La métropole prête à remplacer les voitures par un tramway sur le boulevard urbain Sud

La ligne de tram T3, à Marseille. (Photo ML)

Le sujet est officiellement un dossier réservé, de ceux que seuls les patrons d’exécutifs ont le droit de toucher. Martine Vassal à la métropole et Benoît Payan à la mairie de Marseille ont certes apaisé leur relation mais le boulevard urbain Sud (BUS) reste un de ces points de friction. Aspirateur à voitures pour l’édile, équipement nécessaire pour la présidente : le dossier semblait bloqué. Mais une proposition récemment déposée pourrait être de nature à le relancer.

Celle-ci émane de deux conseillers métropolitains, élus du 9e arrondissement, Didier Réault (LR) et Frédéric Guelle (UDI). Elle est intervenue dans le cadre de la concertation close le 15 janvier sur la prolongation du tramway T3 vers le Sud de la ville et apparaît pour le moins disruptive. Il ne s’agissait pas de débattre de la prolongation vers les hôpitaux Sud depuis la place Castellane puisque le chantier est déjà lancé mais de son prolongement prévu en direction de la Rouvière. À la Gaye, pour ces deux élus de droite, il ne faudrait plus poursuivre jusqu’à la résidence aux 11 000 habitants. Selon leurs projections, le tramway pourrait plutôt tourner à droite vers le Roy d’Espagne et, in fine, rallier la Pointe-Rouge.

Il s’agit là de la première proposition nouvelle depuis un audit de l’agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM). Dans un rapport de 60 pages, l’agence n’avait proposé que des solutions particulièrement alambiquées. La publication de l’étude n’avait finalement pas permis de relancer le débat.

Une proposition qui ne soulage pas La Rouvière

Cette nouvelle idée a été faite sienne par Martine Vassal qui a demandé aux techniciens de la métropole de plancher sur le sujet. Mais la proposition arrive vraiment en fin de course et mettrait à la poubelle toute une série d’études déjà menées pour créer les stations de l’Allée des Pins, de Valmante et le terminus de La Rouvière. Un trajet dont les bénéfices sont connus comme l’ont rappelé les documents soumis à la concertation. Il permet principalement de désenclaver “La Rouvière, un quartier dense de Marseille qui concentre une forte densité de population et des pôles d’emplois importants dont le siège de la caisse primaire d’assurance maladie”. Dans ce quartier connu pour ses embouteillages, l’option était vue comme une évidence, même pour la mairie de Marseille qui, pourtant, estime que la priorité est à la desserte du Nord de la Ville.

Interrogé par Marsactu, Didier Réault défend son virage à droite : “La concertation à La Rouvière a montré que les habitants n’étaient pas forcément favorables au projet. L’option que nous proposons permet qui plus est de desservir malgré tout l’Allée des Pins et Valmante. Elle permet aussi aux habitants de la Gouffonne, de Mazargues et de la Soude de bénéficier d’un transport en commun efficace.” Frédéric Guelle insiste quant à lui sur “la véritable voie verte de transports en commun avec piste cyclable de 2×2 mètres” qui serait créée à cette occasion.

Ses promoteurs vantent des délais raccourcis

D’un point de vue technique, la solution tram aurait le mérite de ne pas rallonger outre mesure les procédures. “Il y a déjà une déclaration d’utilité publique [valable jusqu’en 2026, ndlr] pour un transport en site propre et il ne faudrait pas perdre son bénéfice en ne faisant rien”, pose Didier Réault. Côté financier, il assure que la facture ne serait pas plus importante que les sommes provisionnées pour le passage des voitures.

La solution, déjà évoquée précédemment par des organisations citoyennes, dont le collectif anti-nuisances BUS, recèle toutefois quelques défauts. Il faudrait encore trouver la solution pour permettre aux usagers de la partie existante de rejoindre la ligne de tramway. Le BUS débouche aujourd’hui à 500 mètres de la station de La Gaye et seule une navette en site propre et des parkings sont imaginés par Guelle et Réault. Il faudrait, de plus, résoudre la question des jardins familiaux Joseph-Aiguier qui seraient tout de même amputés par le tracé du tramway.

La proposition offre en tout cas une esquisse de débouché politique à l’épineux dossier du boulevard urbain Sud. “Si on ne fait rien, on va avoir une ZAD et chacun va rester sur ses positions en se balançant des grenades”, caricature Frédéric Guelle. “Notre proposition permet de sortir par le haut de cette situation de blocage et d’avancer sur la question de transports en commun dans une ville qui en manque”, ajoute son compère.

La Ville se montre intéressée

Du côté de la Ville, on préfère rester prudent. Tout en se félicitant de voir les lignes bouger, comme l’indique une réponse communiquée à Marsactu :

À ce jour, notre municipalité n’a pas reçu les études de faisabilité du projet de M. Réault, et ne peut donc pas se prononcer sur la nature des projets proposés. Nous relevons cependant que celle-ci constitue un infléchissement notable par rapport aux premières propositions sur le tracé du BUS, en prenant davantage en compte des modes de transports autres que la voiture (comme le vélo, les transports en commun…). Comme depuis le début du mandat notre position est la même : aucun tracé de route ne peut mettre en péril les rares espaces verts de proximité et le parc naturel des Calanques. Les quartiers Sud méritent des transports à la hauteur, qui fassent la part belle aux usagers des transports en communs, aux piétons et aux cyclistes, c’est pourquoi nous nous montrerons toujours en faveur des projets présentés en ce sens par la métropole.

Le moins convaincu reste Lionel Royer-Perreaut. Maire des 9e et 10e arrondissements jusqu’en juin, le député Renaissance est un fervent partisan de la réalisation complète du boulevard urbain Sud : “Je ne vois pas de cohérence à ce projet. C’est comme le tramway de la Corniche, ça n’est pas inscrit au plan de déplacements urbains : arrêtons de faire du bricolage ! Je rappelle à toutes ces personnes qu’elles se sont fait élire sur un autre projet.”

Et lui aussi y va de sa proposition : “Utiliser les 80 millions prévus pour amener le tramway prévu à la Rouvière et que les habitants ne souhaitent pas, pour réaliser une trémie couverte sous les jardins Joseph-Aiguier afin de les préserver. Et ainsi lever cet obstacle dans la réalisation du boulevard urbain Sud”. Dans ces quartiers de Marseille, le débat ressemble à son BUS : clairement pas terminé.