Privé de maison dédiée, le projet urbain “Quartiers libres” peine à exister
Le Pavillon Belle de mai, destiné à être un lieu d'échanges et d'information autour du projet de réaménagement urbain Quartiers Libres, a fermé ses portes depuis le début du mois de juillet. L'absence d'un tel espace illustre les difficultés des collectivités à faire émerger les avancées de ce projet censé rénover la Belle de Mai, lancé en 2014.
Le Pavillon de la Belle de Mai, fermé. Photo : SL
Trouver le pavillon Belle de mai relève d’une chasse au trésor. Première étape : aller repérer sur le site de la métropole qui n’indique que la rue du lieu, la photo du bâtiment. Seulement une partie du mur est visible mais on observe une barrière jaune qui le borde. Sur place, s’enfoncer tout au fond de la rue Bugeaud, passer devant l’école en préfabriqué et chercher cette même barrière. Une fois trouvée, une petite pancarte confirme que l’on se trouve bien à l’endroit censé être un lieu d’échanges dédié au projet “Quartiers libres”. Mais ce jeudi 29 juillet, tout est fermé. Depuis le début du mois, la Ville de Marseille, propriétaire du lieu, a décidé de récupérer cet espace pour les besoins de l’école d’en face.
La fermeture marque un projet qui n’a plus autant la cote qu’à ses débuts. “Quartiers libres” est un projet urbain né en 2014. Porté par la Ville dirigée par Jean-Claude Gaudin, il s’est retrouvé aux mains de la métropole en 2018. Il consiste en plusieurs aménagements d’envergure dans le 3e arrondissement : création d’écoles et de gymnase, implantation d’une forêt, rénovation de routes. Et il s’articule autour de la réhabilitation des casernes militaires de ce quartier. En parallèle, une nouvelle gare souterraine à Saint-Charles verra le jour à l’horizon 2035, et aura une entrée du côté de la Belle de Mai. L’objectif est de rattacher ce quartier, parmi les plus pauvres de Marseille, au centre-ville.
500 000 euros investis
“Il y a un vrai besoin d’accès aux droits et aux équipements publics dans ces quartiers qui sont loin des centres sociaux existants” souligne Etienne Ballan, le sociologue rattaché à l’équipe de Quartiers Libres. Afin que les habitants puissent s’informer, rencontrer les acteurs de Quartiers Libres et partager leur connaissance des problématique de la Belle de mai, une maison des projets a été réclamée. En octobre 2018, la Ville accorde à la métropole une occupation temporaire du Pavillon Belle de mai. La métropole investit 500 000 euros pour rénover ce Pavillon et faire naître un tel lieu.
Il n’aura finalement ouvert que quelques mois. En 2020, crise sanitaire oblige, la maison sert d’abord à distribuer des colis alimentaires et des kits d’hygiène en plein confinement. Mais depuis le mois de juillet, la municipalité a décidé de réquisitionner ce Pavillon pour les besoins de l’école Ahmed-Litim. “Cette école a des conditions de scolarisation insupportables, relate Mathilde Chaboche, adjointe à l’urbanisme. C’est une école certes temporaire mais elle l’est depuis dix ans et elle va le rester pour un bout de temps. Il faut absolument recréer de l’espace parce que la cour est saturée par les Algeco“. Selon elle, même si de nouveaux groupes scolaires sont prévus dans le cadre de “Quartiers libres”, il y aura forcément besoin d’écoles dans les années à venir. Un constat déjà établit par une étude prospective réalisée en 2019.
Changement de com’
À la naissance de “Quartiers libres”, Laure-Agnès Caradec, alors adjointe à l’urbanisme de Jean-Claude Gaudin, présentait le projet en ces termes : “Nous avons souhaité lancer une démarche inédite à la Ville dans ce qu’on appelle le management des parties prenantes”. Contactée par Marsactu, la conseillère métropolitaine n’a pas répondu dans les délais prévus pour la parution de l’article. Si la démarche se voulait donc innovante au départ, la nouvelle municipalité ne semble pas vouloir le présenter de la même manière. Pour Mathilde Chaboche, elle s’inscrit plus globalement dans le projet partenarial d’aménagement (PPA), voté en juin 2019, qui prévoit une requalification d’un plus large périmètre de la ville.
“Il ne faut pas en faire un projet décalé ” estime-t-elle. “Il n’y a pas besoin d’une maison des projets spécifiques à “Quartiers Libres”.” Une position qui tranche avec la campagne du Printemps Marseillais aux élections municipales, dont un des axes majeurs était la volonté d’une meilleure concertation avec les habitants. Mais selon Mathilde Chaboche, la maison des projets est anecdotique : “Ça n’empêchera pas la co-construction avec les habitants. Il faut aller vers les gens, aux abords des écoles et dans les centres sociaux pour discuter.”
“Nous avons fait des repérages et il n’y a rien eu”
Pourtant bien avant la mise en place du PPA, le projet de “dialogue” et de “co-construction” s’avérait complexe. Les projets à courts termes, destinés à susciter l’espoir des habitants, peinent à voir le jour. “On nous a dit que c’était un projet urbain sur 20 ans donc c’est difficile de palper ce qu’il se passe. Je pense aux “places de poches” [lieux à valoriser pour la vie quotidienne des habitants, ndlr], je me souviens à l’époque que l’équipe de “Quartiers Libres” avait parlé de mettre ça en place à partir de 2017. Nous avions fait des repérages avec un collectif d’architectes et il n’y a rien eu”, raconte Hélène Froment, membre de CHO3 et de Brouettes et Compagnies. Ces deux associations d’habitants du 3e arrondissement prennent part activement aux discussions concernant Quartiers Libres. En 2017, Michaël Güller, l’architecte-urbaniste qui fait partie de l’équipe ayant remporté le projet craignait déjà l’arrivée de tensions dues à la lenteur des aménagements. Il soulignait de ce fait l’importance de la mise en place immédiates des ces places de poches.
En 2019, cinq des projets de Quartiers Libres ont été classés comme “démarches prioritaires”. Parmi eux, le carrefour Schiaffini, la rue Levat, les tunnels Benedit et National et le parvis des écoles National et Pommier. Tous revêtent de vrais enjeux d’espaces publics et de qualité de vie, pourtant, aucun n’a encore vu le jour. À défaut d’avoir une maison des projets, le site de la métropole a récemment mis en ligne de nombreuses ressources sur les aménagements de “Quartiers libres”. Dans celle qui concerne le parvis des écoles Pommier et National, il est indiqué dans la réalisation : “en attente d’une confirmation Ville de Marseille / Métropole AMP ”
Sur le même site, on peut lire que “le projet “Quartiers Libres” comprend également l’aménagement des casernes de la Belle de Mai. Ce site de 7 hectares a vocation à devenir un « haut-lieu » de la vie publique du quartier.” Mais aujourd’hui, les casernes sont toujours la propriété de l’État. Actuellement en travaux, la caserne du Muy sera utilisée de manière transitoire par le ministère de la Justice pour ses grands procès pendant sept ans. “C’est quand même incroyable d’avoir imaginé un projet autour d’un site qui n’est même pas acquis”, s’étonne cette même militante.
Si sur le fond, la mairie semble en accord avec ces aménagements, c’est sur la forme que le bât blesse. Le projet est porté par la métropole mais le gros des investissements relèvent des compétences de la Ville. “On a amorcé des discussions avec la métropole pour leur faire comprendre qu’il n’était pas question que ce projet qui vise nos compétences et notre argent nous place en rôle de spectateur“, reprend Mathilde Chaboche. Un rôle qu’endossent, malgré eux, les habitants du 3e arrondissement, dans un contexte de conflit politique entre la droite métropolitaine et la gauche municipale.
Commentaires
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Un article très bien documenté! On peut toutefois rajouter que “Quartier libre” est avant tout un projet centré sur des opérations immobilières destinées à valoriser le site des anciennes casernes, en prévision de l’hypothétique gare TGV souterraine. La Belle de Mai n’est concernée que secondairement, par des retombées du projet, notamment par une meilleure desserte en TC du site “Quartier Libre” qui passerait forcément par le périmètre urbain environnant.. Les équipements prévus (école, espaces verts…) sont avant tout destinés aux nouveaux habitants et ne compenseront pas l’insuffisance endémique de ceux des quartiers alentour. Il est vrai, en contrepartie, que l’équipe d’architectes Suisses s’est sérieusement intéressée à tout le secteur et a fait des propositions hors périmètre de projet, comme la nécessité d’une école rue Loubon (déjà pointée par les acteurs locaux). Mais on en attend la mise en programmation avec de vrais crédits. Sur ce thème des opérations connexes, les petits aménagements de préfiguration, correspondant à du court terme et a priori faciles à mettre en œuvre et peu coûteux, telles les “places de poche” proposés par les archis dans le quartier de La Belle de Mai, n’ont toujours pas vu un début de commencement. Aménagements de voirie, ils relèvent de la compétence de la Métropole qui ne les a jamais programmés..
En vérité, “Quartier Libre” a plus eu, à ce jour, pour effet de freiner les autres aménagements dans le quartier (le vrai) dont la nature aurait pu contrarier les futurs éventuels projets liés à l’opération immobilière. On peut citer le réaménagement du carrefour Loubon/ Belle de Mai/ Orange qui prévoyait une meilleure place pour les piétons et qui est resté dans les cartons car peut être contraire au renforcement d’une desserte en bus qui reste, elle, totalement hypothétique.
En l’état actuel des choses, l’article le dit bien, l’État demeure propriétaire d’une grande partie du site et tout reste en panne.
Dommage pour la Belle de Mai, la grande oubliée, qui représente un blanc sur la carte de Marseille dans bien de domaines.
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Très bel article, commentaire tout à fait pertinent d’André. Cette Belle de Mai si sympa dans le passé,et où l’on trouvait la meilleure pizza de tous les temps devant les Picone, Sauveur, Étienne et j’en oublie et je m’en excuse ,se trouvait ,et les plus vieux s’en souviennent chez Manzi.Quarier totalement abandonné et bien décrit dans la chanson de Quartier Nord ,la poubelle de Mai.
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Alors, que de bureaux d’études,que de sociologues, que d’élus médiocres ont pris des sous sur ce dossier accompagnés d’architectes,il ne manque d’ailleurs que Ciotti pour ne rien faire , tout cela pour transformer le marché de la Place Bernard Cadenat en pire que celui de la Plaine et faire disparaitre la meilleure Pizza au profit de kebabs qui ne sont même pas bons.
Alors nous cherchons le vrai Marseille, une partie était à la Belle de Mai, il est maintenant dans la poubelle du même nom.
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Et les habitants ont fui, comme moi, pour bientôt fuir Marseille… Stop ! On en peut plus ☹️
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on aurait pu et du acceuillir dans la caserne du Muy le musée Picasso envisagé à Aix puis finalement annulé ! La mairie précédente était une vaste blague et dès le début on sentait que ce projet était de la poudre aux yeux !
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Comme toujours à Marseille, les projets urgents mettent des décennies à prendre forme, et les projets non prioritaires se perdent dans les sables mouvants de l’incompétence des élus censés les porter.
J’ai participé récemment à l’enquête publique sur le projet de gare souterraine à St-Charles. Ce qui m’a frappé, c’est que son dossier de présentation renvoyait à de multiples reprises à des projets de réaménagement de la voirie et des quartiers autour de la gare. Parmi mes observations, je me suis autorisé à attirer l’attention de SNCF Réseau sur la nécessité de ne pas trop compter sur la réalisation de ces projets en temps et en heure.
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