Résidence de luxe aux Catalans : une enquête ouverte sur la disparition du mur du Lazaret
Saisi par la mairie de Marseille, le parquet s'intéresse à des manquements aux prescriptions du permis de construire accordé à Sea One, résidence de luxe imaginée par Rudy Ricciotti en bordure de la plage des Catalans. En cause, la démolition d'un mur du XVIe siècle qui aurait dû être reconstitué par le promoteur.
La résidence Sea one est désormais bien installée en bordure des Catalans. (Photo : VA)
Il devait être déplacé “pierre par pierre”. Puis remonté sur une façade du bâtiment neuf. C’est ce qu’affirmaient les architectes du projet Sea One, la résidence de luxe qui a poussé en lisière de la plage des Catalans, à propos du mur du Lazaret, datant du XVIe siècle. Il se trouvait initialement enchâssé dans le mur d’enceinte de l’ancienne usine de sucre Giraudon. “Tout a été fait dans les règles, jurait en décembre 2018 à Marsactu Christophe Kayser, chef de projet au sein de l’agence de Rudy Ricciotti. Nous avons fait un relevé du mur, pierre par pierre et un reportage photographique. Le mur a ensuite été déposé et conservé sur un terrain du promoteur”. Les sept élégantes arches qui le composent étaient ainsi censées être visibles de tous les Marseillais.
Mais l’histoire du chantier en a voulu autrement. Sur la façade du bâtiment que les ouvriers fignolent, point de pierres du XVIe siècle. “Tout a été cassé par une technique brutale d’intervention. Cela constitue une infraction au permis de construire et j’ai saisi la procureure en février dernier”, s’agace Mathilde Chaboche, adjointe chargée de l’urbanisme. Une saisine dévoilée par nos confrères de La Marseillaise en mai dernier. Contacté par Marsactu le parquet confirme avoir depuis ouvert une enquête, toujours en cours, sur cette infraction, entre autres.
Un mur abîmé par le temps et les usages ?
“Le parquet de Marseille a été destinataire de deux procès-verbaux dressés par la Direction de l’urbanisme de la Ville de Marseille au mois de décembre 2020 et mars 2021 portant sur les travaux entrepris pour la construction de la résidence Sea One dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par l’entreprise Sud Réa. Ces signalements font l’objet d’une enquête actuellement en cours”, détaillent ainsi les services de la procureure de la République de Marseille. L’un de ces signalements concerne donc le mur du XVIe siècle, qui se trouvait à l’intérieur de l’usine de sucre Giraudon, qui elle-même siégea là de 1890 à 2008. Vestige du Lazaret, l’enceinte historique a aujourd’hui complétement disparu du projet, contrairement à ce que préconisait le permis de construire.
Un permis impossible à respecter, défend-on dans le cabinet de Rudy Riccioti. “Un plancher coupait ces arches en deux et une structure métallique venait piocher le mur qui a été tagué, abîmé par le temps, la pollution de l’usine, le sel, réplique aujourd’hui Christophe Kayser. Les pierres étaient presque friables à la main.”
En appui de ses dires, il produit une expertise qui détaille le caractère forcément fragile des éléments de construction.
Pourtant, raconte encore ce dernier, c’est bien “Rudy [Riciotti] qui a vu la valeur de ce mur alors qu’il n’était pas classé et se trouvait dans une propriété privée. Quand il est entré dans l’usine, il a dit : On va le déplacer malgré tous les soucis que cela comporte de manipuler un mur aussi altéré.” Mais, poursuit l’architecte Christophe Kayser, “quand la démolition est arrivée, on s’est rendu compte que ce n’était pas si simple que ça.”
“Ce qui est détruit est détruit”
“À l’époque, j’avais fait un courrier à [l’ancien maire] Gaudin, se souvient Sandrine Rolengo, représentante de l’association Patrimoine et monuments. Mais tout le monde s’en foutait.” En passant régulièrement devant le chantier, celle qui est aussi riveraine du quartier avait constaté la démolition du mur, pas vraiment effectuée selon le principe du “pierre par pierre” : “C’était un carnage”, témoigne-t-elle.
Tandis que le promoteur Sud Réa n’a pas souhaité répondre à Marsactu, le représentant du cabinet de l’architecte star de Marseille poursuit : “Un cabinet d’expertise missionné pour vérifier la solidité du bâtiments nous a demandé la certification des pierres. Or, je n’ai pas trouvé l’ingénieur de XVIe siècle qui les avait faites… Comment on fait dans ce cas-là ? Ben on ne fait pas”. L’architecte a donc renoncé en cours de route à mettre en œuvre une des prescriptions du permis de construire.
Dans ce cas précis, un permis modificatif aurait donc dû être réalisé… “Certes, admet encore Christophe Kayser. Mais cela n’altère pas l’image, pas la fonction. Une pierre neuve ou une pierre comme celles qui se trouvaient sur le site auparavant, c’est pareil.” Un avis que l’élue à l’urbanisme ne partage pas. “Ce projet est la caricature de ce qui ne se fera plus, du clinquant, du luxueux, du mauvais goût qui porte atteinte au patrimoine”, s’emporte Mathilde Chaboche.
Le promoteur, les services de la mairie et l’architecte des bâtiments de France sont toutefois en discussion. “Nous tentons de préserver les morceaux les moins abîmés pour les mettre là où ils auraient dû être posés. Nous essayons de nous conformer au maximum à l’esprit du permis passé avec un permis modificatif. Mais il y a une jurisprudence Valmer, ce qui est détruit est détruit”, rend compte l’élue.
D’autres infractions
“Nous n’avons pas fait ça pour rendre la ville plus laide. S’il y a une infraction, alors qu’on vienne nous chercher ! Mais nous n’avons pas des manières de brigands, nous avons essayé de restituer un mur invisible depuis 100 ans dont personne ne connaissait l’existence”, tient à conclure Christophe Kayser. Si le représentant du cabinet de Ricciotti jure qu’une “grande partie de ces pierres sont stockées à Aubagne”, il n’imagine qu’une seule “arche vierge où l’on va s’évertuer à réutiliser ces pierres.”
Reste que d’autres infractions présumées au permis de construire demeurent. Elles concernent, indique l’adjointe à l’urbanisme, trois ouvertures non prévues et la démolition d’une dalle sur la plage. “Je ne vois pas d’ouverture, mais des possibilités d’ouvertures”, rétorque quant à lui l’architecte, qui accuse la mairie d’avoir elle-même démoli cette dalle. Le dossier est désormais entre les mains de la justice. Même après l’arrêt des engins le chantier, la résidence de luxe va continuer à faire parler sur la plage des Catalans.
Commentaires
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Hors le mur, je suis horrifié par la façade de la résidence, une vraie mocheté qui gâche le plaisir de la baignade. ça ressemble à du plexi tout pourri avec des trainées verticales de moisissures. Ricciotti avait-il abusé du blanc de blanc de Cassis ? Qui a donné un permis pour ça ?
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De quoi ? Ces manants, ces pouilleux de la mairie empêche le baron Haussman-Riciotti de modeler Marseille à sa façon ? De quoi faire regretter que Gaudin n’ait pas voulu briguer un 5e mandat !
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C’est justement un héritage Gaudin. Alors regretter un 5e mandat …
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Si maintenant la stareu de l’architecture marseillaise doit respecter à la lettre un permis de construire, où on va, là, dis, mon gari ? Plus sérieusement, s’il était à ce point évident que cette disposition dudit permis était irréalisable, l’avoir signé tel quel était une escroquerie analogue à celle d’une vente d’un bien ou d’un produit comportant un vice caché, ou d’un dol, “vice du consentement”.
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Les tags et graffitis qui vont s’abattre sur la façade virginale, comme un semis de paillettes colorées, achèveront la décoration finale de ce gros gâteau à la crème néo-classique. (Sous plastique).
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Ce type là, avec sa grande gueule et ses discours révolutionnaires populistes à deux balles, se croit tout permis (même d’être condamné pour les conditions d”emploi de chaouches pour sa villa). Mais on l’encourage dans sa mégalo
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je fréquente très peu ce quartier, et n’avais pas encore vu cette espèce de verrue vitrée…!! bizarre quand même. mais c’est vraiment incongru à cet endroit.
je ne suis pas un thuriféraire de riciotti, mais il me semble qu’il a déjà fait plus joli, ou plus intégré.
en ce qui concerne le respect d’un pdc, comme zumbi, “on va où là ??” faut pas rêver.
l’héritage de l
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suite !
l’héritage de la nullicipalité antérieure est important dans ce domaine. les nouveaux dossiers seront peut être traités différemment, mais une rectification sur le passé de gaudin sera compliquée et couteuse.
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La nouvelle municipalité a raison de s’indigner du manque de respect pour le patrimoine. Heureusemnt que cette nouvelle municipalité se saisit de ces dossiers si médiatiques. Bon, après la tour qui est enruine sur la plage, on va attendre que ça tombe ? La carrière antique on va attendre qu’elle s’effrite ? Pourtant lors de la campagne des municipales et même avant les manifs, prises de paroles, etc.. allaient bon train, et le y’a uq’à faut qu’on était de sortie (médiatique) A croire que le patrimoine ne doit être sauvé par la nouvelle municipalité que quand il y a un projet “de riches” qui est concerné. Il faut quand même reconnaître que c’est déjà plus que ce que faisait l’ancienne municipalité..
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Et sinon, le non-respect du permis de construire par le cabinet d’architecte Ricciotti, et la justification de type “ouais bon, on va pas discutailler pour 3 pierres pourries, j’ai trouvé que finalement c’était mieux de les virer”, vous en dîtes quoi ? Le respect de l’engagement, des règles, de la loi ?
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une belle bouse à 15 000 € le m²
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Merci Violette Artaud de suivre l’avancée de ce projet sur la durée.
En tant que riverain très attaché à la plage des Catalans, je vais tout de même me permettre une petite remarque: aborder le sujet du Sea One sous l’angle patrimonial risque de nous faire passer à côté du problème majeur posé par ce projet, le risque d’annexion d’un assez gros morceau de domaine public.
Pour ceux que ça pourrait intéresser, voilà un billet de blog sur la question:
https://marsactu.fr/agora/le-patrimoine-cest-bien-lespace-public-cest-parfois-mieux/
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Merci de nous interpeller sur ce point !
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Une “mocheté”, une “verrue”, une “bouse”… Eh bé, il faut croire que tous les lecteurs de Marsactu habitent au Corbusier, au Castel ou dans une villa de la Corniche ! 😉
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La mauvaise foi semble être la moyen de communiquer de l’architecte, ses arguments ne tiennent pas debout.
1. il est l’auteur du PC
2. le bet declasse les pierres sauf avis justifié du bet (on tourne en rond)
3. retrouver l’ingénieur de 16ème: il éxiste des procédures moderne de certification des pierres
Quand on veut tuer son chien, le mieux est de l’accuser d’avoir la rage.
Dommage venant d’un architecte de grand talent.
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Ce n’est pas dommage, ni regrettable, c’est scandaleux. Le “talent” monte à la tête, et on se croit le Roi du monde, intouchable.
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Cet immeuble est en effet une bouse, une mochété, un taudis de luxe, une verrue, comme 90% de l’architecture contemporaine, de la musique contemporaine, des arts plastiques contemporains. Ceci depuis que l’art est devenu un appendice marchand de la société industrielle. Celle.ci entre fort heureusement en agonie faute de pétrole. Cela nous évitera peut-être les épisodes suivants : transhumanisme sauce US et contrôle social total à la chinoise.
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” Nous avons essayé de restituer un mur invisible depuis 100 ans dont personne ne connaissait l’existence”
Ce genre d’affirmation ne glorifie pas celui qui l’écrit.
Car ce mur était mitoyen entre le hall Giraudon et le parking d’entrée du Cercle des Nageurs. Sa face externe était donc visible depuis toujours ( c’est à dire au moins 1921, date de la fondation de Cercle) par les 4000 membres du club.
Et parmi ceux ci, du moins ceux qui avaient la moindre culture technique
si ce n’est le bon sens, savaient parfaitement, pour le voir chaque fois qu’ils entraient au Cercle, que ce mur étaient en parfait état, hormis sa vétusté.
Et donc parfaitement démontable et réutilisable après restauration.
Mais bien sûr, le coût d’une telle opération n’a aucune comparaison avec la réalisation des panneaux préfabriqués réalisés.
Il faudrait peut être avoir le courage et l’honnêteté de présenter la question sous son véritable aspect.
Bertrand Laville,
Ingénieur EIM et ISBA, docteur ès sciences, professeur honoraire à l’Ecole Centrale Marseille.
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Merci à Bertrand Laville de rétablir la vérité historique à propos des arches du mur du Lazaret que l’on pouvait voir à l’entrée du parking du Cercle des Nageurs avant démolition .
D’autre part ce n’est pas en qualifiant Rudy Riciotti de Star que Mars Actu valorisera l’image de Marseille souvent véhiculée au travers des magnifiques réalisations de cet architecte visionnaire au Mucem .
Enfin, permettez-moi de sourire à propos de la procédure engagée par la Direction de L’urbanisme de la Mairie de Marseille qui restera sans suite après avoir été largement décrite dans les médias .
Bien cordialement
Eliane Jacquot
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“que l’on pouvait voir à l’entrée du parking du Cercle des Nageurs”
Donc pas tout le monde. Moi je ne l’ai jamais vu.
Comment faut faire pour être un “nageur Marseillais” ???
Car, la priorité pour moi et mes très nombreux voisins, c’est d’avoir une piscine dans notre quartier (La Cabucelle) : nous aussi on aimerait bien être des nageurs Marseillais !
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Bravo
Il faut avoir le courage de refuser la conformité
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Bravo
Il faut avoir le courage de refuser la conformité
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Tout le monde s’excite mais ce mur n’était absolument pas le mur d’un lazaret disparu corps et biens dont on n’a retrouvé, lors des travaux, que les FONDATIONS. Ce dont il est question est un vestige d’un projet d’écuries pour l’impératrice Eugénie, propriétaire du palais du Pharo voisin.
Arrêtez de parler d’un “mur du XVIe siècle”. C’est le Lazaret qui est du XVIe, et il n’en reste que la tour, qui attend une rénovation urgente.
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