[La nature au sommet] “La biodiversité ordinaire mérite notre attention”
Pendant une semaine, 20 000 congressistes du monde entier viennent à Marseille pour échanger sur la biodiversité à l'occasion de l'UICN. Marsactu n'est pas en reste et vous propose une série d'articles sur les enjeux locaux. Coordinateur d'un programme de suivi des oiseaux en PACA, Vincent Mariani détaille les résultats alarmants d'une étude parue cet été.
Un roitelet huppé, l'une des 116 espèces oiseaux recensées dans le cadre du programme STOC dans la région. (Photo : Philippe Poiré)
Coucou gris, pic-vert, mésange bleue, corneille noire et jusqu’aux bons vieux moineaux : leurs noms, et souvent leurs chants, résonnent familièrement à nos oreilles. Ces oiseaux sont dits “communs”, car ils font historiquement partie du quotidien, mais leur population a diminué d’un tiers à trois-quarts depuis le début des années 2000. Ce sont les derniers résultats du programme STOC (pour suivi temporel des oiseaux communs) en Provence-Alpes-Côte d’Azur, publiés cet été.
Ce dispositif de sciences participatives est alimenté principalement par des dizaines de bénévoles, qui écument un carré de 2 kilomètres de côté tiré au sort, sous la houlette du conservatoire des espaces naturels (CEN PACA) et de la Ligue de protection des oiseaux. Les 116 espèces suivies permettent de dégager une tendance globale, mais aussi par type de lieux fréquentés (villes, forêts, prairies, mixte…).
Coordinateur du programme dans la région et chargé de mission au CEN PACA, Vincent Mariani nous présente ces résultats, leurs ressorts et ce qu’ils disent du rapport au vivant qui nous entoure.
L’étude parue cet été se conclut sur un constat alarmant, particulièrement dans les espaces périurbains et agricoles. Quelles en sont les causes ?
Alarmant, c’est le mot. Ce qui ressort des analyses, c’est un déclin généralisé, pour une grande partie des espèces communes. Cette tendance à la baisse s’observe également au niveau national mais elle est plus marquée au niveau régional : le déclin des groupes d’oiseaux associés aux quatre types de milieux étudiés (généralistes, milieux bâtis, milieux forestiers et agricoles) est plus important. Ce bilan est toutefois à prendre avec des pincettes les résultats sont plus fins à l’échelle nationale.
C’est principalement dû à la perte d’habitat, qui va jouer sur la possibilité de reproduction. Pour le milieu agricole, cela correspond à la déprise mais aussi à des évolutions de pratiques. C’est le cas des regroupements de parcelles, avec des exploitations de plus en plus grandes, de la perte des haies et de tous ces lieux d’interactions entre milieux ouverts [champs, prairies…, ndlr] et des milieux plus forestiers, qui sont importants pour de nombreuses espèces. L’autre cause générale est la baisse des ressources alimentaires, notamment liée à l’utilisation de pesticides qui affecte la quantité d’insectes disponibles.
Il y a trois ans, l’observatoire régional de la biodiversité soulignait déjà un point similaire sur cette nature du quotidien en difficulté, alors que les espèces et les espaces protégés se porteraient bien.
Attention on trouve parmi les espèces communes, au sens de l’abondance, des espèces protégées, pour leur intérêt, reconnu depuis longtemps, dans la conservation des écosystèmes : leur protection permet une protection plus large des espaces naturels. C’est le cas par exemple du rouge-gorge ou du chardonneret élégant, même si la forte baisse des effectifs de ce dernier l’ont récemment hissé à un statut plus élevé de vulnérabilité dans la liste rouge des espèces menacées. Maintenant si l’on parle des espèces à enjeu de conservation fort, pour lesquelles il y a des mesures de gestion, les choses vont certainement mieux. C’est le cas de l’aigle de Bonelli ou d’autres rapaces.
Pour les espaces protégés, c’est l’enjeu d’un programme plus récent. Le programme STOC repose à la base sur des bénévoles qui suivent des carrés tirés au sort. Là il s’agit de suivre sur le long terme des sites gérés par le CEN PACA, le conservatoire du littoral, etc. Nous n’avons pas encore assez de données au niveau local, mais une étude similaire sur les réserves nationales a conclu que la tendance est meilleure.
Cela pose quand même la question de savoir si la biodiversité, c’est quelques espèces emblématiques dans un écrin.
Lorsqu’on fait des efforts sur des espèces, c’est parce qu’elles sont considérées comme en voie d’extinction, qu’il ne reste parfois que quelques couples sur un territoire. Mais bien sûr que la biodiversité c’est l’ensemble du vivant et que la biodiversité dite ordinaire n’est pas inutile et mérite notre attention. Elle est importante pour la vie humaine, pour l’équilibre de notre environnement. C’est même tout l’objet du programme STOC, qui met en évidence son déclin pour les mêmes raisons que la biodiversité protégée.
Quelles sont les pistes pour cette biodiversité ordinaire, notamment sur l’espace périurbain ?
Le premier axe est une réflexion sur l’aménagement du territoire, en limitant le mitage, en prenant en compte la biodiversité dans les documents d’urbanisme. Cela reste compliqué. Même si le mot biodiversité apparaît de plus en plus et si les décideurs sont de plus en plus au fait des enjeux et demandeurs d’expertises, le tout béton reste encore très prenant. On a encore des projets qui vont à l’encontre de ce qui est préconisé. L’autre axe est l’évolution des pratiques agricoles, qui ont modifié les paysages ces dernières décennies. Ce n’est pas un retour en arrière, mais une prise en compte de l’impact. C’est encore difficile d’inverser la tendance, car le monde agricole a appris à fonctionner ainsi et cela a un coût.
Entre l’exceptionnel des calanques et l’ordinaire des champs, on pourrait presque penser que la biodiversité ne concerne pas la ville, ni même une ville de 860 000 habitants comme Marseille.
La grosse difficulté pour les oiseaux communs en ville, c’est de trouver des espaces accueillants, des parcs, des jardins, des corridors écologiques pour vivre à côté de ces 860 000 habitants. De ce point de vue, Marseille est ultra bétonnée, comme toutes les grandes villes, ce n’est pas une spécificité. Mais on voit quelques éléments qui vont sur la bonne voie, des aménagements de parcs, des avenues réaménagées avec davantage d’arbres.
Avec 20 000 participants attendus, le congrès mondial de la nature paraît être un grand raout un peu lointain, même s’il est organisé à Marseille. Qu’est-ce qu’en attend un organisme local comme le CEN Paca ?
De faire un bilan et de partager des retours. C’est une nouvelle occasion d’échanger avec les gestionnaires mondiaux, avec qui nous partageons cette problématique. C’est important également de présenter les travaux des gestionnaires français, pour montrer ce que la France est capable de faire en termes de biodiversité.
Donc l’émulation plutôt que des négociations et des grandes annonces ?
Je ne suis pas sûr que cela puisse entraîner de grandes décisions de nos dirigeants. Le congrès de l’UICN n’est peut-être pas fait pour ça…
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Les oiseaux, les insectes et autres organismes vivants en voie de disparition remercient les humains pour organiser de grands colloques ou raouts qui n’ont pas force de lois contraignantes…Comme disait le feu ministre Hulot, la politique des petits pas ne compte pas…!
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