Le député d’Aix Mohamed Laqhila, un Modem en tentative de reconnexion
Très actif à l'Assemblée sur les questions de fiscalité et des entreprises, cet expert-comptable va devoir faire oublier son échec cuisant à la municipale d'Aix, dans une circonscription très favorable à Emmanuel Macron.
Mohamed Laqhila et sa suppléante Françoise Cauwel lors du lancement de leur comité de soutien pour les législatives 2022.
“S’il suffisait juste de dresser un bilan sur une feuille A4 pour espérer gagner, je resterais chez moi.” Le député de la 11e circonscription Mohamed Laqhila (Modem, soutenu par Renaissance) “pense sincèrement que le job a été fait” mais veut “garder une certaine humilité”. Le revoilà donc parti en campagne pour “convaincre” car “rien n’est gagné”, haranguant son comité de soutien réuni la semaine dernière pour la première fois.
Sur le papier, son siège ne paraît pas le plus en danger. Sa circonscription, qui regroupe Les Pennes-Mirabeau, Cabriès, Septèmes, Éguilles et l’Ouest d’Aix-en-Provence, est dans le trio départemental des plus favorables à la majorité présidentielle. Le 10 avril, lors du premier tour, Emmanuel Macron y affichait 4,5 points d’avance sur Marine Le Pen, en progression de 5 points par rapport à 2017. Une configuration voisine de la 14e circonscription, qui comprend l’Est d’Aix et du pays d’Aix, où la sortante Anne-Laurence Petel battra le pavé pour Renaissance.
Surtout, il y a cinq ans, la vague macroniste avait fait “céder la forteresse” Christian Kert (LR), six mandats consécutifs au compteur. Ce dernier ne tente pas une revanche et son parti a accordé son soutien à Hervé Liberman, conseiller régional UDI, le parti de la maire d’Aix Sophie Joissains. Dans une vision à “trois blocs” du paysage politique français, Mohamed Laqhila inclut volontiers ce rival dans le sien, face aux “extrêmes”. Et encore, l’alliance emmenée par Jean-Luc Mélenchon est ici représentée selon lui par “un écologiste de droite”, Stéphane Salord (Génération écologie)…
Face à l’ex-maire de Cabriès passé au RN
Je dois bien reconnaître qu’à la présidentielle le score du RN m’a fait un petit peu peur.
Michel Amiel, maire des pennes-Mirabeau
De quoi constituer un potentiel de réserves de voix dans un second tour qui pourrait l’opposer au RN, “l’adversaire principal”. Michel Amiel, ancien sénateur rattaché au groupe LREM et co-président de son comité de soutien l’a rappelé lors de la réunion publique : “Je suis le maire d’une ville importante de cette circonscription [les Pennes-Mirabeau, ndlr] même si je dois bien reconnaître qu’à la présidentielle le score du RN m’a fait un petit peu peur, pour ne pas dire honte. C’est une raison de plus d’être ici ce soir”. Avec 38 % au premier tour, 61 % au second, Marine Le Pen a bien illustré dans cette commune l’ancrage important de l’extrême-droite dans les communes péri-urbaines, tout comme dans la ville communiste de Septèmes-les-Vallons (57 % au second tour).
Malgré la division amenée par la candidature Reconquête et le risque de démobilisation d’une partie de l’électorat RN, l’adversaire porte ici les traits bien connus à Cabriès d’Hervé Fabre-Aubrespy, maire de la commune à deux reprises et rallié au RN en 2021. Une incarnation à double tranchant pour les militants locaux de la majorité présidentielle, après sa troisième place aux municipales 2020. “Personne ne le calcule plus”, veut-on croire.
La claque de l’élection municipale
Candidat dissident à Aix-en-Provence, il n’a récolté que 553 voix.
Mais ces mêmes élections municipales de 2020 ont pu enseigner l’art de l’humilité à Mohamed Laqhila, ancien élu d’arrondissements du 7e secteur de Marseille. Candidat à Aix-en-Provence face à la représentante officielle de la majorité présidentielle Anne-Laurence Petel, il n’a récolté qu’1,8 % des suffrages. 553 voix. “Cela a été analysé comme une dissidence, les gens n’aiment pas cela et la sanction est tombée”, lâche-t-il sobrement.
Deux ans plus tard, pour son lancement de campagne au jardin de l’Arbois de Cabriès, l’affluence n’est d’ailleurs pas celle des grands soirs. Outre Michel Amiel, venu avec une partie de ses adjoints, et le binôme candidat dans la circonscription voisine, l’assistance se limitait à une vingtaine de personnes, des fidèles. Le signe d’une implantation locale limitée, voire même négligée ? Ses agendas hebdomadaires et ses vidéos régulières témoignent qu’il consacrait ses fins de semaine à sa circonscription, mais “là où il y a le plus à faire c’est quand même à l’Assemblée”, pose-t-il en aparté, avec une pique à un collègue sortant “que j’ai dû voir deux fois”. Parmi les 150 députés parmi les plus actifs dans plusieurs catégories recensées, Mohamed Laqhila rappelle dans son discours s’être “engagé sur deux axes : travailler sans relâche et réformer notre pays”.
Une vision du travail parlementaire que sa suppléante tente d’infléchir vers une “proximité” plus traditionnelle dans l’argumentaire électoral. “J’ai écrit un livre qui s’appelle Faites le trottoir ! – La politique au coin de la rue, alors le terrain je suis là pour ça”, défend Françoise Cauwel, ancienne élue de Fréjus et organisatrice d’événements culturels. Elle regrette que “les gens se fourvoient en pensant que leur député, c’est leur maire”, évoquant des discussions sur la rénovation du cours Sextius bien loin du palais Bourbon. Mais elle le dit sans fard : “Sur le marché, s’ils ont l’impression de ne vous avoir jamais vu, vous repartez direct dans le panier.”
Les conseils pouvoir d’achat de l’expert-comptable
À l’heure de briguer les suffrages pour cinq ans de plus, Mohamed Laqhila avance deux thématiques phares d’argumentaire, très terre à terre : le pouvoir d’achat et l’environnement. “Le point d’indice des fonctionnaires, c’est fait, la revalorisation des retraites arrivera très vite, ainsi que la prime Macron. J’ai défendu deux ans de suite à la commission des finances que son plafond soit doublé ou triplé, je suis heureux que le président reprenne cette idée et aille même plus loin en passant à 6000 euros.” Un zoom qu’il accompagne d’une très sociale volonté de “partage de la valeur, de partage des richesses”.
Mais derrière le député, l’expert-comptable ne tarde jamais à ressurgir, se plaçant volontiers du point de vue de son client. “Pour un restaurateur, etc., c’est très simple. Il fait son virement et c’est tout, pas besoin d’une usine à gaz comme un accord d’intéressement, qui est quelque chose pour les grandes entreprises. Je me suis battu pour les TPE”, déroule-t-il. Même déformation professionnelle sur l’environnement, pris sous l’angle du “budget vert”, une comptabilité des impacts des décisions sur l’environnement. “Pour corriger, il faut d’abord mesurer, je le sais en tant qu’expert-comptable.”
Marsactu avait déjà raconté comment, dès les premiers mois de son mandat, celui qui était précédemment président de la Fédération nationale des experts-comptables avait poussé de multiples mesures concernant son secteur d’activité. La suite du travail parlementaire de ce membre de la commission des finances n’a pas rompu avec cette prédilection pour les questions du monde de l’entreprise. Continuant par ailleurs à exercer à son cabinet “tous les lundis”, il dit s’y trouver aux prises avec les questions de ses clients sur la politique menée, telles que les prêts garantis par l’État. “C’est mon dada”, souffle-t-il.
Une bête noire de la CGT
“Vous voulez faire fuir les riches, continuez comme ça !
Un échange avec des gilets jaunes reçus à sa permanence parlementaire
Mais dans sa permanence et sa circo, les échanges ont parfois été plus houleux. Pendant ce qu’il qualifie de “crise” des gilets jaunes, il accepte de recevoir des militants, mais l’échange tourne au vinaigre. Sa défense de la suppression de l’ISF, notamment, passe mal. “Vous voulez faire fuir les riches, continuez comme ça ! On a 8 millions de pauvres, on fait venir des pauvres plus pauvres que nous, on fait fuir les riches et c’est très bien”, leur lance-t-il. Défenseur d’une orthodoxie budgétaire, même s’il a “assumé le quoi qu’il en coûte”, il a aussi eu maille à partir avec la CGT. Après la perturbation d’un meeting de LREM pour les européennes à Gardanne, où il est présent, il porte plainte et appelle à la “dissolution” du syndicat, qu’il accuse par-dessus le marché d’avoir “détruit des centaines de milliers d’emplois”. S’ensuivent une série de manifestations devant sa permanence, jusqu’à l’audition par la police du secrétaire départemental du syndicat.
Mais le professionnel du chiffre est bien déterminé à défendre le programme à la lettre. Report à 65 ans de l’âge de départ à la retraite compris, promettant d’être “pédagogue” face aux “démagogues”. “Ça a été dit pendant la campagne présidentielle et les Français ont tranché. J’assume complètement et on porte ce projet, qu’il sera bien sûr du rôle du Parlement d’ajuster. Mon père était maçon, je sais bien qu’il n’aurait pas pu travailler jusqu’à 65 ans. Moi j’en ai 62, je pourrais partir à la retraite mais mon métier me permet de continuer. Il y aura sans doute des centaines d’amendements.” Gageons que Mohamed Laqhila y sera plus dans son jardin que dans celui de l’Arbois.
Commentaires
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tentative de reconnexion ????
meuh non !!! il faut qu’il se connecte, tout simplement.
1.8 % aux municipales, il a du boulot !
il semble très éloigné des préoccupations quotidiennes ce monsieur.
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Il a fait moins que le parti animaliste aux dernières municipales. Action majeure de son mandat : Il a été lauréat du prix Greenpeace des “Boulets du climat” en janvier 2021. Son “mérite” ? Un amendement porté à l’Assemblée nationale pour défiscaliser l’importation de l’huile de palme au profit de Total. On voit l’individu.
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