[L’été à la Valentine] Terrain de jeux consumériste
On la connaît pour ses magasins à perte de vue, ses embouteillages et ses fast-food. Centre-commercial avant tout, La Valentine n'en demeure pas moins un lieu de vie pour des milliers de Marseillais. Pendant l'été, loin des touristes, Marsactu arpente la zone. Troisième épisode avec les familles qui tentent d'occuper leurs enfants sans se ruiner.
Pendant les vacances scolaires, toutes les activités sont bonnes pour occuper les enfants. (Photo : DP)
Ils surgissent de tous les coins sur le parvis goudronné de la zone commerciale. Derrière le caddie qu’ils tiennent fermement, les enfants sont prêts pour l’aventure qu’offre la Valentine. À l’approche des enseignes, à l’heure des achats quotidiens, les premiers caprices annoncent la couleur : les parents vont devoir mettre la main au portefeuille.
“Maman m’a promis un nouveau maillot de bain pour la plage“, déclare coquettement Naomi dans sa robe colorée. À quatre ans, l’enfant tire distraitement la main de sa mère en direction des portes du centre commercial. “On veut surtout fuir la chaleur, déclare cette dernière en se plaçant à l’ombre. Ici, c’est climatisé, c’est tellement agréable.” Habitante du quartier, Fiona a l’habitude de réfléchir à l’avance pour occuper sa fille pendant les vacances d’été. “À la Valentine, il n’y a pas grand-chose à faire, malheureusement, à part les magasins. Nous allons au cinéma ou à la plage, mais avec ce temps, on part souvent du quartier.“
“Avant, je l’emmenais dans les parcs, ça ne coûtait rien”
En cette journée d’août, le thermomètre affiche 34 degrés. Les activités qui n’obligent pas les parents à dépenser se réduisent comme peau de chagrin. “Avant, je l’emmenais dans les parcs, ça ne coûtait rien, mais c’est devenu impossible avec la canicule“, regrette Fiona. “Vous devriez contourner un peu le centre commercial, conseille-t-elle avant de reprendre ses pérégrinations. Il y a quelques activités pour les enfants.” Sur la zone, ce ne sont pas les parcs, les piscines municipales ou les jardins publics qu’il faut chercher. Il y a d’autres options, mais plus onéreuses.
Pour les trouver, il faut longer l’avenue de Saint-Menet et son enfilade de restaurants. Trônant à l’angle du rond-point Jean-Monnet, l’imposant cinéma Les 3 Palmes semble promettre aux parents une première victoire. En témoigne la dizaine de familles qui s’élancent activement vers la séance de 13 h 30. “On va voir le film Menteur avec Tarek Boudali, s’exclame Léo, 11 ans, accompagné de son père et de sa mère. J’ai vu la bande-annonce, ça a l’air d’être super drôle.” Une séance qui coûtera 6,50 euros pour Léo. Les adultes, eux, devront dépenser 13,20 euros chacun.
Jeux vidéos et salles climatisées
Si certains se ruent vers les salles de projection, d’autres se rendent dans un petit espace qui jouxte l’accueil. Le cinéma Les 3 Palmes propose là une salle d’arcades, dont l’entrée est gratuite. Lieu incontournable des habitants, mais pas seulement. Ambiance rétro, lumières bleutées, les enfants jouent des coudes derrière la machine à pince, dans le bruit de jetons de deux euros qui s’accumulent.
Quand on en a marre de la plage, on va à la Valentine.
Julie, habitante du 7e
Cramponné à son simulateur de moto GP, Lucas, deux ans, a déjà toute l’assurance d’un futur pilote. L’enfant se démène pour faire bouger le véhicule face à l’écran qui reste inexorablement figé. Et jette quelques regards suspicieux à sa mère. “Au moins à cet âge-là, ils ne se rendent pas compte qu’il faut mettre des jetons, ça monterait vite sinon,” s’amuse-t-elle. La famille, habituée des lieux, compte rester une partie de l’après-midi dans la salle climatisée. “J’habite dans le 7e arrondissement, explique Julie. On vient ici parce qu’il y a quand même beaucoup d’activités au même endroit. Quand on en a marre de la plage, on va à la Valentine.” Comme Julie, de nombreux parents de toute la ville sont prêts à prendre la voiture pour pouvoir profiter des jeux et salles climatisées.
Dans ce coin-là de la zone, les structures pour enfants sont regroupées : on trouve un terrain d’escalade ou encore de foot en salle. À quelques mètres, le parking du Full In Park affiche quasi complet cet après-midi, tandis que les dernières voitures peinent à trouver une place.
Tenir tout l’été
Une fois à l’intérieur, c’est l’effervescence dans cette vaste salle de trampolines. Première étape, enfiler les chaussettes antidérapantes, achetées 2,50 euros. Après s’être équipés, Jack et Lenny, deux frères âgés de cinq et sept ans s’élancent sur les ressorts. Au total, l’espace de 1500 m² peut recevoir jusqu’à 70 enfants.
“On vient ici au moins une fois par semaine”, explique Sarah, leur mère. “J’ai de la chance de pouvoir intégrer l’activité dans mon budget de l’été“, souligne-t-elle. Les réservations se font en ligne, le tarif à l’heure varie en fonction de l’âge entre 8 euros et 14 euros avec un renouvellement de 30 minutes possible moyennant 5 euros supplémentaires. L’addition s’allonge vite.
J’ai dû dépenser environ 200 euros rien que cette semaine pour les occuper.
Delphine, maman d’Isis et Isaac
Face à l’enthousiasme des enfants, tenir tout l’été peut être une affaire compliquée pour certains parents. Assise sur un banc, Delphine surveille de loin ses jumeaux. À quelques mètres, Isis et Isaac se disputent un des trampolines. La famille est arrivée depuis une heure. “On ne va pas tarder à partir, car rien que ça, ça va me coûter 24 euros“, affirme-t-elle.
Un budget que la maman calcule à voix haute. “Là, si je fais mes comptes, j’ai dû dépenser environ 200 euros rien que cette semaine pour les occuper. Entre ça, les McDo à côté, le prix de l’essence pour se rendre à la plage, tout revient vite cher.” Delphine compte recommencer l’aventure Full in Park “seulement dans quelques semaines. Demain, je ne resterai pas à la Valentine, on ira à la mer.”
Portails, villas et piscines privées
À la Valentine, amuser ses enfants sans toucher à son portefeuille, c’est possible… surtout quand on possède une piscine privée. La Traverse de la Montre, quartier résidentiel, en est la preuve avec ses villas que de grands portails cachent jalousement. Chemise en lin et chapeau de paille sur la tête, Lucien profite de sa retraite dans l’une d’elles. Accompagné de son petit-fils Nolan âgé de 8 ans, il revient du Géant Casino. “C’est vrai qu’ici, on a la chance d’avoir une piscine. Le petit et ses cousins passent leur journée dedans. C’est assez pratique pour moi“, sourit le grand-père. Caroline, croisée au village, résume ce mode de vie propre aux familles aisées du 11e: “On a tous des grosses maisons et on profite un max. L’été, on vit avec la villa, la piscine, et on mange dehors.”
Forcément, l’été à La Valentine peut laisser un goût amer aux familles qui n’ont ni piscine ni un budget confortable. Selon les chiffres de l’Insee, le quartier compte 9% de ménages modestes, bien moins que dans le reste de la ville. Que reste-t-il pour les enfants de ces familles pendant les vacances estivales ? Délocalisée pendant le mois d’août dans le quartier voisin des Trois-Lucs, la Maison Pour Tous accueille en cette période une centaine de petits. “On emmène les enfants à la plage, au cinéma ou encore dans des parcs de jeux, explique Henry Varane, directeur des sites de la Valentine et des Trois-Lucs. “On a également un partenariat avec le château de la Buzine pour accompagner les enfants à des expositions.”
Fractures
Certains ménages cachent leur pauvreté et n’osent pas forcément demander de l’aide.
Henry Varane, directeur de la Maison Pour Tous
Comme dans les autres structures municipales du genre, les tarifs de l’été sont calculés en fonction du quotient familial et varient de 4 à 20 euros la journée, repas, goûter et activité du jour compris. Avec aussi la possibilité pour les familles les plus défavorisées de voir ces forfaits intégralement pris en charge. “À La Valentine, quartier plutôt aisé, il y a un grand sentiment de fierté chez les familles les plus précaires, ajoute le directeur. Ces ménages cachent leur pauvreté et n’osent pas forcément demander de l’aide.”
Au total dans le quartier, une dizaine de familles est concernée par cette prise en charge. “De plus en plus d’habitants viennent s’installer à la Valentine, explique Henry Varane. Avec une pression immobilière très forte, cela rend la situation difficile pour certains ménages. Les problèmes financiers ne doivent pas être un frein pour les enfants.” Pendant les vacances scolaires, le rêve consumériste sur lequel est bâti La Valentine continue de receler de nombreuses fractures et contradictions.
Commentaires
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Je pensais que les enfants de familles modestes pouvaient bénéficier de tarifs préférentiels pour des centres aérés à la journée ; ne serait-ce pas moins cher que les 12€ de l’heure pour les salles de jeux ??
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