LA MOBILITÉ ET LA LIBERTÉ

Billet de blog
le 10 Sep 2022
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Le débat sur les transports en commun de la métropole marseillaise dure depuis des années, et il n’est toujours pas clos. Peut-être serait-il temps de penser les transports autrement que comme de simples services, mais comme des façons de faire la ville.

Le tramway rue de Rome.
Le tramway rue de Rome.

Le tramway rue de Rome.

Le débat sur les transports en commun de la métropole marseillaise dure depuis des années, et il n’est toujours pas clos. Peut-être serait-il temps de penser les transports autrement que comme de simples services, mais comme des façons de faire la ville.

 

La ville et les réseaux

Deux espaces se superposent l’un à l’autre, s’imbriquent l’un dans l’autre : celui des rues, des maisons et des lieux et celui des réseaux. Le premier est l’espace dans lequel nous vivons, dans lequel nous parlons, où nous nous retrouvons, tandis que le second est celui que nous parcourons sans même nous apercevoir. Dans l’espace des réseaux, il nus arrive souvent de parcourir des distances aberrantes pour aller d’un lieu à un autre parce que c’est plus pratique. Les transports s’inscrivent dans l’ensemble des réseaux qui constituent l’espace urbain : réseau des voies et des rues, réseau des transports en commun, réseau de distribution de l’eau et de l’énergie, réseau d’enlèvement des ordures. Sans doute le pouvoir urbain consiste-t-il dans le pouvoir d’organiser les réseaux, de les structurer, conformément au projet politique dont se soutiennent les décideurs : dis-moi quels sont tes réseaux et je te dirai quelle est ton orientation politique.

À Marseille, les réseaux font la ville de deux manières. D’abord, les réseaux de transports et de circulation permettent de réunir des lieux et des sites séparés et même éloignés les uns des autres pour donner naissance à un espace urbain qui permet à celles et ceux qui habitent la ville d’avoir entre eux des relations sociales : c’est en parcourant les réseaux au contact des autres que nous habitons pleinement la ville, que nous ne nous contentons pas d’y loger. Et puis l’espace urbain marseillais n’est pas continu, il n’est pas compact : il est fait de multiples petites localités qui, par les réseaux qui les relient les unes aux autres, sont réunies ensemble dans une seule ville dans laquelle ils se reconnaissent. C’est seulement par les réseaux que la Belle-de-Mai, la Blancarde, Endoume et Saint-Julien se retrouvent dans la même ville. C’est dire l’importance politique des réseaux qui jouent un rôle considérable dans l’institution d’une véritable citoyenneté urbaine.

 

Les exclusions et les enclavements

Mais, bien sûr, tout n’est pas si simple. En structurant les réseaux, les décideurs tissent les relations entre les différents points de la ville, mais, surtout, ils établissent des priorités, et, même, ils décident que certains lieux seront desservis par le réseau et, par conséquent appartiendront pleinement à cet espace, tandis que d’autres ne le seront pas et, ainsi, seront rejetés, mis à l’écart – en quelque sorte confinés dans leur lieu. À l’occasion du Covid-19, on a pu pleinement mesurer l’importance du confinement comme forme tragique de l’exclusion du politique et de l’espace social. Mais c’est ainsi que, dans les réseaux de transport et de circulation, certains lieux sont mieux desservis que d’autres, le sont plus facilement, et, de cette manière, appartiennent à une centralité urbaine, tandis que les autres sont « enclavés », en quelque sorte enfermés hors du centre (enclavé signifie, étymologiquement, mis sous clé). C’est toujours par l’organisation des réseaux de transports que les villes ont pu choisir de mener une politique de ségrégation ou une politique de réunion. C’est pourquoi il ne faut pas réduire les réseaux de transport à de simples outils fonctionnels, mais comprendre leur signification politique. Lisons ce que nous explique l’article de M. Lagache dans Marsactu du 26 août : la première phase de l’extension du tramway comportera 1,8 km vers le Nord et 4,4 au Sud. Faut-il mettre des sous-titres ? C’est ainsi que le Nord de la ville demeurera plus longtemps enclavé que le Sud, quoi qu’en disent le président de la République et son ministre des transports.

 

La métropole et la ville

L’autre grande explication de l’embouteillage dans lequel se trouve la politique marseillaise des transports est le partage des pouvoirs entre la municipalité de Marseille et la métropole marseillaise. Les transports sont, en réalité, devenus un thème majeur de la confrontation entre l’autorité de la municipalité de Marseille et celle de la métropole, qui, en réalité, ne correspond à rien dans la réalité de la vie urbaine. C’est à Paris, au Parlement, qu’une loi est venue décider les limites de la métropole et celle de ce que l’on appelle la « ville-centre ». Tandis que, dans d’autres cas, comme Lyon, Lille ou Bordeaux, la métropole correspond à une réalité vécue par celles et ceux qui l’habitent, l’étendue aberrante de la métropole marseillaise qui se confond pratiquement avec celle du département des Bouches-du-Rhône apparaît dans toute son absurdité. C’est que, derrière, la question est bien celle des pouvoirs. Les transports ne sont qu’un des thèmes qui opposent une métropole dirigée par la droite et une municipalité dirigée par la gauche. C’est, d’ailleurs, justement, quand ces deux autorités étaient du même bord que tout allait bien et que l’organisation des transports en commun a pu être décidée – celle même dont « hérite », aujourd’hui, une municipalité de gauche. On comprend mieux aujourd’hui, comme je l’ai écrit ici même il y a quelque temps, pourquoi G. Defferre s’était opposé à l’institution d’une métropole à l’époque où naissaient les premières « intercommunalités ». Je n’ai rien contre les habitants de Pertuis, dans le Vaucluse, mais sont-ils vraiment concernés par l’organisation du métro et du tramway de Marseille. C’est pourquoi, pour que les réseaux de transports en commun correspondent pleinement à une réalité et ne soient pas de simples objets technocratiques abstraits, il faut que la municipalité de Marseille retrouve la pleine compétence sur l’autorité des transports. N’oublions pas que la structure même de la ville de Marseille est, en elle-même, un réseau de quartiers autonomes les uns par rapport aux autres, réunis au cours du temps. Le réseau des transports est une des illustrations de cette identité urbaine propre à Marseille. La mobilité fonde la liberté et le réseau fonde la citoyenneté.

Commentaires

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  1. Massilia fai avans Massilia fai avans

    La première partie est très intéressante. En revanche la 2eme sur l’opposition métropole ville me paraît biaisée.
    La métropole de Lyon comprends 59 communes pour une population similaire et se substitue au département sur son territoire. Les transports en Île-de-France sont organisés par une autorité régionale. On voit bien au travers de ces 2 exemples que l’organisation des transports doit être porté par des entités beaucoup large qu’un seule municipalité. En outre, le réseau que vous décrivez ne s’arrête certainement pas aux bornes d’une ville. Les gens vivent, travaillent, se divertissent dans des localités différentes. Dans une r

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Donner à la ville de Marseille l’autorité sur les transports serait une façon d’enfermer la ville sur elle-même, et de l’appauvrir. Le métro comme le tramway ne sont pas utilisés que par les Marseillais•es, mais aussi par celles et ceux qui travaillent ici, y viennent à l’hôpital, y font des achats, etc.

    Il y a donc un véritable enjeu de connexion de la ville à son aire d’attraction, qui ne peut pas se gérer à l’échelle d’une commune.

    La coordination entre les deux autorités organisatrices actuelles des transports, la Région et la métropole, est déjà suffisamment défaillante, bien qu’elles soient du même bord politique, pour qu’il ne soit pas souhaitable de compliquer encore plus l’organisation de la mobilité sur le territoire.

    Le vrai problème que nous avons ici, c’est que la métropole est gérée par l’équipe battue aux municipales à Marseille. C’est un déni de démocratie qui pollue le débat, l’objectif des battus étant de se venger en 2026, et certainement pas de faire quoi que ce soit qui pourrait servir au bilan de l’équipe municipale actuelle.

    Si nous avions des élu•e•s, à droite notamment, adultes et plus soucieux de l’intérêt général et du long terme que de leur future élection à court terme, la question de la mobilité et des investissements prioritaires qu’elle requiert serait une question transpartisane et consensuelle, comme elle l’est dans d’autres métropoles où il n’y a pas nécessairement toujours identité d’orientation politique entre la ville-centre et l’échelon métropolitain.

    Accessoirement, se pose ici, une fois de plus, la question de la réforme du mode de scrutin municipal à Marseille, dont plus personne ne parle. Les effets pervers du scrutin par secteur sont pourtant désormais bien documentés.

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  3. Zumbi Zumbi

    Ouvrons le site des transports publics lyonnais. Ça commence comme ça (et pendant des décennies il y a eu une ville-centre de droite et des banlieues communistes et socialistes…) :

    “Les transports en commun de Lyon couvrent toute l’agglomération pour que chaque résident puisse se déplacer aisément.
    Le réseau de transports urbains est constitué de :
    plus de 120 lignes d’autobus
    4 lignes de métro
    2 lignes de funiculaire
    7 lignes de tramway
    des minibus aménagés pour le transport des personnes à mobilité réduite

    Le SYTRAL (Syndicat Mixte des Transports en commun pour le Rhône et l’Agglomération Lyonnaise) fixe les grandes décisions concernant les équipements et l’offre de service. Il a confié l’exploitation du réseau de transports en commun à la société Kéolis pour le réseau TCL (Transports en Commun Lyonnais) et à la société Kéolis PMR Rhône pour le réseau Optibus, des transports à la demande réservés aux personnes à mobilité réduite.
    Le réseau TCL
    Il dessert 73 communes :
    59 de la métropole de Lyon.
    8 de la Communauté de Communes de l’Est Lyonnais depuis le 1er septembre 2015 : Jons, Pusignan, Genas, St Bonnet-de-Mure, St Laurent-de-Mure, Colombier Saugnieu, St Pierre de Chandieu, Toussieu
    6 communes ayant adhéré : Sainte Consorce, Grézieu-la-Varenne, Brindas, Chaponost, Messimy et Thurins.
    … soit 1,3 million d’habitants répartis sur 746 km² !

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