À Aix, le quartier d’Encagnane entre dans le dur de la rénovation
Initié en 2015, le programme de rénovation de ce quartier en bordure du centre-ville aixois entre dans une nouvelle phase. Les 260 familles des résidences Calendal et Méjanes commencent à être relogées en vue de la démolition prochaine de ces immeubles.
Le Méjanes et ses façades défraîchies commencent à se vider. (Photo : ML)
Le silence règne à Encagnane. En plein mois de juillet, les habitants du quartier coincé entre centre-ville et autoroute se réfugient dans leur logement, volets fermés, pour fuir la chaleur extérieure. Au pied de la résidence Calendal, Angèle profite de ce calme ambiant pour discuter avec son amie accoudée au balcon quelques mètres plus haut. De l’extérieur, les façades s’effritent. À l’intérieur certains appartements sont, selon les résidents, en état avancé de délabrement. “J’habitais au dernier étage du Calendal, mais je viens de déménager dans le bâtiment juste derrière, raconte Angèle, en désignant le Sextius. Il n’y avait pas d’ascenseur dans l’immeuble qui était très ancien, donc ça a été une bonne chose pour moi d’avoir pu bouger.”
Elle fait partie des premières familles à avoir quitté l’une des deux résidences promises à la démolition d’ici à 2025, le Calendal et Méjanes. Tout le quartier va être transformé dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) piloté par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), présenté lors du conseil municipal de mai. “On va signer la convention pluriannuelle avec l’Anru au second semestre 2022, annonce à Marsactu Christine Trossero, directrice de la politique de la ville à Aix-en-Provence. Mais on a demandé à l’agence des dérogations en avance” pour démarrer certains travaux dès maintenant. Le relogement des résidents du Calendal et du Méjanes fait partie des chantiers déjà engagés.
Peur de devoir quitter le quartier
Des emménagements définitifs et lourds de conséquences pour les familles. Tous les habitants ne sont donc pas enthousiastes à l’idée de devoir déménager, comme Stéphanie, qui vit au Méjanes. Elle discute avec une amie à l’ombre en attendant le bus boulevard du Docteur Schweitzer. “Presque tout le monde veut rester”, affirme cette quadra masquée, ses courses à la main. Si elle n’a pas encore reçu de proposition de relogement, son amie s’est déjà vu suggérer un appartement. “J’ai refusé, c’est mon choix”, élude-t-elle avant de courir pour attraper le bus. Beaucoup ont peur d’être relogés dans un quartier plus excentré. “Ceux qui veulent être relogés rapidement peuvent aller sur La Duranne, mais c’est loin du centre-ville donc ça fait peur”, indique par exemple Michelle de l’association La cabane des voisins, regroupant des habitants du quartier.
Le projet de rénovation urbaine ne va pas démarrer demain, mais le relogement c’est maintenant.
Constance Beaux, Soliha
La Ville d’Aix-en-Provence et les bailleurs se disent conscients des angoisses et difficultés pour certains habitants à quitter leur logement. Une convention entre 12 institutions et bailleurs sociaux a été signée fin juin pour offrir un maximum de possibilités de relogement aux familles. Une permanence a également été ouverte au sein du Méjanes avec un accompagnement proposé via l’association Soliha. Dans un appartement décoré de cartes d’Encagnane et de dessins d’enfants, des conseillères aident les résidents à constituer leurs dossiers et répondent aux premières inquiétudes. Plus d’une quarantaine de logements ont déjà été libérés. “Le projet de rénovation urbaine ne va pas démarrer demain, mais le relogement c’est maintenant”, résume Constance Beaux, coordinatrice au sein de Soliha.
7 grands secteurs de projets pour Encagnane
Le projet de rénovation ne date pas d’hier. Les premières études urbaines, sociales et environnementales ont été lancées en décembre 2015 avec la signature du protocole de préfiguration de l’Anru. Le programme pour Encagnane s’est ensuite structuré autour de sept grands secteurs de projets. Parmi les projets déjà bouclés, l’école maternelle Jean Giono a ainsi déménagé en janvier 2018 pour se rapprocher de l’élémentaire située à l’ouest du quartier. Les peintures sont encore neuves.
À proximité de ce nouvel ensemble scolaire se construira le futur secteur, nommé en référence à l’ancien bâtiment de l’administration maritime qui s’y trouvait, “Phares et Balises” : 424 logements, dont 102 sociaux, sortiront de terre en lieu et place des résidences Méjanes et Calendal et de l’ancienne école maternelle. Entre l’autoroute et les nouveaux bâtiments, des parkings en silo verront le jour et le mur anti-bruit déjà existant sera quant à lui végétalisé. L’ensemble sera relié par un parvis allant des écoles jusqu’à la passerelle qui enjambe l’autoroute vers la fondation Vasarely. Pour l’instant, cette zone ressemble davantage à un terrain à l’abandon.
“Sur le reste du plan de rénovation ça bouge doucement, constate l’association La cabane des voisins. Ils ont juste commencé à nous faire un minuscule parc en bas d’Encagnane”. Ce nouveau parc urbain, sur l’ancien boulodrome, a été inauguré le mercredi 13 juillet par la maire Sophie Joissains. D’autres espaces publics vont être créés ou rénovés, comme la place Romée de Villeneuve, qui accueille le marché. De nouveaux lieux de vie autour de commerces pour permettre aux habitants de se réunir verront le jour dans plusieurs secteurs du quartier.
“Au-delà de la construction il y a aussi une dynamique de réhabilitation où l’objectif est de ramener de l’emploi”, précise Marie Anais Renault Roux, directrice générale adjointe des services (DGA) à l’action publique et sociale au sein de la Ville. Au niveau de “Phares et Balises”, un pôle numérique devrait ainsi voir le jour. L’avenue du 8 mai, qui traverse tout le quartier et le relie au centre historique ou aux voies rapides, sera également rénovée avec l’ajout d’une piste cyclable. “Le Sud du quartier était enclavé, l’idée c’est de le rattacher au Nord et au centre-ville”, résume Christine Trossero.
Changement de sociologie
“C’est un programme qui va à terme profondément changer la sociologie du quartier”, analyse un acteur associatif qui suit le dossier. La charte de relogement éditée par la Ville observe qu’y vivent actuellement en majorité “des ménages en situation de précarité économique”, avec 60% de logement social dans le quartier. “Il y a cependant très peu d’appartements accessibles dans les reconstructions, pointe le même acteur associatif. Il y a un décalage important entre ce qui va être proposé et ce qui existe aujourd’hui. L’objectif de la municipalité est de faire monter en gamme la population, mais le quartier restera populaire car la ville ne va pas déplacer tous les habitants”.
Le plan de renouvellement urbain vise en effet à favoriser l’accession à la propriété et le logement locatif : pour le dire rapidement, faire baisser la part du logement social à Encagnane. “Le but est d’intégrer de la mixité sociale sur un terrain que l’on reconfigure entièrement”, assume Christine Trossero pour la Ville d’Aix-en-Provence. À l’heure où certaines familles d’Encagnane referment leurs cartons, le quartier se prépare à s’ouvrir à de nouveaux habitants.
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À l’expérience, les habitants qui craignent d’être relogés loin du centre n’ont peut-être pas tort… Il faut quitter les lieux et les céder aux pelleteuses pour les rendre tout beaux, certes… mais pour qui ? Un quartier plein d’avenir avec le Cours Mirabeau accessible à pied, des activités économiques… Je serais eux, je me méfierais aussi : on nous l’a déjà tellement faite… ! On aimerait tellement se tromper, pour une fois !
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