Un an après sa sécurisation, un immeuble de la traverse Saint-Bazile est de nouveau en péril
En juillet 2019, la Ville autorisait les locataires à revenir habiter dans l'immeuble situé traverse Saint-Bazile (1er) après des travaux de sécurisation. Un an plus tard, la structure de l’édifice est de nouveau dangereuse pour ses habitants. Un arrêté de péril a été pris, plaçant les habitants dans l’incertitude.
Au coin de la traverse Saint-Bazile l'immeuble fait de nouveau l'objet d'un arrêté de péril. Photo : Clément Gahéry
À deux pas des Réformés, l’histoire se répète pour les locataires de la traverse Saint-Bazile. L’étroite rue est bloquée par un périmètre de sécurité : l’immeuble qui fait l’angle est de nouveau déclaré en péril depuis le 11 août. L’immeuble a pourtant déjà fait l’objet de travaux de sécurisation suite à un premier arrêté de péril imminent avait été pris par la Ville en décembre 2018. Puis, les locataires ont été autorisés à revenir chez eux en août 2019, la mairie ayant validé les travaux réalisés.
“Fin juillet, en me rendant sur place, j’ai constaté que le mur central avait gonflé. Il s’est ouvert de tous les côtés et a doublé de volume”, relate Marcial Rodrigues, locataire du local au rez-de-chaussée, mais aussi du logement au premier étage où il n’est jamais revenu habiter. Ce boulanger-pâtissier, installé à deux pas de là, rue de la Grande Armée, alerte les services municipaux qui se rendent sur les lieux et confirment le signalement. Un arrêté pris par la Ville le 5 août prononce l’interdiction d’occuper l’immeuble et précise les pathologies du bâtiment : “Affaissement du mur, avec risque d’effondrement sur les planchers des étages inférieurs et de la façade sur la rue Saint-Bazile.”
“Ce sont des problèmes qui n’avaient pas été observés à l’époque. Personne ne les a vus parce que les murs étaient couverts de faïence”, assure Jérémie Escoffier, syndic de copropriété de l’immeuble pour le cabinet Laugier-Fine. Un constat pourtant inquiétant complété par le rapport de l’expert judiciaire nommé par le tribunal administratif, qui relève notamment des “fissurations amplifiées dans les parties communes de l’immeuble à chaque niveau”.
Des travaux réalisés “dans les règles de l’art”
Seul locataire à être revenu habiter dans son logement, Eric* confirme. “Des fissures réapparaissaient de partout, j’entendais des bruits étranges la nuit. Je l’ai signalé à plusieurs services de la Ville, mais ils n’ont jamais donné suite à mes signalements.” De son côté, Jérémie Escoffier tient à rassurer. “Les fissures ne posent pas de problèmes urgents selon le bureau d’études qui va entreprendre les nouveaux travaux. C’est pour le mur du bas que je suis inquiet.” Et pour cause, cette nouvelle découverte met en avant des problèmes structurels que n’auraient pas résolu les précédents travaux.
L’arrêté de mainlevée pris par la Ville en juillet 2019 assurait pourtant la conformité des travaux réalisés. En réalité, la mainlevée de péril s’appuie sur un rapport d’un ingénieur du bureau d’études qui a aussi conduit les travaux. Ce dernier certifie “que les travaux ont été réalisés dans les règles de l’art, supprimant ainsi les mouvements de façades et des planchers”. Si la procédure en vase-clos, avec un même intervenant pour les diagnostics et les travaux, est habituelle pour une mainlevée, un nouveau péril qui fait suite à des travaux de sécurisation inquiète.
L’identification des causes est souvent complexe, on peut donc se retrouver avec des travaux qui ne sont pas suffisants et qui masquent les problèmes.
Patrick Amico, adjoint en charge de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne.
“Il arrive que les travaux soient bel et bien réalisés et qu’ils ne correspondent pas à ce qui était nécessaire, mais ce genre de cas reste très rare”, réagit Patrick Amico, adjoint (PM) chargé de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne, et qui a fait sa carrière professionnelle dans l’immobilier et l’habitat. L’élu en poste depuis le mois de juillet n’a pas surpervisé le dossier de Saint-Bazile, mais analyse le phénomène : “L’identification des causes est souvent complexe, on peut donc se retrouver avec des travaux qui ne sont pas suffisants et qui masquent les problèmes.”
Les logements n’avaient pas été remis en état
Marcial Rodrigues, lui, n’aura même pas profité de la mainlevée pour revenir vivre dans son appartement du premier étage avec son épouse et sa fille, tout comme son fils, locataire d’un studio au deuxième. Assis dans la rue face aux locaux du rez-de-chaussée qu’il n’a pas non plus réinvestis, l’artisan revient sur cet épisode de galère. “Quand on a voulu nous faire revenir, les tirants en acier étaient restés en place sur les murs. Ils étaient détériorés tout comme les plafonds et les meubles. Alors on a dit : on ne rentre pas tant que les logements ne sont pas remis en état.”
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Mais après la mainlevée de juillet 2019, la mairie demande rapidement à Marcial Rodrigues de quitter le logement temporaire qu’elle lui avait attribué. L’artisan se rapproche alors d’un avocat afin de conserver ce logement provisoire et demander la réalisation de travaux supplémentaires. Il exige auprès du syndic représentant les propriétaires la remise en état des appartements et du local qui lui servait de laboratoire et de lieu de stockage. “Les transactions avec le syndic et le propriétaire étaient en bonne voie” mais ce “nouveau péril vient tout remettre en question”, précise Maître Delphine Berg, son avocate.
Jérémie Escoffier reconnaît que des travaux étaient à réaliser et justifie cette absence de travaux “d’embellissement” un an après la mainlevée de péril. “Lors de l’assemblée générale de la copropriété nous avons proposé des devis aux propriétaires qu’ils ont refusé”. Certains ont donc fait réaliser les travaux par des entreprises de leur choix ou les ont réalisé eux-mêmes, à l’image du propriétaire du logement d’Éric. Des travaux d’aménagement sans lien avec les défauts structurels découverts récemment, insiste-t-il.
L’avenir de l’immeuble en pointillés
Dans un immeuble vide et en mauvais état, Éric est revenu dans son appartement en novembre avant de devoir refaire ses valises au début du mois. “Depuis décembre 2018, j’ai habité dans neuf logements différents”, explique Eric qui vit désormais dans un logement proposé par le syndic après son évacuation. “La Ville m’a proposé l’hébergement dans un hôtel que j’ai refusé. J’ai déjà connu ça, c’est insupportable, je ne suis pas un VRP”, s’exaspère celui qui souhaite désormais trouver un autre logement pour tourner la page “Saint-Bazile” définitivement.
De son côté, le boulanger-pâtissier et sa famille ont connu six mois à l’hôtel, après le premier péril. Depuis, ils n’ont pas quitté l’appartement que la Ville leur a proposé au terme de cette période. Une situation provisoire qui se fige dans le temps pour une famille présente dans l’immeuble depuis une vingtaine d’années. “Au fil du temps, on a réalisé beaucoup de travaux à notre charge, on a beaucoup investi, et voilà le résultat. On s’est fait cambriolés à plusieurs reprises depuis le péril, nous sommes très fatigués…”, soupire Marcial Rodrigues qui espère revenir un jour habiter dans la petite rue.
Mais quand ? “Les causes du péril ne sont pas connues, le bureau d’étude va devoir réaliser des observations afin de savoir quels travaux devront être réaliser”, explique Jérémie Escoffier. Pour l’immeuble et ses habitants, retour à la case attente.
*À la demande de la personne interrogée, le prénom a été modifié.
Commentaires
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Il me semble que nous avons là un bel exemple d’intervention sur du bâti ancien avec une totale méconnaissance des particularités de cette vieille architecture de pierre. La plupart des bureaux d’étude structure ne sont pas les plus aptes à comprendre et réparer ces vieux bâtiments
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Tristesse et décadence : il s’agit de l’ancien siège historique du PCF à Marseille qui abritait au rez-de-chaussée la Librairie Paul Eluard. Toute une époque. On pourrait tat en raconter sur ce bâtiment !
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