Après 6 ans de léthargie, Ville et métropole relancent le chantier de la rénovation urbaine

Décryptage
le 26 Avr 2021
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Après plusieurs années sans avancée, la Ville de Marseille et la métropole avaient rendez-vous avec l'agence nationale de rénovation urbaine pour faire valider de nouveaux grands chantiers au Nord, à l'Est et au centre de la ville. Si les élus ont fait preuve de cohésion, les conventions vont mettre quelques années avant d'être signées.

En 2019, la démolition du bâtiment J à la Savine. Photo : Emilio Guzman.
En 2019, la démolition du bâtiment J à la Savine. Photo : Emilio Guzman.

En 2019, la démolition du bâtiment J à la Savine. Photo : Emilio Guzman.

L'enjeu

Les deux collectivités locales passaient la semaine dernière un grand oral pour faire valider leurs projets de rénovation à venir.

Le contexte

Malgré de nombreux projets à l'étude, Marseille peine depuis plusieurs années à concrétiser ces chantiers visant principalement les grandes cités.

Cinq heures de réunion pour six ans de retard. La rénovation urbaine à Marseille a connu un coup d’accélérateur, jeudi 22 avril, sous la forme d’un comité d’engagement avec l’agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Des élus de la nouvelle majorité municipale, emmenés par Samia Ghali, maire adjointe, faisaient face à des élus métropolitains conduits par Martial Alvarez pour plancher ensemble lors de ce grand oral visant à valider les projets de rénovation marseillais.

En la matière, Marseille est à la fois première de la classe et indécrottable cancre : la forme urbaine de la Ville justifie toutes les attentions de l’ANRU et pourtant, la Ville n’a signé aucune nouvelle convention permettant de lancer de nouveaux travaux depuis 2015, date du lancement du nouveau programme de renouvellement urbaine (NPNRU). Pire, une partie des 14 chantiers du premier programme de rénovation ne sont toujours pas achevés près de 15 ans après leur lancement.

Pour faire bonne mesure, Marseile a bénéficié dès 2015 de financements anticipés du ce NPNRU pour finir les travaux à la Busserine (14e) comme à la Savine (15e) ou les commencer comme à la Castellane (15e) ou à Air-Bel (12e). Mais depuis, rien ou presque si ce n’est des monceaux d’études destinées à sélectionner les territoires d’interventions dans de vastes “cadrans” du Nord, de l’Est et du centre de la ville. Les parapheurs ont pris la poussière.

819 conventions signées en France, deux à Marseille

Ailleurs en France, de Dreux à Mamoudzou, près de 819 conventions ont été signées, permettant de démarrer les travaux. “C’est bien simple, avec 93, le 13 est le seul département ou, mise à part les préfigurations, aucune convention n’a été signée, rigole un observateur. On va dire que c’est parce que les chantiers sont colossaux dans les Seine-Saint-Denis comme dans les Bouches-du-Rhône, mais c’est loin d’être la seule explication”.

Comme souvent, la raison du retard est à chercher dans le portage politique du sujet. Longtemps, l’UDI Arlette Fructus – adjointe au logement et à la rénovation urbaine de Jean-Claude Gaudin, ancien maire LR – était seule à la manœuvre, tant à la Ville qu’à la métropole, accompagnée d’un silence poli de ses collègues. Non reconduite après le scandale de la rue d’Aubagne, elle est désormais remplacée par une flopée d’élus des deux institutions qui doivent relancer la machine en mode partenarial.

Déglaciation sur la rénovation

Après s’être regardés en chiens de faïence pendant plusieurs mois, ils se sont mis à la tâche. “Nous avons passé plusieurs dizaines d’heures en réunion depuis l’automne, avec les élus municipaux concernés, raconte Lionel Royer-Perreaut, vice-président LR du conseil de territoire chargé de l’habitat. J’ai eu l’impression que la direction de l’ANRU était agréablement surprise de constater la force d’un front unie”. La dernière réunion du comité de suivi, en octobre dernier, s’était moins bien passée, avec une ambiance glaciale entre élus de la Ville et métropole. “Depuis, le travail en commun a permis de faire émerger nos points de convergence”, rassure l’élu LR à multiples casquettes.

Cette ambiance de concorde accompagne des projets bien avancés pour un montant global de 300 millions de financements d’État, c’est-à-dire autant que les 14 projets du premier programme. Les quartiers d’Air-Bel, du Grand Saint-Barthélémy – englobant la copropriété de Corot – et de Malpassé pourraient voir leur convention signée dès cette année. En revanche, pour la Castellane, Frais-Vallon-La Rose, la Cabucelle, la Savine, Kalliste ou le centre-ville, les délibérations du conseil de l’ANRU ne sont pas attendues avant fin 2023, début 2024.

Mais je me suis battue avant la réunion pour que le calendrier soit corrigé en ce qui concerne la Savine et Kalliste, précise Samia Ghali. Il n’est pas question qu’on perde encore un an alors que les projets sont connus puisqu’il s’agit de la continuité de programmes lancés dans le cadre du premier programme national“. Dans un “calendrier estimatif de contractualisation” que nous avons pu consulter, on peut constater que les petits points rouges symbolisant les comités de pilotage glissent de 2022 à 2021. En revanche les flèches noires indiquant la date probable pour la signature définitive des contrats reste bloquée vers 2023.

Le programme de rénovation de la copropriété de Kalliste prévoit la démolition des barres G et E. Photo : Emilio Guzman

Les points noirs de Campagne-Lévêque et du Petit-Séminaire

Parmi les points convergents que défendaient ensemble Ville et métropole figurent deux gros morceaux un peu oubliés de la rénovation urbaine jusqu’ici : la cité Campagne-Lévêque (15e) et l’ensemble du Petit-Séminaire.

Concernant ce dernier, voué par le bailleur à démolition, les deux institutions n’ont pas réussi à faire fléchir l’État. La cité ne sera donc pas rattachée au grand ensemble Frais Vallon-La Rose, lui-même toujours en cours d’élaboration, confirme-t-on à la préfecture.

Pour la grande barre de Campagne-Lévêque, les élus n’ont pas réussi à l’extraire des “programmes de rénovation d’intérêt régional”, sorte de division 2 de la rénovation où végètent quelques quartiers marseillais. “Campagne-Lévêque va bénéficier d’une action forte de rénovation financée par l’État”, affirme Samia Ghali. Une certitude partagée par Lionel Royer-Perreaut, qui préside par ailleurs 13 Habitat, propriétaire de l’immense barre. “L’ANRU a une position ouverte sur ce site qui fera l’objet d’un examen approfondi”, confirme également la préfecture.

La manne du plan de relance

Parmi les petites pierres que l’élue des quartiers Nord a poussées lors de la réunion au sommet figurent des équipements situés dans les quartiers classés “politique de la ville” ou dans ceux visés par des programmes de rénovation urbaine qui pourraient par exemple bénéficier de crédits du plan de relance voulu par le gouvernement. “J’ai pris le temps de faire le point avec chacun des élus concernés, des espaces verts aux sports en passant par les écoles ou les crèches”, explique la maire adjointe. L’emblématique piscine Nord ressurgit donc au profit d’un complexe sportif rattaché à Campagne-Lévêque. “Tout comme la piscine de Frais-Vallon”, se réjouit Samia Ghali.

La plaine des sports et des loisirs située en bordure de rocade L2 à la Busserine recevra également sa part, même si elle faisait partie des aménagements de surface que la Ville était censée financer en accompagnement des travaux de la rocade. “Elle coûte près de huit millions dont la Ville a déjà payé la moitié, si l’État prend sa part, c’est autant d’argent que la Ville pourra investir ailleurs”, rétorque l’élue ex-socialiste. Samia Ghali met également à son palmarès la demande commune de voir augmenter la part de financement de l’ANRU sur l’ensemble des projets. “Le règlement de l’agence prévoit que le taux maximal de subvention pouvait passer de 50 à 65% si la Ville remplit un certain nombre de critères. On coche toutes les cases et cette proposition a reçu un accueil positif du comité d’engagement”. Les sommes exactes seront arrêtées au moment de la signature de chaque contrat.

Reste le gros morceau de la rénovation du centre-ville. L’ANRU est censée être un des financeurs avec l’agence nationale d’amélioration de l’habitat. Le chantier a été présenté par Patrick Amico pour la Ville et David Ytier pour la métropole. Avec la gageure de construire un ensemble cohérent et efficace avec la GOU, le PPA, la SPLA-IN, l’ANRU… plus belle guirlande d’acronymes de l’histoire de Marseille.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Une confirmation,ou plutôt plusieurs.Vu la litanie des noms de quartiers, cette ville est en ruine. Fructus avait déclaré au moment de la rue d’Aubagne qu’elle n’était pas spécialiste et qu’elle n’y connaissait rien, cela est bien confirmé.Enfin merci l’État et l’agence de rénovation urbaine. Maintenant nous allons regarder d’un air amusé les tentatives de récupération de la part des élus, surtout de droite pour ces chantiers. Certain(e)s n’ont pas de figure.

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    • Ysabel Bels Ysabel Bels

      Vous dites élus , surtout de droite pour récupérer … a mon avis c’est pareil des 2 côtés? Relisez l’article et repérez les occurrences concernant madame Ghali !

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  2. Oreo Oreo

    L’ ANRU a des exigences insensées : plus un territoire est en difficulté, plus elle demande que lui soit proposé un programme irréprochable, avec un phasage dans le détail sous tous les aspects (urbanisme général, logement social, environnement, transports, développement de la citoyenneté…) pour les 20 années suivantes, à quoi il ne faudra pas changer une virgule sous peine de pertes des subventions. L’ANRU est un machin parisien rigide débile de plus qui ignore tout pragmatisme. Les délégués territoriaux de l’ANRU sont de petits caporaux fraichement sortis des “bonnes” écoles que l’on envoie faire le “sale” boulot dans les provinces barbares – Et Dieu sait si Marseille en est une vue de Paris- pour faire leur preuves. Ce qu’ils font le plus vite possible afin de pouvoir prétendre à de “bons” postes dans la capitale et retrouver l’entre-soi douillet des soupers du palais Vivienne. (Nota : je caricature bien entendu).

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    • Alceste. Alceste.

      Expérience personnelle.je connais pirsonnellement comme écrit Andrea Camillieri ce sont des gens de très haut niveau contrairement aux Guignols locaux.Alors oui ils sont exigeants et regardent comment notre argent est dépensé. Cela s’appelle de l’aménagement du territoire.

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    “6 ans de léthargie”. C’est vrai qu’il n’y avait absolument aucune urgence nulle part. Merci qui ?

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  4. neplusetaire neplusetaire

    OREO : “on envoie faire le “sale” boulot dans les provinces barbares” Bonjour Oréo, pour ma part, j’ai vu plus d’inconvénients que d’avantages pour ces programmes ANRU. Les projets empaquetés et préparés sans aucune concertation avec les concernés c’est-à-dire les locataires. Après coup, je me demande si ce n’est pas juste une diversion pour rentrer dans le coeur des familles pour faire un état des lieux des familles abandonnées déjà depuis plus d’une trentaine d’années. Dans le cadre de la convention ANRU il y a eu des enquêtes sociales. Les doléances des locataires ignorés dans le cadre des propositions bien entendu. Diviser pour mieux régner, il y a eu des injustices même dans l’obtention de logement, des différences de traitement. Une fois le dossier traiter pour la demande de logement comme par hasard vous voyez débarquer chez vous un inspecteur de la CAF pour venir vérifier vos ressources même si vous ne percevez aucune allocation enfin pour ma part. Le programme initial change par la suite. Le locataire par la suite se rend compte que tout va changer son lieu , son environnement, son loyer plus cher alors que ses maigres ressources ne lui permettront pas de suivre. La durée de l’annonce du programme de relogement a duré plus de 10 ans laissant place au stress, aux malaises, à l’incertitude du lieu de relogement, à l’indignation de cette injustice, à la souffrance de voir que vous vous retrouvez seul sans aucune aide…Les mails, courriers envoyés en R.A.R aux Elu (es) ignorés. Les conditions traumatisantes du départ de son voisin, on casse les robinets, les éviers pour ne pas squatter le logement et avec un bruit assourdissant de la découpe du métal la soudure de la plaque métallique et le silence. la moisissure qui envahit l’appartement, plus de VMC pour accélérer la dégradation. Plus de chauffage le froid envahit le bâtiment. Les tentatives d’intrusion pour voler le cuivre, l’ascenseur qui tombe en panne sans cesse et l’attente des travaux à effectuer dans le nouveau logement qui perdure jusqu’à la mort de deux personnes dans le bâtiment le père et la mère en 6 mois d’intervalle. QUI SONT LES BARBARES ! il est vrai que ces morts n’ont pas d’importance, personne n’a relevé ce drame si ce n’est Mr Benoît G. journaliste. Silence total, il n’y aura pas une plaque commémorative “Ici sont morts deux locataires dans l’attente insoutenable du relogement”. Récits en vrac de la souffrance endurée et ignorée d’une barbare des quartiers Nord.

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  5. Alceste. Alceste.

    Ysabel Bels, qui était au pouvoir dans ce domaine ?Fructus,Gaudin,Vassal, Caradec. Alors Gahli a beaucoup de défauts ,mais lā , mauvaise pioche

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  6. Alceste. Alceste.

    Sûrement un oubli de ma part,mais Boyer où rien ……..

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    • Jb de Cérou Jb de Cérou

      Les bilans se succèdent année après année sur les résultats de la politique de l’ANRU et bien malheureusement force est de constater que les guettos, poches de pauvreté, insécurité, trappes à chômage, communautarismes… demeurent quasi inchangés malgré les milliard dépensés. Je suis bien incapable d’imaginer les solutions alternatives et les changements de stratégie qu’il conviendrait d’opérer, mais j’ai deux convictions bien ancrées:
      Grossomodo quant on dépense 10, 9 vont dans le béton et 1 dans l’accompagnement humain (formation, éducation, culture…); ce déséquilibre est criant; où mettre le bon curseur, je l’ignore, mais l’accompagnement des familles des chômeurs, des enfants à initier à la culture et aux arts, des parents isolés à resocialiser… me semble être la priorité des priorité pour “faire société”. Une action d’envergure en ce sens, véritable investissement pour l’avenir, créatrice d’emplois au surplus, en arbitrant sur les investissements dans le béton me semble être de bon sens.
      par rénovation on entend trop souvent démolition-reconstruction, de logements en particulier; à quoi cela sert de faire sauter une barre ou une tour de quelques dizaines de logements dans une cité où demeureront inchangés des centaines de logements identiques; le traumatisme dans les mémoires des locataires qui ont vécu des décennies dans ces logements, l’énergie considérable des divers acteurs HLM pour reloger, reconstruire ailleurs à grands frais les logements détruits dans un marché de pénurie de logements sociaux… cette politique est un beau gâchis économique et humain dans trop de cas pour un résultat nul; la démolition de logements ne devrait être possible et justifiée que pour un gain effectif concret: désenclavement d’une cité justifiant le sacrifice d’un immeuble, réalisation d’un équipement collectif d’intérêt de quartier… car il faudra privilégier dans le béton la mise à niveau en équipements publics ou privés permettant de renouveler la qualité de vie.

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  7. Oreo Oreo

    Erratum : dans mon post je voulais parler des chargés de mission de l’ANRU, qui viennent de Paris, et non pas des délégués territoriaux, qui sont les locaux . L’ANRU, comme l’ANAH (aides aux propriétaires privés dans les copropriétés dégradées) sont des agences nationales, et donc virtuellement autonomes. Elles sont représentées localement par des agents des service de l’État. De plus l’instruction et la distribution des aides de l’ANAH ont été déléguées à la Métropole. L’ANRU et l’ANAH contribuent chacune en ce qui concerne leurs missions et leurs propres règlements aux projets ANRU. Vous n’y comprenez rien ? Rassurez-vous c’est que vous êtes normal.e.

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  8. MarsKaa MarsKaa

    Pourquoi cela prend-il autant de temps ? Les gens contraints de vivre dans ces cités dégradées, ces quartiers abandonnés, depuis des décennies.. c’est une honte de les abandonner à leur triste sort. Pire, de penser qu’ils n’ont pas à se plaindre. Pire encore, de dire qu’ils en sont responsables.
    Des personnes dignes essayent d’y vivre le mieux possible, partent tous les jours au boulot, y élèvent leurs enfants, s’occupent de leurs voisins voisines âgés ou malades, …
    Et tous les jours entendent et subissent les discours de haine …

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  9. kukulkan kukulkan

    cette gabergie et ce manque de moyens ou de leur utilisation par les élus locaux est criminels et devrait être condamné par la justice. Combien de personnes mal logées dans des taudis, enclavés etc ? quel est le coût global de cette casse sociale et exclusion sur laquelle on devrait fermer les yeux ? et après ça se plaint de la délinquance…

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