Puffins, chauves-souris et oiseaux migrateurs doivent-ils craindre les éoliennes en mer ?
L'installation d'éoliennes off-shore sur des zones classées Natura 2000 où vivent une variété d'espèces protégées en Méditerranée pose la question de leurs impacts sur la biodiversité. Si les mammifères marins seraient peu perturbés, des impacts "moyens" ont été identifiés pour cinq espèces d'oiseaux.
Puffins de Scopoli. Crédits photo : Jean Patrick Durand – Parc national des Calanques
Les triplettes verront le jour en 2023. Le projet Provence Grand Large, porté par la filiale EDF Renouvelables, prévoit l’installation de trois éoliennes flottantes de 8,4 mégawatts au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône. Le 28 octobre 2021, il a reçu l’aval du préfet des Bouches-du-Rhône qui a signé une dérogation au titre des espèces protégées et des sites Natura 2000. Comprendre, une indulgence vis-à-vis des conséquences sur ces animaux dans une zone normalement sanctuarisée.
Ce type de dérogation est commune pour les gros chantiers industriels. Concernant les éoliennes flottantes, le préfet considère “que ce projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur, du fait qu’il contribuera à la lutte contre le changement climatique“. Mais les inquiétudes persistent autour de l’impact sur la biodiversité, particulièrement en Méditerranée.
La ferme “pilote” de trois éoliennes installées en 2023 ouvrira la voie à deux parcs de plus grande ampleur.
Ces trois éoliennes en mer doivent servir de “ferme pilote” en amont de l’installation de deux grands parcs éoliens en Méditerranée d’ici à la fin de la décennie. Projet porté par l’État et Réseau transport d’électricité (RTE). L’appel d’offre n’a pas encore été lancé et la localisation n’est pas fixée, mais l’objectif est d’installer une centaine d’éoliennes en tout. Marsactu avait décrypté les enjeux de ce projet à l’ouverture du débat public. Depuis, plusieurs milliers de contributions ont été relevées. Elles sont très “nuancées et complexes“, d’après Étienne Ballan, président de la commission particulière du débat public sur les éoliennes flottantes. Après le rendu de la synthèse de ce débat, le 31 décembre prochain, l’État et RTE auront trois mois pour faire le choix de lancer ou non l’appel d’offre.
Des impacts “moyens” sur cinq espèces d’oiseaux marins
Provence grand large a déjà démarré la construction de ses flotteurs sur le site d’Eiffage à Fos-sur-Mer pour la ferme-pilote. Dans sa demande de dérogation aux espèces protégées, EDF Renouvelables a fait appel au cabinet de consulting Natural Power. Ce dernier évalue les impacts du projet sur la biodiversité locale. Pour les poissons, les mammifères marins, les tortues, les chauves-souris, ces impacts varient entre “faible” et “négligeable”. Cinq espèces d’oiseaux marins subiront des impacts “moyens” : deux espèces de puffins, deux de mouettes et une espèce de sterne. Mais aussi un groupe d’oiseaux migrateurs terrestres.
Le puffin yelkouan, en danger d’exctinction, est une des espèces qui suscitent le plus d’attention.
Certaines de ces espèces n’existent qu’en Méditerranée. C’est le cas du puffin yelkouan, classé “en danger critique d’extinction” selon les critères UICN. La collision est le principal facteur de risque avec les engins, dont l’extrémité des pales pourra atteindre plus de 100 mètres de hauteur. Dans l’étude d’impact sont aussi pris en compte : l’effet barrière – les oiseaux pourraient modifier leurs itinéraires – et donc déplacement des espèces, mais aussi les perturbations dues à l’attraction lumineuse.
EDF Renouvelables s’engage à mettre en place des mesures d’accompagnement et de réduction des impacts sur la biodiversité de ce projet. Les éoliennes s’arrêteront 500 heures par an pendant les périodes de reproduction des oiseaux et EDF Renouvelables financera le salaire d’un agent du parc national des Calanques pendant cinq ans pour étudier les puffins. Aussi, un comité de suivi et de surveillance sera mis en place “en toute transparence et indépendance vis-à-vis du bénéficiaire“, assure Provence grand large.
Mais ces actions ne permettent pas pour autant d’éviter les perturbations. C’est pourquoi le maître d’ouvrage est contraint de s’engager sur cinq mesures de compensation : le contrôle et l’éradication des prédateurs des nids de puffins, à terre, que sont le chat et le rat, l’amélioration de la sélectivité des engins de pêche pour réduire la pêche accidentelle de ces oiseaux, la limitation de l’accès aux sentiers touristiques en période de reproduction et la création ou rénovation de lieux de nidification. Des mesures parfois peu précises que le porteur de projet n’a pu détailler à Marsactu.
Un choix toujours contesté
Les éoliennes flottantes ont aussi leurs contradicteurs. Dans un avis rendu le 2 mars 2021, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) n’approuve pas le projet. “La Camargue est un delta qui draine le deuxième axe migratoire en France pour tous les oiseaux en provenance d’Europe du Nord de juillet à novembre, soit des millions d’oiseaux de passage qui transitent au printemps et à l’automne.” Le CNPN pointe également son inquiétude sur les chauves-souris et estime que “l’effort de prospection n’est pas considéré à la hauteur des enjeux“.
Un argument qui revient dans la bouche des membres de l’association Nacicca (Nature et citoyenneté Crau-Camargue-Alpilles). “Les chauves-souris viennent chasser en mer et effectuent aussi des migrations entre le printemps et l’automne“, indique Anthony Olivier, qui suit ce dossier pour Nacicca. Son association avait saisi la cour administrative d’appel de Nantes contre le projet Provence grand large. Suite au jugement, le projet a dû se mettre en conformité et notamment récolter les avis conformes des parcs nationaux de Port-Cros et des Calanques et l’aval du préfet relatif aux sites Natura 2000 et aux espèces protégées. C’est aujourd’hui chose faite et les deux parcs nationaux ont donné en début d’année un avis favorable.
Un manque de données scientifiques
L’avis conforme du parc national des Calanques est cependant assorti de plusieurs réserves. Même si les éoliennes ne seront pas installées au sein du parc, ses membres ont été consultés en raison des impacts qu’elles auront sur les oiseaux marins endémiques, nichant dans les calanques.
Concernant l’impact sur les oiseaux migrateurs, les études seraient pour le moment insuffisantes.
Concernant les puffins, les spécialistes du parc sont optimistes. “Les puffins ne volent pas à la hauteur des éoliennes, le risque de collision est dérisoire. Ça ne met pas en péril la pérennité de l’espèce“, explique Thierry Tatoni le président du conseil scientifique du parc. En revanche, pour certains oiseaux migrateurs, les données manquent, explique encore Thierry Tatoni. Ceux de petite taille comme les passereaux ne peuvent par exemple pas être équipés de GPS, trop gros pour eux. Pour l’écologue marseillais, le projet de ferme pilote permettrait de “rattraper notre retard” sur la connaissance de ces trajectoires. Les radars et les caméras installés sur les éoliennes pourront évaluer la densité, la direction et la hauteur de leurs vols.
“Les impacts du réchauffement climatique sont largement supérieurs à ceux des éoliennes. Aujourd’hui on ne peut plus fermer la porte aux énergies renouvelables. Si on ne se sort pas des dogmes on va perdre 50% de la biodiversité d’ici 50 à 100 ans !“, met-il en perspective. Mais le calendrier gouvernemental n’attend pas non plus. Pour les parcs géants, l’État pourrait lancer les appels d’offre en mars 2022. D’après Etienne Ballan, un “certain nombre d’acteurs qui sont loin d’être des opposants aux éoliennes flottantes”, ainsi que des ornithologues, souhaitent voir le report du projet afin d’attendre le bilan des fermes pilotes sur le comportement des oiseaux. Reste à l’État de trancher.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Natura 2000 n’a qu’un aspect descriptif mais en aucun cas construire des éoliennes géantes n’a de valeur contraignante.
Mais la biodiversité peut attendre par rapport au gaspillage d’électricité…!
Se connecter pour écrire un commentaire.
pour se donner bonne conscience on crée des zones protégées mais le préfet peut déroger au nom d’un supposé ” intérêt public majeur” décrété par lui
il serait temps d’arrêter cette forme d’hypocrisie, voir la COP 26, et décider une bonne fois pour toute
– soit de protéger soit d’exploiter
– d’arrêter de nous faire croire que c’est à nous simple citoyen de faire le nécessaire avec nos petits gestes
Se connecter pour écrire un commentaire.
Les petits gestes ne seront pas suffisants mais ils ont un très fort impact psychologique, notamment pour mettre en rapport le bénéfice de tel geste par rapport à tel autre, et nous amener à reconsidérer nos habitudes de vie… et pour sortir du “j’atten que toutes les solutions soient prêtes” sachant qu’elles ne le seront jamais tant qu’il n’y aura pas de marché , que les dominants des marchés actuels freinent autant qu’ils le peuvent.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Bonjour,
L’article aurait été un peu plus complet en précisant que les éoliennes s’implantent dans un site déjà fortement industrialisé, avec le port industriels et les industries polluantes installées entre Fos et l’Etang de Berre qui ont, sans aucuns doutes, un impact majeur sur la biodiversité (et la santé) aux vus des externalités négatives de ces industries. En outre, celles-ci s’implantent à la marge du PNR de la Camargue, pas tout à fait dans le delta des oiseaux migratoires. Si je ne contredis pas du tout l’article, qui est nuancé et sourcé sur le fond, je m’attend d’un média local de qualité à un peu plus de travail de contextualisation et d’analyse pour ne pas tomber dans les clichés sur ce sujet.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Je ne comprends pas bien vos conclusions …
Se connecter pour écrire un commentaire.
ils sont déjà dans la merde ,on n’est pas dans le Parc ,pas d’impact majeur ( à démontrer ) sacrés arguments je propose d’ailleurs que l’usine nucléaire prévue sur le site de Tricastin vienne s’installer là !
Se connecter pour écrire un commentaire.
@Brasilia
Attention à ne pas trop inspirer notre président, car là il n’y aura pas de zone Natura 200 qui vaille : il a décidé pour les 100 prochaines années et pis c’est tout
Se connecter pour écrire un commentaire.
@RML je ne tire pas de conclusions définies pro/contre l’installation de ces éoliennes, il reste des études d’impacts à mener… Je trouve simplement dommage de ne pas mentionner (comme un commentaire le fait plus bas) qu’il s’agit d’une des zones les plus pollués du Département voire de la Région, cela nuit à la qualité de l’article et à une bonne compréhension du contexte et des enjeux du projets. J’espère avoir été plus clair!
Se connecter pour écrire un commentaire.
Si tu veux planter une éolienne, en échange zigouille chats et rats.. Et la gent ailée te remerciera. Ainsi parlait Zarathadministra.
Se connecter pour écrire un commentaire.
l’installation des éoliennes fait naître des oppositions. certes probablement toutes intéressantes et basées sur des faits réels. mais elles apparaissent avec un systématisme bizarre, quel que soit l’endroit.
je rejoins le commentaire de “remi cossetti”. Ce n’est pas comme si, rien dans ce secteur ne gênait les oiseaux…. c’est l’endroit le plus pollué du département et peut être de la région…
c’est peut être un peu cynique de ma part, mais quel dommage que ces associations n’aient pas existées en 70, 80… on aurait évité les installations donc les pollutions des usines autour de l’étang – peut être- quoique !
et pourquoi ai-je l’impression que tout ça est bien tardif : la protection de la nature dans la zone port de bouc fos, istres… me semble un peu fichue !
alors ok pour les puffins… mais pour le reste….
Se connecter pour écrire un commentaire.