L’hallucinant couplet juridique de la métropole pour attaquer le poisson d’avril écolo

Martine Vassal, présidente de la métropole, en conférence de presse en octobre 2021. (Photo : BG)

La métropole ne souhaite pas rire avec les rieurs. Vendredi 1er avril en fin de soirée, elle a annoncé vouloir déposer plainte contre ANV-Cop 21, un collectif écologiste qui avait eu le malheur de lui coller un poisson dans le dos. Celui-ci proclamait faussement, codes visuels de la métropole et signature de Martine Vassal à l’appui, la gratuité des transports en commun à Aix et Marseille dès septembre 2022.

Le communiqué rageur de la métropole précisait qu’une plainte serait déposée à l’encontre de l’association. L’argumentation est la suivante : “Il s’agit, de fait, d’un document qui tombe sous le coup de la loi contre la manipulation de l’information de décembre 2018, et qui manifeste une volonté de déstabilisation politique flagrante dans un contexte de campagne électorale, à une semaine du premier tour de l’élection présidentielle. Ce faux communiqué porte ainsi préjudice aux usagers, victimes de cette « fake news ». De ce fait, la métropole a décidé de porter plainte.”

Un détournement de la loi contre les “fake news”

L’institution prétend ainsi s’inscrire dans le cadre de la loi de lutte contre les “fake news” votée en 2018. Pour les députés LREM qui avaient porté le texte, il s’agissait de réprimer les “campagnes massives de diffusion de fausses informations destinées à modifier le cours normal du processus électoral”. Un costume bien trop grand pour le petit poisson malicieux, jauge le maître de conférences à Aix-Marseille université et avocat au barreau d’Aix Frédéric Laurie : “C’est totalement en dehors du cadre de la loi sur la manipulation de l’information. C’est une loi qui ne s’applique qu’en matière électorale. Ce ne sont pas les élections municipales et métropolitaine et Martine Vassal n’est pas candidate à la présidentielle.”

S’agit-il alors seulement d’une volonté de mettre en difficulté des opposants ? Contacté, l’entourage de la présidente Martine Vassal minimise plutôt la portée de sa décision : “C’est plutôt une réaction de l’administration face à l’usage du logo qu’une décision politique.” La même source précise qu’il ne s’agit pas de “trop en faire mais de dire simplement qu’il n’est pas acceptable de faire les choses comme ça”.

la métropole va mettre plus d’énergie à porter plainte contre des citoyens qui alertent plutôt que de lutter contre la culture de la voiture.

Gwenaëlle Menez, ANV-COP 21

ANV-Cop 21 se dit pour sa part “prête à se défendre devant la loi” par la voix de sa porte-parole marseillaise, Gwenaëlle Menez. “On savait très bien qu’on n’avait pas à reprendre le logo de la métropole, assume-t-elle. Mais la manière dont ils gèrent les choses est tellement défaillante qu’on est prêts à prendre des risques juridiques pour exprimer notre colère. Au final, ça me fait doucement rire de voir que la métropole va mettre plus d’énergie à porter plainte contre des citoyens qui alertent plutôt que de lutter contre la culture de la voiture et de changer les choses vraiment.”

La procédure n’évacue pas la question politique posée par le collectif sur la gratuité des transports. “Le troisième volet du rapport du GIEC vient de sortir, il est clair qu’il faut agir. Et parler de la gratuité permet d’intéresser les gens à ces questions”, assure la militante. “La procédure n’empêche pas que l’on puisse reposer la question, rétorque-t-on dans les couloirs de la métropole. Mais, la dernière fois que nous avons regardé, nous n’en avions pas les moyens.” Un débat qui a plus sa place dans l’espace public ou les assemblées que dans les tribunaux.