinière municipale a été transformée en dépôt, y a-t-il encore des pépiniéristes municipaux ou ont-ils été transformés en gardien de musées ?

      Signaler
    • Andre Andre

      Patafanàri, il est plus probable que les pépiniéristes sont maintenant à la retraite et que les postes n’ont plus jamais été pourvus. Idem pour les gardiens de parc…

      Signaler
    • Alceste. Alceste.

      Étonnante votre doxa: pour avoir des services publics et équipements du même ordre,il faut augmenter les impôts et les taxes .
      Nous avons le taux de prélèvements le plus élevé en Europe et je ne parle même pas du taux de redistribution.
      Vous auriez été plus adroit en disant que nos politiques arrêtent leurs délires,conneries et gaspillages.

      Signaler
    • Richard Mouren Richard Mouren

      plus adroit peut-être, plus à droite aussi, mais plus vieux râleur certainement.

      Signaler
    • polipola polipola

      Richard Mouren, je ne peux que plussoir votre dernier commentaire! Merci à vous 🙂

      Signaler
    • RML RML

      Faut il rappeler que le taux de taxes et impôts actuels sert surtout à remboursée la dette de la longue aire Gaudin…( tiens c’est la droite qui a creusé le déficit, ça alirs).
      Donc la question est bonne.

      Signaler
  5. Alceste. Alceste.

    Avant d’augmenter les impôts des marseillais, il conviendrait surtout de faire payer les entreprises qui faute de contrôles font n’importe quoi dans la réalisation des marchés et notamment en matière de voiries et d’aménagements.
    Quand l’on voit la non qualité des réalisations et les retards , je me dis que potentiellment il un sacré paquet de pénalités dormantes (donc du pognon) non activées, faute de reception sérieuses des travaux.
    Il faudrait qu’une deuxième Chaboche se révéle dans ce domaine et que “les on peut s’arranger” cessent là aussi.

    Signaler
  6. Alceste. Alceste.

    Cher Richard Mouren , la facilité des politiques et la solution la plus simple pour eux est d’augmenter taxes et impôts.Quelques soient les gouvernements.
    D’autres voies existent. Quelques exemples en micro économie locale. Est ce nécessaire de filer 5 millions d’euros à la Barben, est ce nécessaire d’inonder les mairies d ‘équipements redondants, est ce nécessaire de faire un tramway sur un métro existant, est ce nécessaire d’avoir des offices du tourismes locaux,départementaux,régionaux et qui créent de véritables mille feuilles coûteux pour vendre la même lavande, est-il normal de créer une métropole qui au lieu de travailler à effectifs constants ( je ne parle pas réduction) génére une inflation des effectifs , est t’il normal de mettre en place des velibs qui coûtent en entretien et maintenance des sommes folles avec un résultat dérisoire, sans parler des investissements lourds ou des aides qui capotent.La CRC en est un magnifique florilège.
    Oui à l’impôt ,mais maîtrisé, utile et surtout contrôlé et surtout bien employé
    Sans oublier, en sus, les comportements délictueux de certains politiques qui pillent les collectivités,par des abus et des DSP (eau) qui asséchent les finances locales.
    Ajoutez tout ceci, et vous verrez que les économies réalisées éviteraient beaucoup de hausses d’impôts.
    Être un bon gestionnaire n’est pas l’apanage de la droite, Jospin en est le parfait contre exemple.

    Signaler
  7. Ludovic TRINITE Ludovic TRINITE

    Nos arbres ou arbustes morts à la Capelette, ne sont toujours pas remplacés !
    Et pourtant le CIQ de la Capelette a plusieurs fois relancés les élus.
    Tous les quartiers sont-ils gérés de la même façon !

    Signaler
  8. kukulkan kukulkan

    ils ont enfin compris que le gazon c’est nul et non avenu chez nous. Vive les buissons et plantes “invasives”. meme au niveau esthétique je trouve ça beaucoup plus beau par exemple sur le jarret au pieds des arbres ! il faut libérer tous les pieds d’arbres en centre ville et permettre qu’y poussent des buissons !

    Signaler
  9. MICHEL CHAPELLIER MICHEL CHAPELLIER

    J’espere la continuation et la vegetalisation totale du Vieux Port.

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire