Le dernier combat des propriétaires de la rue d’Aubagne contre leur éviction
Devant le tribunal administratif, les propriétaires ont souligné l'absence de projet pour le haut de la rue d'Aubagne. Eux souhaitent rester et rénover leurs immeubles. Les avocats de la métropole et de l'État mettent en avant la longue mise en place du projet.
Les pouvoirs publics souhaitent racheter les immeubles du haut de la rue pour prendre en main la rénovation. (Photo JV)
L’expression est éculée mais Shirley Leturcq l’emploie à dessein pour mieux souligner les “pots de fer”, venus se défendre contre un recours de “pot de terre”. Même si “le tribunal n’a que faire de l’adage”, l’avocate défend la requête initiée par plusieurs propriétaires de la rue d’Aubagne contre la déclaration d’utilité publique qui doit permettre leur expropriation. Le matin même, ils avaient rendez-vous devant le juge pour entamer cette procédure qui doit les forcer à vendre leurs biens à l’établissement public foncier régional (EPF), tous situés entre le 65 et le 83 de la rue d’Aubagne.
Face à elle, l’avocate a l’État, en la personne du représentant de la préfecture des Bouches-du-Rhône, Émile Magica, l’avocat de la métropole, Thomas Poulard – présent en observateur mais qui souhaite être considéré comme “partie à l’affaire” – et son confrère, Antoine Pupponi, pour l’EPF. Dans les mois qui viennent, celui-ci va devenir propriétaire de l’ensemble de cette portion de rue, y compris des bouts de terrain peints à la chaux sur lesquels reposaient les 65 et 67 rue d’Aubagne, effondrés le 5 novembre 2018.
Le numéro 63, déjà propriété de Marseille Habitat, a été exclu du périmètre de ces acquisitions. Une déclaration d’utilité publique, prise en juin 2021 par la préfecture des Bouches-du-Rhône permet ces achats, y compris forcés. Ce bout de rue doit constituer une “réserve foncière” en attendant un projet précis, échafaudé par la Ville, la métropole et l’État dans le cadre du projet partenarial d’aménagement (PPA).
Absence de projet
Ce mercredi, quatre propriétaires de ce tronçon de rue, dramatiquement touchée par les effondrements, entendent contester cette éviction forcée. Deux possèdent un appartement, dont un l’occupait, les deux autres un immeuble entier. Pour eux, la première condition de la procédure de référé, l’urgence, se justifie aisément : ce mercredi matin, ils étaient en audience devant le juge de l’expropriation. Ils y ont obtenu un délai pour préparer leur défense, mais la machine est lancée.
Leur avocate fait donc feu de tout bois multipliant les arguments pour demander la suspension de la déclaration d’utilité publique. Entre autres moyens, elle entend démontrer l’absence de projet qui vient justifier la réserve foncière, alors qu’il s’agit du motif officiel de la déclaration d’utilité publique. “La réserve foncière justifie la réalité du projet d’action, de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, développe Shirley Leturcq. Mais le seul projet qui existe est le projet partenarial d’aménagement qui prévoit d’agir sur quatre îlots prioritaires. Celui-ci ne préfigure en rien la réalité du projet, parce qu’il n’y en a pas.”
L’argument des micro-pieux
Au final, note l’avocate, le seul projet est “la volonté d’avoir une emprise intégrale” sur la parcelle. Il y a bien l’intention d’y faire du logement social, “mais on ne donne pas la surface de l’habitat social envisagé”. Vient ensuite la justification de travaux sur l’ensemble de la zone “par la pose de micro-pieux” pour venir consolider les fondations, opération difficile à mener avec des propriétaires éparpillés. “Mais l’EPF maintient que la démolition reste envisagée”, soutient encore le conseil des propriétaires contestataires pour mieux souligner la versatilité des arguments.
En face, les avocats déploient cette même argumentation. Celle de pouvoirs publics qui ont pris les choses en main à partir du drame de la rue d’Aubagne. Pour la préfecture, Émile Magica rappelle l’engagement de la métropole au lendemain des effondrements via une stratégie territoriale de lutte contre l’habitat indigne, visant à intervenir “sur les immeubles les plus dégradés”. Doctement, il rappelle le projet partenarial d’aménagement, les quatre îlots prioritaires, tout en soulignant que “pour cette opération, on ne dispose pas encore de caractéristiques précises”.
L’avocat de l’établissement public foncier, Antoine Pupponi va dans le même sens, soulignant que la réserve foncière “doit permettre de se laisser le temps de la réflexion”. Sur ses talons, l’avocat de la métropole Thomas Poulard rappelle également que le “PPA a été signé en seulement un an avec l’ensemble des parties prenantes concernées par cette opération qui consiste à agir sur 1000 hectares, durant 15 ans”. Mis bout à bout, les argumentaires avancent comme des bulldozers de l’évidence : l’habitat indigne est une priorité qui passe par cette rue. “Et 80 % des logements indignes concernent des propriétés privées”, précise Antoine Pupponi pour mieux justifier l’intervention publique à cet endroit. Le juge des référés a promis une réponse pour la semaine prochaine.
Commentaires
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La requête en référé a été rejetée par le Juge des référés le 16 novembre 2021
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Merci pour l’info
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Le juge des référés n’a pas disqualifié la demande sur le défaut d’urgence mais a rejeté la requête en précisant qu’aucun des moyens (arguments) n’était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la DUP.
Le délai de pourvoi des requérants est de quinze jours.
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Merci pour ces précisions très intéressantes. Il est bien sûr facile de s’exprimer après, mais au-delà de l’histoire du pot de terre contre le pot de fer, cela semblait tout de même couru d’avance…
@Marsactu: ce serait envisageable d’assurer le suivi des décisions judiciaires annoncées dans les articles ? Via les brèves, peut-être ? (Ou peut-être que cela pourrait faire une rubrique à part))
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Les aménageurs publics obtiennent toujours gain de cause. Ils s’approprient une zone entière avec un objectif souvent très vague d’un futur projet (pas toujours réalisé d’ailleurs) et obtiennent ce fameux DUP sésame leur permettant ensuite tous les abus ( exemple démolir des immeubles en bon état uniquement pour réaliser leur projet, donc suppression de confort et non dicté par l’état de cet immeuble) . Le plus courant est de pouvoir vous indemniser à minima.
Ne pas compter sur le juge de l’expropriation pour rétablir l’équité. Ce tribunal ne voit qu’une seule chose : l’objectif de la structure qui prend possession et vos problème personnels de spoliation iridescente n’est pas prise en compte. Donc si votre bien immobilier est en bon état, vous serez indemnisé sur la moyenne de tout les taudis de la zone : A vous d’accepter d’être un sacrifié pour une cause honorifique au départ. Vous repartirez à la fin avec de quoi vous acheter un garage si vous aviez avant un bel appartement et de quoi vous acheter un appartement si vous aviez un immeuble correct. Les calculs présentés comme un minima à appliquer par le délégué des Domaines, a été supprimé devenu à présent juste un conseil.. Les nouvelles Lois qui auraient pu vous servir d’arguments pour vous défendre sur une sous-évaluation ont toutes été supprimées. OBJECTIF CLAIR : vous empêcher dans tous les cas de pouvoir contester. Si vous osez vous révolter en tant que victime de l’opération, on risque de vous sanctionner encore plus en appel.
Ce système est conforme à celui courant dans les états de non droit ou plutôt lorsque l’Etat met ses citoyens dans l’impuissance totale à se défendre et ferme les yeux sur une spoliation systématique ….. pratiques indignes d’un état dit démocratique.
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