Bénéficiaire d’un système “népotique” le clan Povinelli risque la prison ferme
Durant deux jours, le tribunal correctionnel de Marseille a disséqué le fonctionnement d'un clan, construit autour de la figure despotique et fantasque du maire d'Allauch, mort entre les deux tours des municipales 2020. Ses fils et anciens proches risquent la prison ferme pour avoir bénéficié du fruit de ses infractions.
Bénéficiaire d’un système “népotique” le clan Povinelli risque la prison ferme
Pour la dixième fois au moins, Christophe Povinelli replace nerveusement l’élastique de son masque derrière la branche de ses lunettes. À un siège de lui, face au tribunal, son frère jumeau Laurent s’enduit les mains de liquide hydro-alcoolique comme il le fait toutes les heures depuis le début du procès ce mardi 25 mai. Assise à côté de son mari, Prescillia n’a pas cillé. Pourtant, le ministère public vient de requérir des peines de prison ferme contre eux tous. Voilà le clan Povinelli menacé, comme héritier et principal bénéficiaire d’un système “népotique” disséqué durant deux jours à la barre de la sixième chambre correctionnelle.
Deux ans de prison dont six mois ferme pour Laurent, la même peine pour sa belle-sœur. Christophe, son époux, s’est vu requérir la peine la plus lourde, deux ans ferme du fait d’une condamnation à de la prison avec sursis prononcée en 2011 pour des faits de violence. Valérie P., l’ancienne compagne et directrice de cabinet du maire d’Allauch, risque la même peine de six mois de prison ferme. Elle ne bronche pas plus à l’entendre tomber de la bouche du procureur, Mathieu Vernaudon.
Le seul oublié est Guy Maria qui, par un acte manqué, est absent des réquisitions. “Son rôle est accessoire”, dira de lui le procureur avant de corriger le tir en requérant un an de prison avec sursis.
Monarque absolu d’Allauch
Assis sur le banc des prévenus, ils paient tous leur appartenance à un clan, celui de l’ancien maire d’Allauch, Roland Povinelli qui, durant 45 ans, a régné en monarque absolu sur cette petite commune du piémont de l’Étoile, voisine du 13e arrondissement de Marseille. Ce procès est celui d’un absent, contre qui les préventions sont éteintes depuis son décès le 11 mai. Restent ses proches, enfants, compagne, ami, accusés d’avoir profité – recelé en terme judiciaire – des fruits des infractions commises par le maire et sénateur socialiste durant son long règne.
Pour la plupart d’entre eux, l’histoire débute sur les hauteurs de la colline où la municipalité possède un terrain, appelé La Folie. En 1986, cette propriété communale, ni constructible, ni agricole, est vendue 10 000 francs à une association, la fédération des clubs culture et loisirs, présidée par le maire. Celui-ci, prudemment, ne prendra pas part au vote. Ce n’est pas le terrain en totalité que le maire a décidé de vendre, mais son point culminant, “un rond de 17 mètre de rayon” que le procureur tient à montrer au tribunal sur une vue aérienne. Ce minuscule point est une mine d’or.
À cette même période, rendue floue par le temps, un projet d’antenne-relais vient y poindre. L’association n’en a que faire. Roland Povinelli, si. Via l’association dont il est tour à tour président, directeur ou président d’honneur, il cède gratuitement le bien à une société, Publi-loisirs, qui la loue à son tour à TDF. Le fruit de cette location a bénéficié successivement à une maîtresse, une belle-sœur, avant que le terrain ne soit racheté en 2006 par ses deux fils. Pour le ministère public, la vente du terrain constitue la prise illégale d’intérêt, l’achat par la SCI détenue par les deux frères, l’acte de recel. Le procureur demande d’ailleurs en sus la confiscation du terrain.
Depuis leur villa, jusqu’à ce terrain, en passant par leurs emplois, les deux frères ont tout obtenu via leur père.
C’est sans doute la menace qui inquiète le plus les deux frères. Quand la présidente Marie-Pierre Attali leur demande de décliner leurs professions, Laurent puis Christophe se présentent comme “gestionnaire de la SCI le Mistral”. Celle-ci leur permet de toucher 24 000 euros annuels en complément de leur petite retraite du conseil général des Bouches-du-Rhône. Depuis leur villa, jusqu’à ce terrain, en passant par tous leurs emplois, tout leur vient de papa. Une façon pour l’élu de compenser son absence au quotidien. “Je l’ai plus vu qu’eux”, reconnaît Pierre Ceccaldi avocat d’un des fils après avoir été celui du père.
Gémellité et dépression chronique
Laurent arrête l’école en 3e et rejoint l’association créée par son père. “C’est ma mère qui m’a fait entrer, elle était prof là-bas”, affirme-t-il. Après la même scolarité, son frère commence en contrat aidé au sein de la société Publi-loisirs, celle-là même qui touche les loyers de TDF.
Vous allez dire que c’est un emploi fictif, mais d’abord je n’étais pas le seul, et ensuite ce n’est pas facile de regarder la pendule, seul dans une pièce huit heures par jour.
Laurent Povinelli
Ensuite, tous les deux entrent au CG 13 de Jean-Noël Guérini, grâce à leur père, reconnaissent-ils. Quelques années plus tard, ils quittent l’institution avec une pension d’invalidité, frappés de la même dépression chronique. “Vous savez les jumeaux, c’est spécial, explique Christophe. Quand on n’en est pas un, on ne peut pas comprendre.” Les deux hommes font tout ensemble. Laurent est celui qui décide, Christophe suit. À la barre, c’est pareil. Le premier coupe la présidente, regimbe quand on le remet en place. “Je suis comme ça, vous embêtez pas”, lâche-t-il à la présidente. “Comment définiriez-vous votre emploi au CG 13 ?”, lui demande le procureur. “Vous allez dire que c’est un emploi fictif, mais d’abord je n’étais pas le seul, et ensuite ce n’est pas facile de regarder la pendule, seul dans une pièce huit heures par jour”, ose-t-il, bravache. Il accueillera comme une délivrance son métier de chauffeur.
Vivre du népotisme n’est pas toujours une sinécure. Leur père ne veut pas d’eux. “Il changeait de tête quand il nous voyait à une fête communale”, regrette Christophe qui aurait aimé faire de la politique. Entre eux, les relations étaient inexistantes, “un peu de sa faute, un peu de la nôtre”, formule Laurent. Mais si le père n’est pas capable d’amour, il est prodigue : la villa pour chacun d’eux, le terrain et sa rente.
Et puis il y a le cadeau fait à Prescillia, l’épouse de Christophe, rencontrée à 15 ans, épousée à 16 quand il en a 14 de plus. Pour eux, le cadeau est substantiel : le 22 juillet 2009, elle signe un contrat d’assistante parlementaire auprès de son beau-père. À la barre, la jeune femme à la frange impeccablement lissée ne se démonte pas.
Soins du corps et conseils précieux
Elle s’occupait le dimanche des soins du corps de son beau-père, assortis de conseils vestimentaires et de massages. En sus, elle parcourait à ses heures perdues le département pour interroger les administrés sur leurs attentes. Elle en faisait le résumé à son beau-père le week-end, puisque la semaine elle poursuivait à plein temps son travail d’esthéticienne. “Je faisais en plus une revue de presse, explique-t-elle. J’encadrais tout ce qui avait à voir avec la politique et je le donnais à monsieur Povinelli.”
De ses nombreuses notes manuscrites, notamment sur la cause animale, elle n’a rien conservé. Ni son beau-père, qui pourtant gardait tout. Le ministère public évalue à un demi-million tout rond le préjudice d’argent public subi par le Sénat, lequel n’a pas cru bon se porter partie civile.
“Dire toujours oui”
À sa maîtresse, Valérie P., il offre une progression professionnelle express. En quelques années, elle gravit les échelons comme on monte à l’Étoile. Le maire multiplie les faux pour griller les étapes en dépit de la légalité. En contrepartie, il lui fait vivre l’enfer dès qu’elle s’éloigne. Il la fait suivre, fait placer une caméra près de son domicile. “J’avais pris l’habitude de dire toujours oui”, relate celle qui a tout supporté avant d’être débarquée le jour où elle s’est remariée. Son avocat Philippe Vouland affirme qu’elle ignorait tout de l’illégalité des décisions prises. Il souligne l’absence de préjudice pour la mairie d’Allauch qui réclame pourtant 280 000 euros en dommages et intérêts.
En défense de Laurent, Pierre Ceccaldi adopte la même argumentation : les fils ignoraient tout de la prise illégale d’intérêts initiale, prescrite puisque commise en 1988. “On raisonne par le prisme de la configuration familiale traditionnelle : le père va concocter de bonnes petites affaires qu’il va partager lors du repas dominical, formule l’avocat. Sans sombrer dans la psychanalyse, les liens familiaux sont ici un peu particuliers”. Le clan Povinelli saura le 29 juin prochain si le poids de l’héritage leur vaudra la prison ferme, fut-elle vécue avec bracelet électronique dans la villa payée par leur père.
Commentaires
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J’avais comparé le récit du procès guérini à un film de scorcese. Avec le clan povinelli, on est chez les frères Cohen : des pauvres types à la fois complices et victimes d’un tyran grotesque. Les relations hommes femmes sont tristes et édifiantes : le fils attardé qui épouse une gamine de 16 ans, assez dégourdie pour devenir l’assistante parlementaire de papa ubu ; la maîtresse qui paie son enrichissement au prix fort, harcelée par le vieux lubrique…
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La version italienne d’Ettore Scola s’appelle “Affreux,sales et méchants”
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C est tout à fait cela , affreux , sales et méchants avec en plus des électeurs cocufiés A gerber
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C’est le scénario d’un film glauque, il y a a tout : des benêts, un tyran, des prostituées, de la luxure, du pognon, des fonctionnaires qui embauchent et promeuvent des tchapacans, des avocats au grand coeur…
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effectivement, scénario de film glauque…. mais à la fin : vont-ils rendre l’argent ???
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Bonjour, les réquisitions du ministère public prévoit des amendes substantielles. Elles peuvent être assorties de dommages et intérêts comme demandes par la ville d’Allauch.
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Tous en taule et biens saisis
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