Mes châteaux d’If: La guerre avant la guerre.

Mes châteaux d’If: La guerre avant la guerre.

Parce qu’il a raté une énième envolée d’Eric Zemmour à la télévision, l’auteur, journaliste et fondateur d’ Arrêts sur Images a écrit cet essai. À partir des éléments de langage du polémiste d’extrême droite, il enquête sur ses prédécesseurs, Charles Maurras, Lucien Rebatet ou les journaux antisémites des années 30 et les officines de droite. Daniel Schneidermann découvre alors la réponse à gauche avec le journal Ce soir lancé en 1937 par le Parti Communiste avec à sa tête Louis Aragon.

La droite extrême est ouvertement anti-sémite en ce temps-là. Elle a trouvé d’autres cibles aujourd’hui. Je suis partout, l’un de leurs journaux, se prend pour le soviet de la presse française. Lucien Rebatet, auteur  Des décombres, un succès pendant la collaboration, en fait partie. Profondément anticommuniste et antisémite, Il collabora au gouvernement de Vichy et en 1969 sera même l’invité de Radioscopies de Jacques Chancel sur France Inter pour évoquer son engagement, sans rien regretter. « Se séparer des juifs en bloc et ne pas garder les petits » écrivait-il. Sa biographe qui ne vaut pas mieux que lui, l’excusait ainsi : «  Les petits c’est un terme affectueux. »

En 2018, d’aucuns cherchent à commémorer Maurras et son biographe, Olivier Dard, ne rappelle pas son antisémitisme notoire. Pour contourner la loi Marchandeau de 1939, ces hommes vont parler de la question Singe et de “l’antisimiétisme” pour parler du problème juif.. Quelques décennies plus tard, en 2013, le journal Minute à propos de Christine Taubira, reprendra ce thème : «  Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane. » C’est donc naturellement dans Valeurs Actuelles où écrivait jusqu’en 1972 Lucien Rebatet, qu’on a pu trouver une attaque raciste incroyable contre Danielle Obono, députée LFI, dépeinte en esclave.

Comment le journal Gringoire a poussé au suicide Roger Salengro, Ministre de gauche du gouvernement de Front Populaire? Comment la presse du Matin jusqu’à l’ Humanité traitait de la guerre d’Espagne qui était en Une de tous les jours à partir de 1936? Les réponses se trouvent dans cet ouvrage.

Le Parti Communiste lance pour contre-carrer l’hégémonie de Paris Soir, Ce soir, un journal généraliste « …un antidote à l’écrasante influence des milliardaires.» qui traite autant des mémoires de Fernandel que de l’Espoir de Malraux. Il met à sa tête Louis Aragon parti chercher Jean-Richard Bloch, pour attirer par le divertissement un public qui ne lirait pas l’Huma. Le succès est au rendez-vous. Le spécialiste des médias, Daniel Schneidermann, citant Gramsci, s’appuie sur les archives comparées des journaux de l’ époque pour analyser la guerre d’Espagne, la montée de l’hitlérisme et en tirer une conclusion : les journaux préparent la guerre.

La guerre avant la guerre, 1936-1939, Daniel Schneidermann, Seuil, Paris, 2022, 20 euros, 224 pages.