Avec son pacte financier et fiscal, la métropole épargne encore les communes les plus riches
La métropole dévoile sa stratégie financière dans un document qui évite une question centrale : comment faire en sorte que l'essentiel de son argent ne reparte pas vers les communes ?
Le conseil métropolitain, au Pharo. (Photo : DR)
Fumée blanche sur le Pharo. Ce 15 décembre, le conseil métropolitain devrait voter sans grande difficulté son premier “pacte financier et fiscal”. Avec cette feuille de route, l’institution présidée par Martine Vassal (divers droite) veut se donner les moyens de ses ambitions notamment en termes de transports. “En 2023, la métropole investira 700 millions d’euros dont 300 pour les transports, c’est inédit”, se réjouit Didier Khelfa, le vice-président au budget et maire de Saint-Chamas.
L’hymne à la joie retentit aussi à la Ville de Marseille. “Marseille a plus de la moitié de la population et largement plus de la moitié des problèmes. Cela remet l’église au centre du village”, s’enthousiasme Joël Canicave, l’adjoint au maire chargé des finances. Dans ces négociations qui débouchent par ailleurs sur une gestion plus concertée de la voirie (voir notre encadré en fin d’article), la Ville de Marseille obtient en effet la création d’une dotation de solidarité. Ce mécanisme lui bénéficiera en premier lieu et lui rapportera 15 millions en 2023, 30 millions en 2024 et 45 millions en 2025. Le rééquilibrage est toutefois partiel si l’on considère les flux financiers déjà existants. Avec 63 euros par habitant touchés de la métropole en 2025, Marseille pointera à la 70e place des 92 communes membres.
Ne pas “sponsoriser Marseille”
Ce récent œcuménisme fait suite à de très longues discussions, parfois rudes, entre les différents maires. Depuis la naissance de l’institution, de nombreuses communes craignent d’être ponctionnées au profit de Marseille. Elles l’ont encore réaffirmé toute cette année 2022, à l’image du maire de Martigues Gaby Charroux qui refuse de “sponsoriser Marseille”. À l’arrivée, ce pacte a choisi de les ménager : aucune baisse de leur budget n’est décidée.
La chambre régionale des comptes avait pourtant posé les choses avec clarté dans un rapport à l’automne : la métropole est pillée par ses communes, y compris les plus riches. Les reversements sont à la fois trop volumineux (un quart des recettes) et pour certains totalement injustifiés. Ces “attributions de compensation”, “AC” pour les intimes, sont pour beaucoup de communes une manne intouchable. “Si on me les enlève, je ne peux plus faire vivre la commune”, a ainsi coutume de clamer le maire PS de Vitrolles Loïc Gachon. Elles ont pour l’heure gagné.
La pression du gouvernement
La victoire pourrait cependant être de courte durée. Dès 2024 et 2025, le pacte évoque timidement “une réflexion sur une libre révision des attributions de compensation”. La volonté de toucher au grisbi est tout juste un peu plus clairement posée par Didier Khelfa. “Sur 2024 et 2025, c’est à nous de définir au sein de la métropole des marges de manœuvre qui ne pourront pas être fiscales”, admet-il. Au lieu de libérer un budget contraint par les AC, la montée en puissance sur trois ans de la dotation de solidarité va le comprimer davantage.
Pour le ministre de l’action et des comptes publics, “Les élus n’ont tiré aucune conséquence du rapport” de la Chambre régionale des comptes.
La métropole se sait sous pression. Un coup de semonce venu du Sénat a fait frémir les maires. Face à l’inertie, un amendement socialiste – finalement retoqué – voulait demander au préfet de tailler dans ces AC et d’imposer sa décision à la métropole. À cette occasion, le gouvernement s’est dit favorable à cet amendement. “Les élus n’ont tiré aucune conséquence du rapport [de la CRC]”, a tonné Gabriel Attal, le ministre de l’Action et des comptes publics. Une expression publique d’un agacement qui remonte jusqu’au palais de l’Élysée.
À la recherche des solutions “soutenables pour les communes”
“C’est à nous de faire des propositions à l’État qui soient acceptables et soutenables pour les communes. On sait qu’à tout moment dans l’année, cet amendement pourrait réapparaître, alors c’est à nous de collectivement nous y mettre dès janvier”, jure Didier Khelfa. Une position raccord avec celle exprimée dans l’entourage de Martine Vassal.
En attendant, et malgré l’inflation, la métropole a choisi de mobiliser d’autres leviers pour se permettre d’investir. Il s’agit de commencer à répondre aux ambitions du président de la République avec son plan Marseille en grand. Le volet mobilité est, avec la rénovation des écoles, le plus ambitieux. Il doit notamment permettre de développer le tram dans le Nord de Marseille. L’État apporte pour les dix ans à venir un milliard d’euros, dont les trois-quarts sous forme d’avance remboursable, et la métropole doit dans le même temps apporter deux milliards.
Jusqu’à 120 euros de hausse de la taxe des ordures ménagères
Classiquement, le premier levier choisi consiste à augmenter les taxes, à destination des particuliers comme des entreprises. Ainsi, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères sera augmentée pour les particuliers. Comme l’avait relevé Marsactu, le coût de ce service est en constante progression, menaçant les marges de manœuvre pour les autres politiques. Les taux n’étant pas les mêmes au sein de la métropole, certaines communes seront plus impactées que d’autres : la hausse moyenne par foyer fiscal sera de 20 à 120 euros. À Marseille, où elle était déjà haute, elle sera augmentée de 21 euros.
D’autres taxes comme la cotisation foncière des entreprises et la taxe sur les résidences secondaires seront elles aussi en augmentation de 6 %. La métropole entend aussi rogner sur ses dépenses de fonctionnement et notamment de personnel selon une trajectoire déjà en cours. “Cela veut dire que des saisonniers ou des contractuels ne sont pas reconduits. Il y a aussi certains services où il y aura peut-être moins besoin de personnel”, explique Didier Khelfa. Une solution d’apparence clivante qui se révèle finalement bien plus consensuelle.
Pas de transfert mais une convention pour gérer la voirie marseillaiseDes rencontres semestrielles entre Benoît Payan et Martine Vassal, une déclinaison trimestrielle entre adjoints aux maires et vice-présidents de la métropole, des comités mensuels entre hauts fonctionnaires des deux institutions… Par une convention présentée au vote ce jeudi, la Ville de Marseille et la métropole affichent la volonté de “faire converger leurs actions et d’exercer leurs compétences en forte complémentarité pour garantir un niveau de service public performant”.
Cet accord remplace le transfert de la responsabilité de la gestion de l’espace public (voirie, propreté, éclairage…), dans un premier temps demandé par Benoît Payan. Les longues négociations ont achoppé sur l’enveloppe budgétaire mais aussi sur les ressources humaines associées. Plutôt qu’une autorité unique, place à la “coordination” entre les services métropolitains d’un côté et principalement la police municipale de l’autre. Un communiqué commun annonce par ailleurs l’engagement de la métropole “à investir 200 millions d’euros en 4 ans pour la voirie à Marseille”.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Ce qui est incroyable dans cette affaire c’est que la métropole assume ses positions totalement hors les clous, matérialisées par un budget et qui persiste dans des voies dénoncées notamment par la CRC .Et cela passe comme une lettre à la Poste avec comme corollaire une hausse d’impôts, comme de bien entendu. Le Préfet aux abonnés absent, le Sénat qui se voile la face mais rien d’anormal c’est le repaire des potentats locaux, et note maire qui vient d’entamer sa période d’hibernation a un encephalogramme plat sur la question,mais il est vrai il est fatigué ,il vient d’inaugurer le resto social ,ce qui est plus important à ses yeux.Resultats: la situation marseillaise ne va pas s’améliorer, nos impôts vont encore augmenter, nous allons avoir droit au lamento de Payan sur Marseille et l’on découvre que l’adjoint de Rué à la mairie de Marseille est le maire de St Chamas.
Tout cela pour dire que Vassal va à nouveau recevoir une récompense après celle reçue cette semaine.
C’est la société Aiglon qui devrait lui remettre son grand prix à l’issue de cette discussion budgétaire métropolitaine.
Pour ceux qui l’ignorent encore ,Aiglon est le fabricant français de Vaseline.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Merci, Marsactu, de mettre en évidence que ce pacte financier et fiscal est très loin de répondre aux enjeux.
Se connecter pour écrire un commentaire.
L’adjoint aux finances de Marseille est satisfait et nous on râle !!
Pour ce qui concerne les ambitions du Président Macron il accorde généreusement des avances remboursables donc inutile de nous ressortir à chaque fois l’investissement de l’Etat en vérité il nous prête avec l’argent de nos impôts comme n’importe quelle banque devrait le faire
Se connecter pour écrire un commentaire.
Soyez pas trop dur ,il prête à des gens qui demain seront insovables
Se connecter pour écrire un commentaire.
Tiens tiens, il semble que Jupiter s’impatiente dans son palais ?! Il pourrait déjà lancer sa foudre sur ses nouveaux copains de la droite Marseillaise, qui au sénat ont fait capoter les mesures de ré équilibrage proposées par des députés marseillais ( de gauche, certes, mais quand on est ni de droite ni de gauche, on est sensé foudroyer là où il faut !).
En tous cas, il y a du mieux, c’est déjà ça.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Qu’il s’agisse de Martigues ville dirigée par les communistes ou d’Aix-en-Provence ville dirigée par la droite : la solidarité ne dépasse jamais les portes de la cité. C’est ça la décentralisation qui n’est rien d’autre que le retour de la féodalité aux dépens de la République : « indivisible, laïque, démocratique et sociale, assurant l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine de race ou de religion, » comme le stipule l’article premier de notre constitution
Se connecter pour écrire un commentaire.
“La loi dispose, le contrat stipule” 😉
Se connecter pour écrire un commentaire.
On peut noter une erreur, Joel Canicave se trompe en effet la population de Marseille est minoritaire dans la métropole, elle représente environ 45,9% (870 731 habitants et 1 898 561 habitants respectivement ).
Se connecter pour écrire un commentaire.